Contre l’emploi, les armes du patronat

La période bénie du « plein emploi » n’a jamais existé unilatéralement à la surface de la terre. Même le mythe de l’après guerre en Europe n’est justifiable que par la disparition de millions de travailleurs dans un conflit très meurtrier et dans lequel il fallait tout reconstruire.

Article paru dans l’Egalité n°105

A la fin du 19ème siècle, Marx définissait les chômeurs comme « une armée de réserve » indissociable du capitalisme dans laquelle le patronat piochait suivant ses desiderata. L’existence même du chômage précarise les travailleurs qui deviennent « remplaçables  » et qui, s’ils ne se plient pas aux exigences de leur patron risquent de se trouver licenciés ! On est donc parfois obligé d’accepter l’inacceptable dans la peur de perdre son emploi.

Le chômage existe car au sein du système capitaliste, c’est au patron seul qu’appartiennent les moyens de production. Ce caractère privé fait que le patron fait ce qu’il veut et réagit à des facteurs économiques et conjoncturels qui lui sont propres. Ce n’est que dans les années 70, alors que débutait la crise de la surproduction, qu’on a vu apparaître des vagues de licenciements massifs. Les patrons ne pouvant plus rogner sur le prix des matières premières, ils s’attaquèrent à la masse salariale, demandant plus de travail pour moins de salaire afin de conserver leur marge de profit.

Afin de maintenir cette « rentabilité », les patrons ont recours à quatre solutions. Tout d’abord l’intérim qui est l’appel à ce « corps de réserve » à moindre coût qu’un vrai salaire. Des attaques directes sur les heures payées en diminuant les temps de pause par exemple ainsi que les heures supplémentaires qui sont non payées ou supprimées. Une autre solution est la délocalisation où l’absence de syndicat et de conventions collectives protégeant les travailleurs ce qui fait qu’ils sont surexploités. La plupart des syndicats ne font plus de rapport entre pays dominant et dominé et se renferment sur une vision nationale de la  » sauvegarde  » des emplois. La dernière solution et la plus efficace pour les capitalistes reste le licenciement puisque le salaire du travailleur reste au sein de l’entreprise. L’entreprise Danone a par exemple, licencié en 2001 afin de prévenir une crise conjoncturelle en 2003. Ces licenciements  » préventifs  » vont de pairs avec des licenciements qui augmentent le capital et les intérêts de ses actionnaires même dans le cas d’une société qui fait des bénéfices.

L’absence d’une réelle politique pour l’emploi et d’un système d’allocation chômage sans cesse attaqué, font que la peur du licenciement reste une arme efficace. Les tenants du système capitaliste ont défini un taux de chômage idéal de 8%, mais ce chiffre comme celui d’un taux de profit annuel de 14% ne sont que des indications plus que relatives. Les leaders de chaque secteur de la production peuvent influer sur ces valeurs, voire ne pas les respecter, mais la notion du profit maximum revient toujours. Le chômage s’emballe dans les différents pays sans que les gouvernements n’agissent de manière efficace. Ces licenciements ne sont possibles que parce que l’on est dans une situation de recul de la classe ouvrière. La faiblesse des syndicats, l’absence de lutte et d’orientation font qu’il est dorénavant difficile d’éviter les licenciements et même d’obliger les patrons à embaucher !

Ces dernières années, on a beaucoup entendu parler d’entreprises qui du jour au lendemain mettent la clé sous la porte ou encore démontent les machines en pleine nuit, sans solder leurs comptes mais surtout en laissant les employés à l’abandon. Face à ces attitudes de plus en plus violentes du patronat qui veut liquider, licencier sans contrainte, on constate souvent que les directions syndicales ne font pas tout pour empêcher les licenciements et préfèrent la négociation sans rapport de force plutôt qu’un conflit ou une grève.

Voici un exemple de cette dérive. ALCATEL a, en 2002, décidé de liquider sa filiale ALCATEL France Câble car le chiffre d’affaires était en chute libre. Le patron a entrepris des licenciements individuels négociés sur des motifs personnels. Avec la bienveillance silencieuse du syndicat, une grande partie des effectifs a été licenciée sans annonce claire de liquidation de la boite. Puis les salariés restant, qui avaient échappé au dégraissage ont reçu un e-mail de leur élu syndical du Comité d’entreprise annonçant les dernières mesures. C’est le syndicat qui a annoncé le licenciement ! Évidemment beaucoup ont accepté car ils étaient en difficultés financières.

Cette attitude n’est pas celle d’un vrai syndicat ! Comment des ouvriers peuvent-ils penser se défendre et se battre alors que leurs défenseurs et représentants négocient dans leur dos et font le plan de licenciement avec le patron ! La seule et unique préoccupation des représentants des salariés du syndicat doit être celle de défendre le droit du travailleur.

Par Arnaud Benoist et Wahiba