Sur le pacte de responsabilité, les travailleurs n’ont pas réussi à faire reculer le gouvernement, laissant croire qu’ils sont démobilisés.
La colère n’arrive pas à s’exprimer dans la rue et par la grève. La stratégie des organisations syndicales, CGT en tête, n’a pas varié d’un iota. Les journées de mobilisation s’enchaînent à un rythme plus ou moins soutenu sans qu’à aucun moment les directions syndicales ne mettent en avant des perspectives de lutte et la nécessité d’organiser un vaste mouvement de grève et de blocage de l’économie pour faire reculer le gouvernement. Des appels sont lancés mais davantage pour que les directions syndicales maintiennent une légitimité minimale et puissent quémander de quoi calmer le jeu. Rien n’est fait pour construire un rapport de forces pouvant mettre fin à la politique d’austérité.
Les salariés perçoivent clairement l’inutilité de telles journées, et lorsqu’au lendemain d’une grève aucune suite n’est annoncée et que le gouvernement ne fait aucun cas de la mobilisation, la conscience de la force des travailleurs s’amenuise inévitablement.
La réalité est différente : des luttes locales et victorieuses montrent le poids réel des travailleurs.
Chacun perçoit la crise gouvernementale, et les possibilités de mobiliser largement les salariés pour une grève, même reconduite sur plusieurs jours, sont là.
Mais on ne peut ni décréter une telle grève, ni appuyer sur un bouton pour la déclencher. Elle se construit, en redonnant d’abord confiance aux travailleurs pour qu’ils aient à nouveau conscience de leurs poids dans l’économie. Cette prise de conscience passe par un appel des directions syndicales à une première journée de grève totale dans laquelle tous et toutes, jeunes, travailleurs, chômeurs, retraités organisent le blocage de l’économie. En inscrivant cette journée dans une véritable stratégie annoncée de construction d’un mouvement de grève reconductible des travailleurs, des jeunes… le rapport de forces pourrait vite s’inverser.
La responsabilité de la CGT
La CGT porte une importante responsabilité dans la situation actuelle. C’est le syndicat majoritaire, perçu comme radical, implanté dans de très nombreux secteurs et qui a une influence grande auprès des travailleurs les plus combatifs. La confédération, même isolée, a le potentiel de faire réussir une véritable mobilisation.
Mais dans le contexte actuel, la direction de la CGT propose une feuille de route bien en dessous de la riposte nécessaire aux attaques des capitalistes : une journée de mobilisation le 16 octobre très axée sur la protection sociale, des meetings pour faire connaître la position de la CGT et une journée de grève interprofessionnelle en janvier 2015. Les expressions «contre l’austérité» et «contre le pacte de responsabilité» ont disparu des propos de Thierry Lepaon.
Dans les faits, c’est une forme de capitulation face au MEDEF et au gouvernement que tentent de cacher des déclarations plus offensives sur des sujets moins mobilisateurs comme celui des «seuils sociaux». L’échec de la journée du 26 juin est l’argument favori de la direction de la confédération pour démontrer qu’une mobilisation large est impossible. Pourtant, cette journée de juin, placée 10 jours plus tôt, avec comme objectif affiché la préparation d’un conflit contre la politique d’austérité et le pacte de responsabilité à l’automne, en pleine mobilisation forte des cheminots, aurait sans doute eu un impact beaucoup plus fort auprès des
salariés.
Heureusement, la pilule ne passe pas chez les militants CGT. Les AG de rentrée dans les Unions Départementales ont montré que cette orientation n’était pas celle voulue par la base. Même si la stratégie à mener pour aboutir à une lutte massive reste souvent assez floue, de nombreux syndiqués sont intervenus pour réclamer une approche plus combative
et une vraie mobilisation contre la politique d’austérité. Les AG ont aussi rassemblé beaucoup de monde, avec certaines AG plus fournies qu’en 2010 (en pleine préparation du mouvement de défense des retraites), traduisant l’attente des salariés face aux attaques et à la crise politique.
N’enterrons pas le 16 octobre !
Pour le 16 octobre, la direction de la CGT a cherché à limiter les revendications à la seule question de la protection sociale, évidemment importante, mais peu mobilisatrice pour une large couche de travailleurs, de précaires, de chômeurs… La ligne de Thierry Lepaon s’est cependant heurtée à la combativité des syndiqués. Comme autour du 18 mars dernier où la direction de la CGT a été poussée à « muscler » l’appel à la mobilisation interprofessionnelle, la journée du 16 octobre est maintenant présentée pour « dénoncer la politique sociale et économique du gouvernement » (interview de T. Lepaon sur France 2 le 5/09/2014). L’évolution est significative de la difficulté de Lepaon à imposer sa direction. Cette journée d’octobre ne doit pas être enterrée, et peut prendre de l’ampleur pour déboucher sur une journée de grève dont les salariés pourront se saisir pour la rendre combative.
Par Luc de Chivré