Écosse : L’accélération de la crise du SNP montre la nécessité d’une véritable alternative ouvrière

La crise au sein du Parti National Écossais (SNP), déclenchée par la démission de la dirigeante du parti et première ministre écossaise Nicola Sturgeon le 15 février, ne montre aucun signe d’apaisement. La chute dans les sondages d’opinion, les affrontements et les divisions qui sont apparus pendant et après la course à la direction du parti, la perte de 30 000 membres au cours des deux dernières années et la démission du président qui a menti sur la baisse du nombre de membres, étaient déjà assez graves.

Le malaise auquel sont confrontés les nationalistes s’est toutefois aggravé la semaine dernière lorsque l’ancien directeur général et mari de Nicola Sturgeon, Peter Murrell, a été arrêté par la police, interrogé puis relâché sans inculpation dans l’attente d’un complément d’enquête. L’action de la police fait suite à une très longue enquête qui a débuté en juillet 2021 sur les finances du SNP, à la suite de plaintes concernant l’utilisation des dons publics.

Entre 2017 et 2020, le SNP a déclaré avoir reçu un total de 666 953 livres sterling provenant d’appels financiers liés au référendum sur l’indépendance (de l’écosse, NdT). Pendant cette période, qui a suivi le vote du Brexit, ils faisaient campagne pour un second référendum et s’étaient engagés à dépenser ces fonds pour celui-ci.

Cependant, à la fin de l’année 2019, le SNP a déclaré seulement 90 000 livres sterling en banque et des actifs d’environ un quart de million de livres. Murrell lui-même a prêté au SNP plus de 100 000 livres en 2021, ce qui souligne les problèmes auxquels le parti était confronté en raison de la perte de membres, de soutien et de revenus.

Cela soulève la question suivante : étant donné qu’il n’y avait pas de référendum sur l’indépendance pour lequel dépenser les 666 953 livres, une partie de cet argent a-t-elle été dépensée ailleurs ? Par exemple pour le fonctionnement du parti, les campagnes électorales ou peut-être d’autres raisons inconnues.

Il est certain qu’un certain nombre de partisans de l’indépendance et de membres du SNP pensent que l’argent aurait dû être réservé à un futur référendum. En effet, les plaintes initiales déposées auprès de la police provenaient de partisans de l’indépendance.

La couverture médiatique de la descente de police au domicile de Sturgeon et Murrell, ainsi que dans les bureaux du SNP à Édimbourg, a fait la une des journaux pendant plusieurs jours. Elle a contribué à renforcer l’idée que le SNP est dans une spirale descendante qui s’accélère rapidement. Le président du parti, Mike Russell, a commenté l’événement : « En 50 ans d’association avec le parti, il s’agit de la crise la plus importante et la plus difficile à laquelle nous ayons jamais été confrontés. »

L’opération de police a toutefois suscité des réactions négatives de la part de certains. L’avocat Aamer Anwar, partisan de l’indépendance et de la direction du SNP, a commenté l’opération de police : « Aujourd’hui, beaucoup de gens se posent la question : ruban adhésif de la police, plusieurs fourgons , tentes de la scientifique. Beaucoup se demandent évidemment s’ils n’ont rien vu de tout cela de la part de la police au numéro 10 (10 downing Street, résidence officielle du premier ministre du Royaume-Uni, NdT) alors que des infractions à la loi se produisaient juste sous leur nez, et les gens ont tout à fait raison de se poser ces questions aujourd’hui. Alors que nous sommes confrontés à une crise du coût de la vie, il s’agit presque d’une diversion».

La démission de Nicola Sturgeon a plongé le SNP dans une crise majeure. Photo : Cercle arctique, CC BY 2.0

Pas de soutien à l’État capitaliste

Il est très probable que l’enquête de Police Scotland, lancée au cours de l’été 2021 alors que le soutien à l’indépendance dépassait les 50 % et que le SNP venait de remporter les élections parlementaires écossaises de cette année-là avec un nombre record de voix sur un « mandat » pour un nouveau référendum, ait été considérée comme une occasion d’affaiblir le SNP et le soutien du public à l’indépendance elle-même.

Les socialistes ne peuvent pas donner un certificat de bonne santé à un parti pro-capitaliste comme le SNP, dont les dirigeants ont des styles de vie et des origines de classe très éloignés de la vie des travailleurs ordinaires.

Le SNP n’est certainement pas un parti de gauche, et encore moins un parti de travailleurs. Toutefois, son soutien à l’éclatement du Royaume-Uni l’a mis en porte-à-faux avec l’écrasante majorité de la classe capitaliste dirigeante qui a salué la débâcle actuelle du SNP.

Malgré notre opposition ferme et constante aux politiques anti-ouvrières et aux méthodes bureaucratiques de la direction du SNP, nous nous opposons à ce que l’État capitaliste intervienne de cette manière.

La classe capitaliste a, bien sûr, une longue histoire et une pratique actuelle d’attaque du mouvement ouvrier par l’utilisation de lois anti-syndicales, de tribunaux, et de l’utilisation de l’État en général. Au cours de la grève des mineurs de 1984-85, la région du sud du Pays de Galles du Syndicat national des mineurs a vu 700 000 livres sterling mises sous séquestre par les tribunaux. Des centaines de mineurs ont également été arrêtés et poursuivis pendant la grève.

Dans un véritable parti ouvrier, les membres seraient en mesure d’examiner les finances et de prendre des mesures si nécessaire, y compris le droit de révoquer les élus. Nous exigerions également que tous les représentants élus vivent avec le salaire moyen d’un travailleur qualifié.

C’est précisément le rôle de Sturgeon dans la mise en œuvre de l’austérité, y compris le refus des augmentations de salaire indexées sur l’inflation demandées par les syndicats, qui a sapé le soutien de la classe ouvrière. L’autre facteur crucial a été l’incapacité de la direction du SNP à mobiliser la lutte de masse pour contester le refus des conservateurs d’accorder les pouvoirs nécessaires à la tenue d’un second référendum.

En effet, ce sont les politiques pro-capitalistes du SNP qui ont créé la crise à laquelle il est confronté aujourd’hui. Comme l’a souligné l’archi-blairiste Martin Kettle dans le Guardian : « Sturgeon a démissionné, rappelons-le, parce que sa stratégie politique sur des questions allant de l’indépendance à la reconnaissance du genre était en train de s’effondrer ».

Un soutien en baisse

Actuellement, le soutien au SNP est tombé à environ 36 % dans les intentions de vote pour les prochaines élections de Westminster, soit une baisse d’environ 8 % depuis la démission de Sturgeon. Les travaillistes écossais, qui avaient atteint les 30 %, principalement aux dépens des conservateurs en Écosse, semblent maintenant gagner le soutien d’anciens électeurs du SNP. Les Verts indépendantistes et le parti Alba d’Alex Salmond bénéficient également d’un soutien accru dans les sondages.

Alors que le SNP reste de loin le plus grand parti en termes électoraux, des pertes significatives lors des prochaines élections semblent très probables, le Labour écossais étant le plus susceptible d’en bénéficier. Cependant, les travaillistes écossais et britanniques sont pris en étau par les néo-blairistes, l’aile capitaliste dominante du parti. Un gouvernement dirigé par Starmer à Westminster ne refuserait pas seulement une seconde référendum, il défendrait aussi sauvagement les intérêts des grandes entreprises et attaquerait les droits de la classe ouvrière.

Il est toutefois significatif que le soutien à l’indépendance – qui se situe en moyenne à 47 % – n’ait pas baissé en même temps que le soutien au SNP. Cette réalité peut signifier que le SNP dispose toujours d’une base de soutien sur laquelle s’appuyer en tant que plus grand parti pro-indépendance à l’heure actuelle.

Dans le sillage de la démission de Sturgeon, les divisions s’accentuent au sein du parti. Une faction de 15 membres du groupe parlementaire du SNP à Holyrood, associée à Kate Forbes, s’oppose désormais ouvertement à la nouvelle direction de Hamza Yousef, qui souhaite orienter le SNP vers une direction plus « orientée vers les affaires ». D’autres fissures, voire des scissions, sont probables.

Un nouveau parti pour la classe ouvrière

La question la plus importante est de savoir où la classe ouvrière peut faire entendre sa voix politique. La voie à suivre est que les syndicats – ou une partie importante d’entre eux – prennent les mesures nécessaires pour construire un nouveau parti ouvrier.

La récente vague de grèves a souligné l’énorme attrait de la lutte de la classe ouvrière pour combattre le désastre du coût de la vie. D’autres grèves sont désormais possibles dans les collectivités locales, parmi les travailleurs de la mer du Nord et des chantiers navals, en plus de l’action actuelle des travailleurs universitaires de l’UCU et des fonctionnaires du PCS. Le besoin d’un parti de la classe ouvrière qui se batte pour des politiques socialistes afin de mettre fin à la crise capitaliste tout en défendant le droit à l’autodétermination de l’Écosse se fait de plus en plus sentir.

Un bon point de départ serait de présenter autant de candidats ouvriers, socialistes et syndicaux que possible aux élections générales.

Par Philip Stott, article paru le 12 avril sur le site de notre internationale