Rouen : l’incendie d’immeubles amiantés pose beaucoup de questions

Ce samedi 30 septembre, un des immeubles verre et acier de l’ancienne cité des « Pépinières Saint-Julien », quartier Saint-Clément de Rouen, a pris feu. Le sinistre s’est étendu à un second immeuble. Devant l’effroyable spectacle, des dizaines d’habitants se sont retrouvés en bas des immeubles tout en discutant de la situation.

L’incendie de la cité des pépinières à Rouen le 30 septembre

Ces immeubles amiantés étaient désaffectés depuis cinq ans. Les inquiétudes des habitants sont diverses et des colères sont partagées.

Le souvenir de Lubrizol bien présent

Quatre ans presque jour pour jour après la catastrophe de Lubrizol, un autre panache de fumée recouvre une partie de Rouen rive gauche et Petit-Quevilly : « On est servis, à Rouen… » résume une habitante. Au pied de l’immeuble qui a pris feu, il y a une école maternelle et une école primaire. À quelques centaines de mètres, un collège. « Quelles mesures seront prise pour protéger les enfants ? », pouvait-on entendre.

On se souvient de l’absence de consignes données au moment de l’incendie de Lubrizol, amenant des milliers d’enfants à être en route pendant l’incendie et des salariés sur le chemin du boulot. L’alerte cette fois a été donnée à 21h05, soit plus de deux heures après le début de l’incendie, et seulement à celles et ceux abonnés au système « inforisques » par SMS ! La consigne était d’éviter le secteur. C’est tout. Or par ce samedi soir de beau temps, les quais étaient pleins et les gens qui y circulaient, avaient des suies (amiantées ?) dans les cheveux !

La mairie dans le collimateur !

La rancœur contre la mairie est forte. « Il est crit’Air combien cet immeuble ? » ironise un habitant écœuré faisant référence à la mesure antisociale de la ZFE empêchant de conduire certaines voitures trop vieilles dans l’agglo.

Vue des immeubles détruits par le feu, 1er octobre 2023

« Ils voulaient les détruire, il y avait pas l’argent et maintenant il y a le feu. » Ce sentiment est revenu plusieurs fois dans les discussions entre riverains. D’autant plus que c’est la deuxième fois en très peu de temps ! Le 7 septembre sur les Hauts de Rouen, un autre immeuble verre et acier désaffecté à brûlé après que l’entrée a été forcée. Le sentiment de sécurité ou de confiance n’est clairement pas présent, une enfant triste disait : « Je ne veux pas qu’il arrive ça chez nous ! ».

Pourquoi les propriétaires ne sont-ils pas dans l’obligation de désamianter les habitations et locaux de travail ? Rouen Habitat, présidé par différents adjoints (EELV ou PCF par le passé, et par le maire PS de Rouen Mayer-Rossignol aujourd’hui), s’est débarrassé du problème en revendant le terrain à un démolisseur privé, lequel a laissé traîner l’affaire. Irresponsabilité et incompétence : on voit le résultat…

La destruction de la cité des Pépinières toujours retardée

Un 1er immeuble avait du être détruit suite à un incendie en 1999, puis un autre en 2003. À cette époque, pas de désamiantage. Beaucoup de résidents voyaient bien les immeubles se dégrader et il aurait été possible que Rouen Habitat les remplace, un a un, par des logements HLM récents. La majorité de l’époque, avec à sa tête Yvon Robert ou Valérie Fourneyron (PS), n’ont rien voulu faire. Résultat, en 2012 un rapport indique que le degré de vétusté est tel que ces appartements ne sont quasiment plus habitables. Mais il faudra attendre 2016 pour qu’en catastrophe des centaines de familles soient relogées.

Lors des réunions d’information, la promesse est que les derniers relogements se feront en 2018 et qu’en 2020 une nouvelle résidence verra le jour. Évidemment ce ne sera plus du logement HLM ni même public. Même les jardins d’enfants avaient disparu, au grand dam des parents d’élèves des écoles du quartier.

Derrière les barrières du chantier à l’arrêt depuis plusieurs années, il y avait un projet immobilier, promettant d’être juteux. A l’origine, la cité était pourvue de logements 100% publics à loyer modéré et de 2,9 ha de terrain public, à deux pas du Jardin des plantes, très bien desservie par les transports en commun, dotée de deux jardins pour enfants, et d’écoles… Le projet était de vendre une partie du terrain pour faire construire des résidences à 2/3 privé et 1/3 public. Finalement, le terrain a été vendu au privé pour une bouchée de pain. Les travaux de démolition et de dépollution n’ont pas été assurés par Rouen Habitat. Pour une majorité municipale qui comporte de nombreux partisans du pollueur/payeur c’est un comble !

Cet accord avait conduit à la destruction d’un premier, et seul, immeuble en 2020, bâché et désamianté. C’est faute de budget que les pouvoirs publics n’ont pas poursuivi, laissant donc en plan l’endroit depuis 2018 ! Quid des autres immeubles, quid de l’amiante à l’intérieur ?

Pourtant, une des raisons qui avaient été avancées aux habitants pour quitter les lieux étaient les risques élevés d’incendies, la vétusté des bâtiments et leur nocivité. Que dire… !?

On veut savoir ce qu’on a respiré et ce qu’il s’est passé !

« L’amiante a été enlevée ? », « Pourvu qu’il n’y a pas d’amiante… » c’était la peur du soir, et qui restera certainement jusqu’à ce qu’on ait la réponse à la question. Certitude par contre : on a été plongés dans un nuage de particules. Un suivi de la population et des pompiers et autres travailleurs sur place est toujours au centre des préoccupations, au vu des différents incendies toxiques.

L’expérience des incendies de Lubrizol en 2019 ou Bolloré en début d’année le montrent, il faut prendre des mesures immédiatement pour relever les polluants et protéger les populations. La Mairie de Rouen le sait, d’autant qu’elle est responsable de cette friche désaffectée depuis 5 ans qui a brûlé.

Par précaution le maire a fermé les écoles des Pépinières en attente du nettoyage des résultats d’analyse sous 2 ou 3 jours. Mais, comme à son habitude l’ARS (agence régionale de santé) minimise. Elle annonce dès ce dimanche 1er octobre qu’on peut retirer, seul, les suies avec quelques précautions. Ah bon ? Sans avoir publié des résultats d’analyses ? C’est n’importe quoi !

Des réunions d’informations devraient déjà être organisées, et ce, régulièrement pour faire le point sur l’avancement de la situation et agir ensemble si nécessaire. La mairie doit mettre des salles à disposition pour cela gratuitement. Nous voulons savoir la vérité et ne voulons pas que les choses se décident sans nous : il s’agit de notre santé et de celle de notre famille, amis, collègues…

Il faut s’organiser et se mobiliser !

Il y en a marre que nos vies soient mises en danger et nos logements de mauvaise qualité tout ça faute de budget et/ou pour les profits des promoteurs privés ! Pour pouvoir faire la lumière sur ces événements, dans le quartier, et dans l’agglo, et pour obtenir de vraies mesures, il va falloir se mobiliser pour que la mairie et l’agglo agissent enfin !

Pour :

  • la formation de comités d’habitants dans les quartiers de St-Julien, Jaurès et alentours, pour être informés collectivement et se mobiliser pour faire réellement appliquer les mesures suivantes :
  • la publication par la préfecture et la mairie de l’ensemble des mesures effectuées (pompiers, sociétés mandatées pour les mesures d’amiante…), notamment le tonnage d’amiante qui a été retiré de l’immeuble verre et acier déjà détruit
  • l’installation très rapidement d’une structure étanche entourant les débris pour que les travaux de nettoyage et de dépollution puissent se faire sans risque pour les riverains
  • une campagne de détection des fibres d’amiante (y compris les fibres courtes !) dans l’ensemble des locaux exposés aux retombées des fibres
  • l’ouverture d’un registre sanitaire pour toutes les personnes exposées en cas de problème de santé sur le long terme
  • l’accès aux analyses et au site pour une commission indépendante formée de syndicalistes, représentants d’associations de locataires et de scientifiques
  • l’arrêt des projets de bétonisation de la rive gauche (plus de 15 résidences construites ces 10 dernières années sur le secteur Rondeaux, Saint-Sever, Saint-Clément sans aucun parc ni jardin d’enfants), car pour la pollution du béton il n’y a pas de ZFE …
  • l’arrêt de la casse du logement public au profit du privé dans l’agglo et pour des logements publics de qualité à la hauteur des besoins de la population
  • aux habitants de pouvoir décider tous ensemble du devenir d’un quartier, de ses aménagements et transformations ! Organisons-nous !