Brésil : une nouvelle étape de crise et d’instabilité

indexbrésilLes élections présidentielles de 2014 ont été les plus concurrentielles depuis le régime militaire et le retour des élections directes de 1989. La victoire électorale serrée de Dilma Rousseff (Parti des Travailleurs) contre le candidat Aécio Neves (Parti social-démocratie Brésilien) 51,64% de voix contre 48,36% montre une forte polarisation politique due à la situation économique du Brésil.

Dans un pays où le vote est obligatoire, il y a eu 27,4% d’ abstentions, ce qui montre les dégâts du PT après 12 ans au pouvoir et la fin de certaines conditions économiques, politiques et sociales qui lui avaient permis une certaine stabilité.

Afin d’éviter la déchéance, Dilma a mené une campagne basée sur la peur du retour du PSDB au pouvoir avec le programme néolibéral de l’ancien président Cardoso. Ainsi le PT a dû utiliser l’ancien programme du PT connu à gauche pour polariser les élections, menant la population dans une «fausse» polarisation, et ce alors que les programmes des deux partis avaient plus de points en commun que de divergences.

Une fois les élections finies, le masque de Dilma est tombé. Elle appelle à une politique de conciliation avec un programme en faveur de l’élite brésilienne. Elle laisse entendre qu’il satisfera les demandes du marché et annonce comme nouveau ministre le nom d’un banquier qui vient de Bradesco, la deuxième banque privée au Brésil.
Les réformes politiques promises et notamment la proposition d’une assemblée constituante n’ont pas duré 24 heures. Elles ont été refusées dans les congrès par sa propre base et ses alliés.

Contexte de polarisation

Les mouvements populaires et les grèves de travailleurs en juin 2013 ont ouvert un nouveau scénario de la lutte de classe et marquent une nouvelle étape dans le contexte national qui s’est aussi exprimée dans le processus électoral. Dans ces élections, le parti de troisième voie incarné par Marina Silva (PSB) avec sa politique conservatrice concernant les droit des femmes, contre la criminalisation de l’homophobie et sa politique conciliatrice entre les deux partis traditionnels, le PT et le PSDB, et le capital financier a échoué. Ses propositions ont montré son vrai visage et prouvé qu’une troisième voie capitaliste comme proposition alternative aux partis traditionnels n’a pas d’espace.

Le candidature d’Aécio Neves a canalisé cette insatisfaction populaire et a ouvert un chemin aux forces les plus réactionnaires de la société brésilienne : une classe moyenne du Sud qui défend la dictature, le racisme, l’homophobie, les préjuges et l’autoritarisme. Dimanche 1er novembre, à São Paulo, il y a eu une manifestation de 2500 personnes pour demander la chute de ce gouvernement et l’intervention militaire. Cependant il y a beaucoup de confusion dans ces mouvements.

Cette polarisation croissante est très complexe et va demander une intervention plus conséquente de la gauche dans la prochaine période. Dans les différentes élections qui avaient lieu en même temps que la présidentielle, les parlementaires qui ont eu le plus de voix sont ceux de la gauche : Marcel Freixo (P-sol) avec 350 000 voix aux élections législatives, Chico Alencar avec 196 000… Luciana Genro, candidate du P-sol, qui a fait une campagne clairement à gauche a doublé le chiffre par rapport aux élections en 2010. Elle est arrivée quatrième, juste après Marina Silva. Le Psol (Parti Socialisme et Liberté) a augmenté de 3 à 5 le nombre de députés fédéraux et obtenu 12 députes d’Etats. Avec son programme à gauche, le Psol est sorti fortifié de ces élections.
L’extrême droite, elle, a obtenu un nombre de voix significatif dans les candidatures pour être gouverneur. A Rio de Janeiro, Jair Bolsonare, candidat qui défend la dictature militaire a obtenu 464 000 voix. Luiz Carlos Hernze qui propage un discours de haine contre les sans-terre, indiens et gays a obtenu 162 000 voix et a obtenu la première place dans ces élections à Rio Grande do Sul.

La diminution de voix pour le PT a contribué à l’instabilité de ce gouvernement, le menant à adopter un discours de conciliation par rapport aux partis d’opposition. Le PT utilisera ce contexte dans la prochaine période pour «calmer» la gauche tout en appliquant les mesures d’austérité avec comme excuse la peur de la croissance de l’extrême droite.
Les travailleurs, les mouvements populaires et les forces de gauche doivent intervenir sans relâche pour clarifier la lutte de classe et défendre leurs revendications. Si le Psol n’est pas capable de surmonter les pressions en présentant un programme socialiste, dans ce contexte de pleine confusion et de conflits, la droite prendra sa place.

Le contexte est complexe, le combat sera ardu mais la lutte de classe est plus que certaine. Les travailleurs ont toutes les cartes en main pour imposer leurs revendications afin d’éliminer les forces les plus réactionnaires et improductives de cette société.

Par Mariana Campos