Vers la grève générale

En quelques semaines, le climat social s’est complètement transformé. Le mécontentement qui était fort mais restait passif s’est peu à peu exprimé dans les manifestations et les grèves.

Article paru dans le supplément à l’Egalité n°101, juin 2003

En un an, les motifs de colère sont si nombreux que la compréhension que c’est bien ce système tout entier qui en est la cause émerge peu à peu.

Les dizaines de milliers de licenciements, les salaires en baisse, la dégradation des conditions de travail, la hausse de nombreux tarifs ou la baisse du remboursement de médicaments, c’est une offensive généralisée : celle des capitalistes, de ce gouvernement à leur service, contre les travailleurs, et contre les conditions de vie, les droits et la protection sociale d’une majorité de la population.

Il manque désormais une véritable convergence à ce mécontentement. Celle-ci ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une grève générale reconductible, seul moyen d’infliger une défaite à ce gouvernement. Mais cette grève générale ne peut avoir lieu que si on la construit nous même. Les directions syndicales se placent en opposition au plan Fillon mais à aucun moment elles ne donne une véritable direction pour la lutte. L’immense succès du 25 mai traduit le rejet de la politique du gouvernement mais cela ne suffira pas à la bloquer.

Un gouvernement qui compte sur l’aide de certains dirigeants syndicaux

La direction de la CFDT, pour préserver son strapontin de négociateur privilégié avec le gouvernement, a bradé les intérêts des travailleurs. Triste syndicat qui ne prétend plus défendre les salariés mais un pseudo intérêt général que ceux-ci seraient trop bêtes pour comprendre… Mais quel intérêt général y-aurait-il quand on entend les patrons dire que le plan Fillon est trop timide ? ou quand on fait la liste des licenciements ? Il n’y a que deux catégories d’intérêts : ceux des capitalistes et ceux des travailleurs.

D’un coté il y a le patronat et les groupes d’actionnaires qui n’ont qu’un seul critère : l’augmentation de leur taux de profit. Leur objectif, c’est la destruction complète du système de retraite par répartition. Ce dont ils rêvent c’est que la masse financière du système de retraite soit transférée vers la bourse et non plus répartie solidairement entre salariés. Le modèle du capitalisme reste l’individualisme forcené : pour les retraites, cela voudrait dire que chacun constitue sa propre retraite, et tant pis pour les plus bas salaires, les travailleurs licenciés,…

Un tel système, on en a vu ses conséquences pour les salariés du groupe américain Enron : la faillite du groupe en 2001 a non seulement entraîné le chômage pour des dizaines de milliers de salariés, mais en plus, leur retraite étant formée d’actions Enron, celles-ci sont parties en fumée. Et comme aux USA il n’y a pas de système de protection sociale collective, ces salariés se sont tout simplement retrouvés dans la misère la plus noire. Les dirigeants d’Enron, grands amis de Bush, s’en tirent avec quelques ennuis judiciaires mais ayant truqués les comptes, ils ont pu placer leur argent ailleurs, avant la chute des cours. Cet épisode résume à lui tout seul la logique même de ce système et les conséquences que cela a pour nous tous. La question qui se pose est : va-t-on laisser les choses continuer ainsi ?

Première étape : le retrait du plan Fillon et de la décentralisation

Il ne s’agit pas seulement de bloquer la politique de Raffarin. C’est évidemment la première tâche que doivent organiser tous ceux qui sont dans la lutte aujourd’hui ou qui essaient de mettre leur entreprise dans celle-ci. Mais le gouvernement, et derrière lui les capitalistes, ne s’arrêteront pas là. En 95, le mouvement avait partiellement fait reculer Juppé. Une situation de blocage politique a amené la victoire de la gauche plurielle qui, si elle ne s’est pas attaqué aux retraites directement (encore que Fabius a fait passé les premières mesures de capitalisation avec l’épargne salariale à gestion de laquelle même la CGT participe !), a fait passer un nombre d’attaques particulièrement important contre les travailleurs. Aujourd’hui, les capitalistes ne veulent absolument pas se retrouver dans la même situation. Partout en Europe et dans le monde ils sont à l’offensive contre les acquis des travailleurs, les services publics : en Autriche sur les retraites, en suède contre les travailleurs communaux, en Grande Bretagne contre l’Education, la Santé, les pompiers etc.

Economiquement, les capitalistes n’ont pas le choix. Leur système est basé sur la concurrence acharnée, au détriment des conditions de vie et de travail des salariés. La France a aujourd’hui des dépenses publiques (par rapport à la somme des richesses nationales produites) supérieure de 5% à celles des autres pays européens. Pour les patrons, ces « dépenses » en services pourtant déjà largement détériorés, sont autant de choses qui échappent à leur soif de profit. D’autant plus que la récession économique est là, qui rend encore plus violente la concurrence, et qui pousse les patrons à exiger encore plus de concessions de la part des travailleurs. Le président du syndicat des patrons, Sellières, demande au gouvernement de tenir, de « libérer les énergies » pour que la relance revienne. Mais aucun indice économique ne permet d’envisager une telle relance. L’Allemagne, deuxième économie du monde, est en récession depuis plus de 6 mois, le chômage grimpe et les licenciements se multiplient. Le gouvernement Schröder, de gauche paraît-il, a entamé un vaste plan qui vise à faire payer cette crise aux travailleurs : allongement de la retraite à 65 ans, réductions dans les services publics… Et en Allemagne aussi, les luttes se multiplient.

Construire la lutte sur des bases indépendantes

C’est bien pour cela que la gauche officielle ne souhaite guère revenir au pouvoir. Elle n’aurait pas le choix et devrait mener la même politique. Car aucun de ces partis ne veut se débarrasser du capitalisme. Ils prétendent vouloir en faire une gestion sociale, mais ce système, notamment parce qu’il est basé sur la loi du profit à court terme, n’est pas domesticable Même si le PS s’est déclaré opposé au plan Fillon et aux lois Ferry, il ne se risque ni à proposer des solutions qui s’en prennent réellement aux patrons, ni à appeler à la mobilisation.

Les grandes grèves qui ont eu lieu en Espagne ou en Italie ces deux dernières années n’ont pas encore vaincu les gouvernement de ces pays. Car ceux-ci sont déterminés et solidaires entre eux internationalement et les grèves générales d’une journée ne suffisent pas à les stopper.

Il en est de même pour les directions des syndicats, plus préoccupées par leur statut de représentants officiels des salariés et de partenaires privilégiés des gouvernements ou des patrons dans les négociations. Dans nos syndicats, nous devons nous battre pour organiser nous même la grève générale sans attendre les décisions des dirigeants.

Au delà de la grève générale nécessaire, comment avancer ?

Bernard Thibaut pour la CGT, et d’autres dirigeants réclament de « nouvelles négociations ». Mais il n’y a rien à négocier. Les grévistes et/ou manifestants sont clairs : c’est non au plan Fillon, non à la décentralisation ! C’est ce que nous devons dire dans les manifestations, les assemblées de grévistes, les réunions syndicales etc. pour ne pas laisser une porte de sortie au gouvernement. Tout remodelage du plan Fillon resterait une attaque contre les retraites. D’ailleurs, le gouvernement ne cesse de dire qu’il ne bougera plus, et ce n’est pas parce qu’il est sourd mais parce qu’il n’a pas le choix dans le cadre du capitalisme. Puisqu’ils cherchent le rapport de force, montrons leur que ce sont bien les travailleurs qui sont la principale force sociale, que ce sont eux qui font tourner le pays, et que unis sur leurs revendications, secteur privé et public ensemble, ils ont la capacité de bloquer l’économie. La grève générale reconductible public et privé jusqu’au retrait du plan Fillon, voilà notre premier objectif.

Mais en même temps, ceci ne peut être qu’une étape. On voit au travers du monde que ce système est en train d’envoyer le monde à sa perte. Des pays entiers sombrent dans la misère, les usines ferment tandis que dans le tiers monde le travail est effectué dans des conditions dignes du 19ème siècle.

Ce qu’il faut pour notre lutte, c’est qu’elle soit massive et déterminée, qu’elle ne s’arrête pas à de vaines négociations, mais soit une véritable grève reconductible permettant d’infliger une défaite au gouvernement et au patronat. Il faudra continuer ensuite, pour regagner ce qui a été perdu et surtout se débarrasser du capitalisme, seul moyen d’en finir réellement avec leurs attaques contre les conditions de vie et de travail de l’immense majorité de la population.

Ceci veut dire prendre une orientation réellement anticapitaliste, qui refuse tout aménagement sur le dos des travailleurs.

C’est le sens de notre combat, rejoignez nous !