Certains “journalistes” en sont venus à définir la politique portée par Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, comme du « macronisme ». Ce serait nouveau. On aurait de vrais droits là où ces droits n’étaient que formels, inscrits dans la loi mais sans pouvoir véritable. Ce serait la justification des “lois Macron”.
D’une part, c’est faux : des droits comme celui de contester un licenciement abusif seront désormais encore plus réduits et l’indemnisation en cas de faute de l’employeur sera elle aussi beaucoup plus faible. D’autre part, la méthode n’est pas nouvelle, c’est l’aboutissement de décennies de politiques libérales mises en place autant par les gouvernements de droite que par ceux dirigés par le PS. C’est la casse du droit du travail, pour une exploitation maximale sans la protection des garanties collectives obtenues de hautes luttes. Le droit à avoir un emploi, (déjà pas si contraignant que cela pour les capitalistes quand on voit les chiffres du chômage), devient la possibilité d’exercer une “activité”. Alors qu’il faudrait répartir la quantité de travail nécessaire au fonctionnement de la société entre tous les travailleurs et travailleuses disponibles, c’est désormais la loi de la concurrence sauvage entre les individus.
C’est la généralisation du système de l’auto-entreprenariat tant vanté par les différents gouvernements comme un moyen de « créer sa propre activité », un prétendu remède au chômage par la libre-entreprise, par le “travail libéré”.
Et dans la réalité, ce n’est nullement la «liberté du travail » qui est instaurée. Ce que Macron-Valls veulent faire, l’entreprise Uber l’expérimente déjà avec Uberpop ! Des chauffeurs sans contrat de travail qui peuvent faire des courses à tout moment, travaillant 7 jours sur 7, sans protection et ne s’en sortent jamais ! Chaque rapport humain devient cyniquement marchand. L’usure du véhicule et le risque (accident, agression) restent à la charge du conducteur et du passager, tandis que les millions de profits vont aux dirigeants d’Uber.
Au contraire, c’est le règne de l’auto-exploitation et donc de la surexploitation. Pire encore qu’avec le travail salarié car la relation de gré à gré rend plus difficile un front commun des exploités, que l’unité d’intérêts des travailleurs rend possible. Quant au “patron”, il est de fait en partie virtuel n’ayant même plus l’excuse de son petit apport initial de capital pour justifier qu’il tire des profits du travail des autres. Seuls les développeurs informatiques sont les gens qu’il exploite directement mais la grande masse des profits provient de voitures qu’il n’a même pas besoin de posséder.
Pour les capitalistes tout doit être marchandise et source de profit, du maximum de profit. Leur fortune, ils nous la doivent intégralement. Sans notre travail, rien ne fonctionne, aucune richesse n’est créée, mais seuls les capitalistes en récupèrent les fruits et en période de crise, ce n’est pas assez. Alors chaque geste doit être source de profit, de nouveaux marchés doivent s’ouvrir, tant pis pour les besoins sociaux. Le bien public doit aller vers les intérêts privés des ultra-riches. Pour cela, l’Etat auquel nous avions imposés par des décennies de luttes ouvrières la prise en charge de nouvelles missions subit cure d’austérité après cure d’austérité. Tout doit disparaître de l’Etat, hormis les missions de répression. Ce qui échappait à la rapacité des capitalistes doit être soumis à la loi du marché : la santé, l’éducation, la recherche d’emploi, etc. Le capitalisme en crise a un besoin vital de la destruction des services publics.
Pour la première fois dans l’histoire, ce système permet de produire plus de richesses qu’il n’en faut pour satisfaire les besoins sociaux mais elles sont accaparées par une minorité de parasites privilégiés. Une autre société est non seulement possible, mais surtout nécessaire. Une société aux antipodes du capitalisme, basée sur un fonctionnement rationnel de l’économie : « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Cette société c’est le socialisme démocratique qu’il faudra construire en renversant le capitalisme pourrissant. Nous, les exploités, travailleurs, précaires et chômeurs, retraités aux pensions de misère, jeunes sans avenir, nous devons nous organiser pour transformer nos révoltes en luttes collectives, et nos luttes en victoires.
Editorial de l’Egalité n°172, été 2015