La chute du Mur de Berlin en 1989 et l’effondrement de l’URSS ont mis un terme à une expérience qui a duré près de 75 ans. Les médias ont alors asséné que c’est « le socialisme » ou « le communisme » qui s’est effondré et que le capitalisme était dès lors le seul système possible. Nous pensons pourtant que les régimes bureaucratiques en Europe de l’Est n’avaient rien à voir avec le socialisme tel que nous l’entendons : une économie démocratiquement planifiée au service des besoins des gens.
Article paru dans l’Egalité n°96
La montée de la pauvreté et des inégalités dans l’ancien bloc de l’Est depuis la restauration du capitalisme démontre que ce système n’a pas d’avenir.
La chute de ces régimes bureaucratiques n’en a pas moins mis sous pression l’idée selon laquelle il pouvait y avoir une alternative au capitalisme. Les partis « communistes » (staliniens) de l’Ouest, désormais privés du soutien moral et matériel de la puissante URSS, sont entrés en crise. Ils ont rapidement viré à droite et se sont empressés de se définir comme « sociaux-démocrates ». C’est par exemple le cas du PCF, toujours « communiste » mais qui est allé jusqu’à assumer des mesures d’austérité et des privatisations. Il en va ainsi du Parti communiste néerlandais (CPN) qui s’est dissous dans un mouvement vaguement de gauche, GroenLinks (les Verts de gauche).
La chute du stalinisme a provoqué un nouveau tournant à droite de la social-démocratie. Les Pays-Bas, la Belgique et la France ont vu les sociaux-démocrates participer à des coalitions gouvernementales qui ont économisé et privatisé davantage que les gouvernements de droite précédents. Ils se sont ainsi aliéné les masses. Le nombre de membres, surtout les membres actifs, a baissé dramatiquement. Les membres qui restent sont rarement des travailleurs, mais le plus souvent des carriéristes qui se partagent les places.
Les sociaux-démocrates d’autrefois sont ainsi devenus les nouveaux partis bourgeois d’aujourd’hui. Des partis qui, par leur composition sociale, leur direction et leur programme, diffèrent bien peu des autres partis de droite. Dans le meilleur des cas ils vendaient leur message avec une sauce sociale et ils pouvaient compter récemment encore sur le soutien électoral des travailleurs qui continuaient à voter pour eux par tradition ou parce qu’ils y voyaient un moindre mal. Mais il n’empêche que la social-démocratie s’est de plus en plus muée en un instrument des entrepreneurs, des capitalistes, afin d’appliquer leur programme d’économies et de privatisations.
C’est ainsi que les partis ouvriers traditionnels ont cessé d’être des organes de lutte pour les jeunes et les travailleurs.Les années ’90 ont vu les partis verts comme Ecolo/Agalev en Belgique, les Verts en France et dans une moindre mesure GroenLinks aux Pays-Bas réussir à combler partiellement ce vide. Ils virent eux aussi rapidement à droite et, dès lors que ces partis entrent dans des gouvernements (Belgique ou France) ou qu’ils ne prennent pas leurs distances avec les gouvernements en place (Pays-Bas), il apparait clairement qu’ils ne constituent pas une alternative sérieuse à la politique de droite.
Les tâches du CIO
Les socialistes révolutionnaires du Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) avaient jadis pour tâche d’intervenir au sein du mouvement ouvrier, et plus particulièrement au sein de la social-démocratie, pour y combattre les idées du réformisme (adaptation au capitalisme) et du parlementarisme. Ils ont aujourd’hui une tâche supplémentaire à remplir.
Maintenant que nous avons passé le cap des pénibles années ’90, où la classe ouvrière et les jeunes étaient généralement sur la défensive, nous devons maintenant reconstruire le mouvement dans le sens le plus large du mot. Le CIO veut contribuer à la construction de nouveaux partis ouvriers de masse.
Loin de prétendre que nous sommes déjà ces partis ouvriers, le vide actuel nous contraint parfois localement à en jouer le rôle jusqu’à un certain point. C’est par exemple le cas dans certains quartiers, villes et sections syndicales d’Angleterre et d’Irlande où nous avons une sérieuse implantation. Et là où nous n’avons pas encore une telle position, nous faisons le maximum pour être le catalyseur du développement de ces nouveaux partis ouvriers.
De là, la nécessité de rassembler autant que possible sur des points de lutte concrets, les travailleurs et les jeunes qui entrent maintenant en résistance. Parce que nous pensons que les idées, plutôt que d’être débattues dans un cercle politique fermé, doivent passer le test de la pratique, nous sommes pour l’unité dans l’action dans laquelle nous voulons aussi impliquer des gens sans affiliation politique. Faisons de la lutte contre le démantèlement de l’état social et la dégradation de la situation économique le moyen d’unifier toute la résistance.
C’est de là qu’on peut commencer à construire des partis ouvriers. De tels partis devront rassembler toutes les forces qui résistent au capitalisme. Les activistes dans les quartiers, les militants syndicaux critiques, les étudiants et lycéens, les anti-racistes… Un tel parti devra être ouvert et fonctionner démocratiquement en ménageant la possibilité pour différents courants et conceptions de s’organiser en son sein; il devra être une force d’attraction pour les nouvelles couches qui entrent en action. C’est la condition pour que tous les militants s’y sentent à l’aise. Au sein d’un tel parti, nous agirions de façon constructive, c’est-à-dire comme un courant qui y défend ouvertement une politique révolutionnaire.
Aux Pays-Bas c’est le Socialistische Partij (SP, jadis une secte maoïste, aujourd’hui un parti ouvrier en pleine croissance) qui remplit actuellement le vide laissé par la social-démocratie et les « communistes ». Si ce parti n’est pas aussi ouvert que nous le souhaiterions et risque de faire trop de concessions au parlementarisme, il offre suffisamment de possibilités pour qu’on puisse y opérer en tant que révolutionnaires. C’est ce que fait Offensief (la section néerlandaise du CIO) que l’on considère comme étant « l’aile gauche » du SP. 4 conseillers communaux de ce parti ont rejoint nos rangs. Ce travail est dans la droite ligne de l’idée du CIO qui consiste à construire partout dans le monde des partis ouvriers combatifs, avec la force de lutter pour le socialisme !
Par Patrick Zoomermeijer, d’Offensief (section soeur de la Gauche Révolutionnaire aux Pays-Bas)