Venezuela : la lutte continue

Hugo Chavez est mort, mais la lutte continue !

Des millions de travailleurs vénézuéliens, de pauvres et de jeunes pleurent la mort du président vénézuélien, Hugo Chavez

Par Tony Saunois, Secrétaire Général du Comité pour une Internationale Ouvrière

À une époque où le fossé entre les politiciens de l’establishment qui défendent les grandes entreprises et les super-riches d’une part et les masses d’autre part semble se creuser inexorablement, la figure de Chavez se détachait de ce processus. En fait, à l’ère des mesures d’austérité, les décisions qu’il a prises pour lutter contre la pauvreté ont agi tel un phare.

Les travailleurs et les jeunes du Venezuela sont rejoint dans leur peine par de nombreux autres à travers le monde qui ont été inspirés par le régime d’Hugo Chavez et l’ont soutenu en tant qu’alternative à l’impérialisme, au néolibéralisme et au capitalisme. Face à cela, les plus pernicieux des commentateurs capitalistes n’ont jamais ménagé ni leur peine, ni leur temps, ni leur encre pour décrire leur haine de ce régime.

La douleur du deuil et la colère des masses contre ces attaques doivent être canalisée dans une nouvelle étape de la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme au Venezuela et à l’étranger.

L’hypocrisie des commentateurs capitalistes

Depuis sa mort, de nombreux articles ont dénoncé le régime vénézuélien et Chavez ‘‘l’autocrate’’, le ‘‘dictateur’’, le ‘‘caudillo’’. Certains ont tenté de dépeindre sa mort comme la fin d’un autre régime socialiste en faillite. Le torrent de bile de ces commentateurs avait tout d’abord été préparé dans l’espoir que Chavez serait défait aux élections présidentielles d’octobre 2012. Mais tout cela a dû être mis de côté. Contrairement aux attentes des médias dominants internationaux et des politiciens capitalistes, Chavez avait remporté un troisième mandat avec 55% des suffrages, avec un taux de participation de 80%. Les politiciens capitalistes en place en Europe ne peuvent que rêver d’un tel résultat.

Ces mêmes commentateurs s’étaient fait remarquer par leur silence assourdissant lors de la tentative de coup d’Etat de 2002 réalisé avec le soutien de l’impérialisme américain. Lorsque ces champions autoproclamés de la démocratie s’en prennent à Chavez, ils laissent soigneusement de côté le fait qu’il a fait face à pas moins de 17 élections et référendums depuis 1998, et qu’il en a remporté 16.

Ces commentateurs, et les politiciens capitalistes qui sont derrière eux, ne peuvent pas supporter le fait qu’un dirigeant qui parle de ‘‘socialisme’’ et de ‘‘révolution socialiste’’, un dirigeant qui a fait face à l’impérialisme américain et à la classe capitaliste, puissent attirer à lui un soutien populaire aussi massif. Ils craignaient également le mouvement révolutionnaire potentiel des masses sur lequel reposait Chavez.

“Por ahora” – ‘‘Pour l’instant”

Chavez n’est pas apparu sur la scène politique en tant que dirigeant disposant d’une idéologie et d’un programme bien définis. Il a embrassé diverses idées de façon empirique – sous la pression des événements au fur-et-à-mesure de leur déroulement.

Chavez a été porté au pouvoir en 1998 avec une majorité écrasante. Initialement, il ne parlait que de ‘‘révolution bolivarienne’’ et de la réforme de l’ancien système corrompu. Chavez, tout comme des milliers de personnes au Venezuela dont les jeunes officiers dont il faisait partie, a été radicalisé par le « Caracazo » qui a secoué le Venezuela en 1989.

Carlos Perez avait alors remporté les élections en s’opposant au néolibéralisme du Fonds Monétaire International. Mais ce dernier a fait volte-face et a appliqué la ‘‘thérapie de choc’’ du néolibéralisme, déclenchant un soulèvement de masse des citadins pauvres. L’armée a été déployée et environ 3000 personnes ont été abattues. Les opposants de droite de Chavez n’ont que peu de choses à dire sur ces événements. Chavez, de son côté, a été radicalisé et affectées par ces horreurs. En 1992, il a dirigé une révolte populiste militaire de gauche contre le gouvernement assassin de Perez. Suite à la défaite de ce coup d’Etat, il a proclamé la révolution ‘‘terminée. Pour l’instant.’’ Ce ‘‘Por ahora’’ était destiné à être dans l’esprit des masses.

Sorti de prison deux ans plus tard, il a construit son soutien et a pu parvenir au pouvoir lors des élections de 1998, les masses du pays exigeant la fin du néolibéralisme et un véritable changement.

Les réformes limitées, mais populaires, que son gouvernement a introduits grâce à la richesse pétrolière du pays ont suffi à faire enrager l’élite dirigeante qui a tenté un coup d’Etat en 2002, suivi par un lock-out patronal. Après 48 heures, le coup d’Etat s’est effondré et Chavez a été ramené à Caracas et au pouvoir. Lors du coup d’Etat, les masses ont envahi la rue pour s’opposer au nouveau régime de droite tandis qu’une révolte a explosé parmi les rangs de l’armée et des officiers subalternes.

Le coup d’Etat de droite de 2002

L’effondrement du coup d’Etat de droite dirigé par Pedro Carmona a porté un coup décisif à la classe dirigeante et au capitalisme. La classe ouvrière et les pauvres ont eu l’occasion de prendre en main la gestion de la société. Malheureusement, à ce moment-là, Chavez a choisi de faire appel à ‘‘l’unité nationale’’ pour conclure un accord avec des sections de la classe capitaliste. Le lock-out patronal a été rompu après une lutte de 12 mois. A chaque fois, Chavez a été sauvé par le mouvement de masse issu de la base.

Ces événements ont extrêmement radicalisé Chavez qui, en 2005, a commencé à parler de ‘‘révolution socialiste’’. C’est dans cette période qu’il a également fait référence aux idées de l’un des dirigeants de la révolution russe, Léon Trotsky, ainsi qu’à celles de Karl Marx et qu’il a appelé à la fondation d’une Cinquième Internationale.

Cela a empli de rage tant la classe dirigeante vénézuélienne que l’impérialisme américain. Des nationalisations et des nationalisations partielles de sociétés importantes ont été appliquées. La mise en place d’un service de santé de base ainsi que la généralisation de programmes d’éducation et d’alphabétisation ont énormément amélioré la popularité du gouvernement. De manière significative, à l’élection de 2006 – à la suite de ce virage à gauche – Chavez a remporté sa plus grande victoire électorale avec plus de 62% des voix!

Cette évolution a eu un effet extrêmement positif en mettant la question du socialisme à l’avant plan au Venezuela et, dans une certaine mesure, également en Amérique latine et à l’étranger. L’idée de la ‘‘révolution’’ et même du ‘‘socialisme’’, de même que de réformes radicales, sont largement dominants dans la conscience de la majorité des Vénézuéliens. Il s’agit d’un héritage positif de Chavez. Il y a un clair rejet de toute idée d’un retour à ‘‘l’ancien régime’’.

Le capitalisme affaibli mais pas mis à bas

Cependant, en dépit de cette phraséologie radicale, Chavez et le gouvernement bolivarien, en réponse à la crise économique mondiale qui a commencé en 2007, n’ont pas réagi en développant un programme de rupture anticapitaliste, mais ce sont plutôt déplacés dans la direction inverse.

La classe capitaliste avait été ébranlée, mais sans être vaincue. Elle est donc restée au contrôle des leviers économiques. De l’intérieur de la République bolivarienne a aussi surgi une nouvelle force : la ‘‘boli-bourgeoisie’’, une couche puissante de la société qui est devenue riche sur le dos du mouvement chaviste.

Cela, en combinaison avec l’émergence d’une puissante bureaucratie et de la détérioration de la situation économique, a assuré que, malgré les réformes populaires (que le Comité pour une Internationale Ouvrière a soutenues), d’énormes problèmes sociaux de pauvreté, de chômage, de corruption et de criminalité ont demeuré présents. Ces problèmes perdurent et découlent de l’échec à renverser le capitalisme.

Un mécontentement et une frustration généralisée se sont développé en conséquence de cela et en combinaison avec l’approche de haut en bas et administrative de la bureaucratie, avec une absence de contrôle et de gestion démocratiques des travailleurs dans le processus révolutionnaire, alors que Chavez bénéficiait d’un soutien massif. Les récentes grèves des enseignants et des travailleurs du métal ont été réprimées par l’Etat, toutes ces mesures ayant donné une arme à la droite pour combattre le régime.

Transformer les aspirations socialistes en réalité

Si le candidat de droite Henrique Capriles et la droite vénézuélienne espèrent que la mort de Chavez va se traduire en une opportunité aisée pour eux de prendre le pouvoir, ils se trompent. Malgré le mécontentement présent, l’idée de soutenir le processus révolutionnaire, celle du socialisme et la volonté de défendre les réformes sont profondément ancrées dans la société vénézuélienne.

A court terme, le plus probable est la victoire électorale de Nicolas Maduro, le vice-président nommé par Chavez comme son successeur. Le ralliement des partisans de Chavez et des masses pauvres pour vaincre la droite est déjà en développement [depuis l’écriture de cet article, un million de personnes ont participé aux funérailles de Chavez, NDT]. Capriles et la droite font, tout comme Maduro, appel au calme, à la paix et à l’unité. La droite ressent sa faiblesse et prend bien garde à ne pas provoquer de réaction parmi les masses.

Alors que certains commentateurs de droite ont instrumentalisé la mort de Chavez pour déverser leur haine anti-socialiste, d’autres sections du capitalisme et de l’impérialisme ont été plus prudents. Les déclarations prudentes du président américain Barack Obama ainsi que du secrétaire d’Etat aux affaires étrangères britannique William Hague ont pour objectif d’ouvrir une nouvelle ère de coopération avec un futur gouvernement dirigé par Maduro. Ils sont parvenus à la conclusion que la droite a peu de chance de remporter les élections et ont donc laissé la porte ouverte tenter de collaborer avec le nouveau gouvernement ‘‘chaviste’’.

Maduro et les autres dirigeants n’auront pas la même autorité que Chavez. Une nouvelle ère s’ouvrira avec ces élections. Les divisions entre courants différents au sein du mouvement chaviste peuvent éclater après la tenue des élections. Des sections de la classe dirigeante sont à la recherche de cela afin de finalement vaincre le mouvement chaviste.

Ces perspectives soulignent la nécessité urgente de l’unité de la classe ouvrière et des pauvres contre la droite. Les masses doivent reprendre le processus révolutionnaire en leurs propres mains avec des organisations indépendantes et un programme pour transformer les ‘‘aspirations socialistes’’ soulevées par Chavez en réalité. La mort de Chavez ne marque pas la fin de la lutte. Un nouveau chapitre va maintenant commencer.