Premières élections depuis l’arrivée au pouvoir de Macron, les européennes ont été tout sauf passionnantes. Élire des députés qui n’ont aucun pouvoir au sein d’une institution, l’Union Européenne, qui sert avant tout les intérêts des banques et des multinationales et organise les privatisations et la destruction des services publics, peut manquer d’intérêt. Pourtant, c’est quand même un moyen d’exprimer certaines idées, et notamment de dénoncer ces politiques antisociales menées par les gouvernements européens et dont l’UE sert d’amplificateur. Cela n’a été que partiellement le cas même si la participation a été en hausse à plus de 51%.
Donné gagnant, comme en 2014, le Rassemblement national de Bardella/Le Pen est suivi de près par LaRem de Macron. Le RN augmente de 500 000 voix depuis la précédente élection mais recule en pourcentage, n’obtenant pas le soutien massif qu’il espère. Quant à Macron et son parti, il n’a pas pris une claque (pourtant plus que méritée !) mais il n’obtient pas un réel soutien du fait de la contre révolution sociale qu’il poursuit et intensifie depuis son élection.
La crise politique qui caractérise la période se poursuit. En dégageant les partis traditionnels (UMP et PS), avec un score élevé d’Europe Ecologie les Verts (mais loin du record de 2009), mais sans que surgisse une authentique force capable de porter la colère des travailleurs et des jeunes qui vivent chaque jour un peu plus les dégâts de la politique des capitalistes contre les services publics, nos emplois et conditions de vie et notre environnement.
RN-REM : deux faces d’une même politique !
Tout avait été fait par Macron et les medias bourgeois à sa botte pour organiser ce faux duel avec RN. Il est clair que la première place du RN vient en partie des voix de ceux et celles qui voulaient sanctionner Macron et qui se sont portées sur lui. Mais c’est une erreur. Le RN n’est pas un moyen pour barrer la route à Macron et sa politique et encore moins une politique opposée au capitalisme à Bruxelles. Le RN s’est prononcé contre augmentation du Smic, contre l’arrêt des poursuites contre les Gilets jaunes… Le RN passe son temps à accuser les « migrants » ou les musulmans, ce qui est bien pratique pour les ultra-riches et les grands patrons qui continuent ainsi de se gaver de milliards et qui continuent les fermetures d’entreprises pendant que le RN détourne l’attention. Ce parti est un paravent bien pratique pour éviter de combattre la politique des capitalistes, seule responsable de la pauvreté des 87 millions d’habitants en Europe.
Quant au vote En Marche, avec plus de 5 millions de voix, le nombre de votes s’érode depuis la présidentielle bien sur mais aussi depuis les législatives de plus d’un million de voix perdu. Cette base est assez fragile. C’est clairement le transfert de voix d’anciens électeurs de la droite et du PS qui assure le maintien de LaRem : dans toutes les villes et quartiers votant habituellement à droite, c’est désormais macron qui assure la représentation des riches.
La chute se poursuit pour le PS et la droite
Les partis traditionnels qui ont gouverné au service des capitalistes ces 25 dernières années continuent d’être sanctionnés. Les écarts avec les précédentes élections européennes sont sans appel : avec 1,4 millions de voix, le PS perd plus d’un million d’électeurs depuis 2014 malgré sa tentative de faire une liste « nouvelle formule » menée par Glucksman, un non-membre du parti qui avait soutenu Sarkozy il y a quelques années. L’UMP s’effondre à 1;9 millions de votes, soit plus de 2 millions de voix perdues. Il est peu probable que les deux partis de « gouvernement » sortent rapidement de leur crise, tant leur responsabilité dans les politiques de casse sociale reste largement ancrée dans les mémoires.
Le vote écolo en hausse
EELV a toujours fait ses meilleurs résultats lors des élections européennes. Une partie importante de ses voix vient des jeunes de 18 à 24 selon Harris interactive qui ont voté cette liste à plus de 22 %. même si le taux de participation des jeunes est resté extrêmement bas. Ce vote a peut être représenté une troisième voie électorale face à Macron et Le Pen et un moyen de faire entendre les aspirations contre le réchauffement climatique, la destruction de la planète.Mais il faut relativiser car c’est aussi parmi cette tranche d’âge que le vote RN de rejet des politiciens reste élevé avec 14% des voix. D’une manière confuse et abstraite, le vote EELV a traduit une certaine envie de croire en la possibilité d’une autre union européenne et d’un monde meilleur sans vouloir se confronter à la question du système capitaliste qui crée ce monde injuste en Europe et dans le monde. Le problème c’est qu’EELV n’est pas une alternative. Ils sont partisans d’augmenter les taxes de la majorité de la population sous prétexte de lutte contre le réchauffement climatique et la majorité des dirigeants soi-disant écologiste sont largement favorable au capitalisme. D’ailleurs, D. Cormand, le secrétaire national d’EELV a dit au soir de son élection « EELV a maintenu une ligne claire » tout en rajoutant plus loin : « nous allons essayer que le centre de gravité du parlement européen soit une alliance des sociodémocrates et des Verts avec la gauche de la gauche européenne et le renfort d’au moins une partie des libéraux » ! Donc rien de neuf les pseudo écolo vont continuer de s’allier avec les PS et les gouvernements capitalistes mais ils voudraient aussi que les anti-capitalistes s’y joignent, pour privatiser et continuer les industries polluantes tous ensemble ?
L’absence d’alternative de masse à Macron
A une échelle large, aucune force ne s’est nettement dégagée face à Macron pour les travailleurs et les jeunes. Et c’est ce qui explique cette abstention quand même encore forte même si moindre que d’habitude pour des européennes.
On aurait pu penser que le mouvement des Gilets jaunes, animé par des travailleurs nouveaux dans la lutte politique pouvait secouer la situation. Il a été un élément fort de ces derniers mois. Mais en l’absence de contenu politique suffisamment clair face au gouvernement en terme de revendications sociales et économiques, le mouvement n’a pas permis de renforcer le camp des travailleurs et de ceux qui résistent face aux attaques du gouvernement et des grands patrons. Le « Tout sauf Macron ! » a malheureusement dominé laissant sans armes les gilets jaunes dans la campagne pour lutter et s’organiser et permettant au RN, le pire ennemi des travailleurs, le soin de recueillir une partie des voix de leur juste colère. Il est clair que celles et ceux qui sont encore actifs parmi les gilets jaunes devront discuter ce genre de question, et comprendre que le RN et LaRem sont utiles l’un à l’autre. Le pen a aidé Macron a être élu en 2017, elle servira de nouveau à cela en 2022 si une véritable force de masse des travailleurs n’a pas été construite d’ici là.
Le besoin d’une force politique de masse et de lutte reste entier
A la gauche du PS, La France Insoumise, avec 6,3 % se tient tout juste en tête des forces de gauche mais elle ne réussit pas à être une alternative de masse. Le PCF, Hamon, sont sous les 4%. Les listes FI/PCF/Hamon etc. à gauche du PS dépassent ensemble les 12%. Dans ces circonstances, le score de Manon Aubry n’est pas satisfaisant mais il sauve les meubles comme on dit avec 6 euro-députés qui combattront les effets du capitalisme et mettront au grand jour les plans antisociaux et antiécologiques des gouvernements européens. Mais le problème politique reste entier.
Certains, y compris au PCF comme aux proches du PS comme Glucksman, nous parlent de reconstruire ou recomposer la « gauche », sans évidemment parler du fond et surtout sans mettre comme ligne de partage l’acceptation ou non des politiques capitalistes. On ne peut pas recomposer une « gauche » de lutte si c’est pour recommencer les compromissions avec le PS. Brossat, le candidat du PCF, est maire adjoint de Paris avec Hidalgo, la maire PS. Vont-ils rompre avec ce PS c’est à dire être prêt à refuser les coupes dans les budgets sociaux, les expulsions locatives…
Assez s’être « désarmés » face à Macron et LePen !
Tous ces résultats électoraux confirment la crise politique parmi les partis de la bourgeoisie. Même si le mouvement des Gilets jaunes a montré que des centaines de milliers de personnes en ont assez et se sont retrouvées prêtes à lutter, ce n’est pas encore suffisant pour bloquer les plans de Macron. L’absence d’intervention consciente de la classe ouvrière et des jeunes de manière décisive pour stopper Macron, les capitalistes et leur politique ces derniers mois s’est traduite lors de ces élections. Mais rien n’est perdu, il faut multiplier les discussions et les échanges. La question principale est, face à la politique de Macron, d’être capables de construire, de s’organiser, et de préparer la lutte de masse des travailleurs et des jeunes qui va être nécessaire. La Gauche révolutionnaire va continuer le combat contre le capitalisme, sa pollution et sa dictature du profit, pour la construction d’un parti de masse pour le socialisme.
Leïla Messaoudi