La grande grève ouvrière de 1968 a été précédée par de nombreuses luttes dans les années 1960, celles des femmes étaient nombreuses elles aussi de par le monde, que ce soit pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie ou encore en 1959 lors de la Révolution cubaine. Les femmes noires américaines ont participé au combat pour l’égalité et la justice, contre la ségrégation. Si les hommes dirigeaient, elles organisaient le quotidien, mais aussi des actions. Ainsi, Rosa Parks refusa de laisser sa place dans un bus à des blancs en décembre 1955 à Montgomery. Il y eut aussi la longue grève victorieuse en 1966 des ouvrières de la Fabrique nationale à Herstal en Belgique pour l’égalité salariale. C’est dans cette ambiance de luttes y compris pour les droits des femmes que la grande grève de 1968 survint.
Article publié dans l’Egalité 189
Les étudiantes étaient là dès le début, dans les facs, dans les cortèges face aux flics, elles aussi, contre les mauvaises conditions d’études, l’enseignement magistral, autoritaire mais avec un grand ras-le-bol de l’ordre moral et de la majorité à 21 ans. Certes, le Planning familial existait depuis la fin des années 50 et la loi Neuwirth votée quelques mois plus tôt permettait d’avoir accès à la pilule contraceptive, mais bien peu de jeunes femmes y avait recours. Si elles participent aux mouvements, leur rôle dans les facultés occupées est souvent considéré comme secondaire. Peu prennent la parole. Mais quand même elles ont pris conscience que leur vie pouvait changer et qu’elles pouvaient le décider. Certaines s’organiseront politiquement contre le capitalisme et l’impérialisme, d’autres dans les luttes féministes des années 1970 autour du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et la contraception) ou les deux parfois.
Après le 13 mai et surtout dans la semaine du 20-26 mai 1968, les femmes ouvrières, salariées, les employées vont entrer dans la lutte. Dans les entreprises où elles sont majoritaires (Usine Wonder, Fermeture éclair) mais aussi dans les commerces (Galeries Lafayette, Printemps, Monoprix) elles sont sur les piquets. Il suffit de regarder les cortèges joyeux de ces jeunes femmes qui envoyaient valser les conditions de travail déplorables, les petits chefs autoritaires sinon pire. Certaines prirent la parole sur les piquets pour la première fois, certaines organisèrent même la grève comme à Sochaux Peugeot. Elles partageaient ce sentiment d’immense bonheur, de joie, de liberté, ancré à jamais en elles. Le retour au boulot fut dramatique pour beaucoup avec des larmes de colère, mais la mémoire des luttes ouvrières est magnifique, et dans les années 70, 80, 90 les luttes des ouvrières contre les fermetures qui se succédèrent furent remarquables de pugnacité comme à Moulinex ou à Chantelle Levys dans le nord. Bons nombres prirent réellement leur place aux côtés de leurs camarades hommes dans la défense de leurs revendications face aux patrons capitalistes.
Les droits des femmes ont été imposés par les luttes ouvrières et les capitalistes n’ont de cesse de vouloir les reprendre voire de les refuser. La lutte continue comme on le voit cette année autour du 8 mars en Espagne ou bien encore en Irlande ou en Pologne pour l’avortement.
Par Marie José Douet