Voici le témoignage d’un professeur de collège proche de la Gauche Révolutionnaire sur son vécu de la rentrée scolaire:
« Depuis longtemps, nous les professeurs, sommes habitués au degré zéro de gestion de notre école publique. Mais lors de cette prérentrée du 31 août, tous les compteurs explosent.
La grand messe de 8h se déroule dans le réfectoire en présence de tous les personnels. Aucun masque n’est distribué, aucun masque n’est prévu. Heureusement que je suis venu avec le mien. Aucune distanciation physique non plus (les chaises sont collées les unes aux autres, si bien que s’il on veut assister à la réunion, pas le choix, il faudra se coller aux collègues). Le baratin habituel s’en suit, « on a confiance en vous », « on va y arriver », « le protocole sera respecté ». La mantra est bien huilée, c’est à se demander si notre chef d’établissement parle aux médias ou à des personnels déjà à bout, humiliés d’avoir eu à attendre le dernier moment pour recevoir un protocole sanitaire. Ou plutôt un non-protocole. Oui, si vous lisez ce magnifique document, vous vous rendrez compte que toutes les mesures décrites sont toutes accompagnées d’un subtil « quand c’est possible ». Impossible donc de s’appuyer sur le document pour faire valoir nos droits (et ceux des élèves). Les collègues soufflent, s’exclament, « non mais c’est pas possible ». Bref, notre chef ne peut rien affirmer, ne peut nous garantir quoi que ce soit, il ne peut que nous répéter ce que la rectrice a dit, qui elle même répète ce que le ministre a dit. Une partie de moi me démange, celle qui voudrait prendre le micro pour dire, simplement, ce que tout le monde pense dans l’assistance « en fait, vous servez à quoi ? ».
La parole est à la salle.
Un collègue se lance. « Comment faire pour faire cours avec un masque s’il est interdit de l’enlever, même lorsque le professeur respecte la distanciation physique ? Comment lire les visages de élèves ? Le protocole dit que si la situation l’exige il est possible d’enlever son masque, vous confirmez ? ». Réponse : « non le protocole dit qu’il faut garder le masque, donc on le garde. Tout le temps, c’est moi qui le dit. » Ambiance.
« Quant allez-vous nous fournir les masques ? » Réponse : « ça vient, on en a quelques uns en stock, les autres arrivent bientôt, ce soir on espère ». On espère. Voilà où en est réduit l’Education Nationale, premier budget de l’État. Réponse du collègue « donc demain si vous ne nous fournissez pas les masques on n’accueille pas les élèves ? » Réponse : « si, si, et d’ailleurs nous ne sommes pas tenus de vous fournir des masques ». Consternation dans le public. Le collègue doit saisir son téléphone, relire devant tout le monde le protocole qui stipule bien que «il appartient à chaque employeur, et notamment aux collectivités territoriales, de fournir en masques ses personnels en contact direct avec les élèves ». », et que « le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports met donc à disposition de ses agents en contact direct avec les élèves au sein des établissements des masques dits « grand public », à raison de deux masques pour chaque jour de présence dans les écoles ou établissements. » Réponse : « nous ne sommes pas une entreprise ». Toujours plus de mépris, le ton monte.
OK, on a compris, les personnels sont des variables d’ajustement. Mais qu’en est-il des élèves ? Question d’une autre collègue : « comment s’assurer que des enfants de 11 ans vont bien utiliser deux masques différents dans leur journée ? ». Réponse : « on ne voit pas pourquoi les enfants ne suivraient pas les consignes ». Circulez, y a rien à voir. Le lendemain c’est la rentrée des 6e. Un collègue ne lâche pas le morceau. « Et pour les élèves, nous sommes un collège REP+, notre ministre a dit que les familles en difficulté seraient fournies, donc on peut le répéter publiquement ? » Réponse : « non, ce n’est pas ce que le ministre à dit, vous avez mal compris. » Le collègue, lui aussi sort son téléphone pour relire les propos du ministre. Réponse « s’il y a des cas particuliers, nous verrons à ce moment là, mais vous ne pouvez pas dire qu’on peut fournir les maques ».
Les visages des collègues sont maintenant déconfis, fatigués, désemparés. Devant tant de mépris, tant d’incompétence, tant de non-gestion, que dire, que faire ? Une collègue semble avoir la réponse. « Attendez mais au lycée professionnel en face ils ont une filière textile, pourquoi ne pas leur demander comme activité de début d’année de fabriquer des masques pour les élèves ? ». Que l’Education Nationale fournisse les élèves nécessiteux : impossible. Par contre que des élèves du lycée travaillent pour les fournir leur propres masque, apparemment c’est OK pour certains collègues. Mon ventre se noue, la gerbe me monte aux lèvres. Je vais mine d’avoir besoin d’aller aux toilettes et je m’éclipse de la réunion, les poings serrés.
J-1 de la rentrée, je suis déjà entrain de m’énerver tout seul dans les couloirs du bahut. L’année s’annonce gé-niale.
Père Castor »
Il est urgent que les professeurs de tout les niveaux de l’éducation, les syndicats, les parents et les élèves se mobilisent pour lutter pour de vrais moyens pour l’éducation et l’arrêt de la transformation des établissements en entreprises privées avec le management qui va avec.