Kanaky : retour sur la colonisation et les débuts de la lutte indépendantiste

indexAprès avoir été dès 1841 colonisée par des missionnaires protestants puis catholiques, la Nouvelle-Calédonie devient, en 1853, une une colonie française du Pacifique Sud, un archipel rattaché aux îles noires (ou mélanésiennes) : îles Fidji, Salomon, Vanuatu, Papouasie, Nouvelle-Guinée.

La colonisation française

Le pillage commence : colonisation, spoliation des terres, réserves pour Kanaks, incendies des villages, réquisition des hommes pour des travaux forcés … De 1872 à 1896, l’île devient un bagne. On y met aussi des opposants politiques : les Communards, dont Louise Michel, et des Kabyles qui s’étaient aussi révoltés en 1871 contre l’État français. C’est au même moment que commence la colonisation de peuplement. Les bagnards les plus méritants se voient proposer des terres, prises aux Kanaks. Louise Michel refusera. Il y a de nombreuses révoltes kanaks dont celle du chef Ataï en 1878 contre 5 000 soldats, qui fut décapité.

La population passe dramatiquement de 60 000 Kanaks en 1853 à 20 000 en 1920. L’île et ses richesses naturelles (cobalt, chrome et surtout nickel) attisent les convoitises des capitalistes. En 1946, fin de l’indigénat, les Kanaks deviennent citoyens français mais ne pourront voter qu’en 1957.
Dans les années 1960, la population kanake augmente, ce qui fait peur aux Européens et Caldoches installés surtout dans le Sud. Le maire de Nouméa déclare « on va planter du blanc », voulant relancer la colonisation contre le danger indépendantiste.

Une nouvelle vague de colons arrive, boostée par le boom du nickel (1969- 1972). Mais les Kanaks n’en ont pas profité. Les colons les ont même mis à l’écart en « important » de la main d’œuvre de Polynésie, surtout wallisienne (25 % du personnel minier est polynésien, 6 % Kanak).

Le mouvement indépendantiste prend son essor

Quelques rares étudiants kanaks, venus faire des études en France, participent à la grève de mai 1968 et se familiarisent avec les thèses marxistes. Au retour, ils créent les Foulards Rouges qui deviendra le Palika en 1975 (parti de libération kanak) en 1979. Il fusionne dans un front indépendantiste, l’Union calédonienne, quittée par les Européens et que dirigent alors Jean-marie Tjibaou et Eloi Machoro.

En 1980, des jeunes Kanaks luttent contre un forestier à Koindé qui détruit leur forêt et pollue la rivière. Au lieu de fournir des citernes d’eau potable, ce sont les forces de l’ordre qui sont envoyées. La répression est féroce.

Décennie 1980 : luttes kanakes et répression coloniale

1981, Mitterrand arrive au pouvoir et avec lui un petit espoir pour certains Kanaks. De courte durée. En 1984, le FLNKS (front de libération nationale kanak socialiste) se crée. regroupant l’Union calédonienne, le Palika et l’USTKE (Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités). Ce front organise le boycott actif des élections territoriales accompagné de barrages et d’occupation de terres. Le gouvernement français renoue alors vite avec les vielles méthodes : l’état d’urgence et des forces militaires installées en armée d’occupation pour les années à venir.

L’assassinat d’Eloi Machoro

Face à cette occupation, la lutte indépendantiste se développe. Un gouvernement provisoire de la république socialiste de Kanaky est même formé le 1er décembre 1984 dirigé par Tjibaou. Eloi Machoro est un dirigeant connu. Il a cassé une urne d’un coup de tamiok (machette) pour dénoncer le système électoral faussé. Il est partisan d’une indépendance kanake socialiste, y compris par la révolution. Il prend la ville minière de Thio où il piège des gendarmes. Il les escortera au poste et leur rendra les armes.

Le 12 janvier 1985, la ferme où se trouvait Machoro et d’autres compagnons est encerclée par les gendarmes. Alors qu’il sortaient pour négocier, il sera abattu, avec son camarade Nonnaro, par des tireurs d’élite du GIGN. Peu après, Tjibaou finit par accepter un accord « d’indépendance association ».

Ouvéa

Lors de l’élection présidentielle de 1988, le FLNKS appelle au boycott. Les tensions ne faiblissent pas. Sur l’île d’Ouvéa, le comité local attaque une gendarmerie, deux militaires sont tués et 19 militants indépendantistes se réfugient dans une grotte. Chirac, premier ministre, avec l’accord de Mitterrand, ordonne l’assaut. Les 19 sont tués le 5 mai 1988.

Moins de 2 mois après, les accords de Matignon sont signés par le gouvernement et Tjibaou. Mais les divergences sont très grandes parmi les tribus kanakes et au sein du FLNKS. Tjibaou est tué par un militant kanak qui refusait les accords de Matignon, le 4 mai 1989. Dans les années 1990, la direction du Front s’engage dans la cogestion. Sans ligne politique socialiste, le mouvement indépendantiste Kanak perd de sa vigueur. En 1998, les accords de Nouméa sont signés sous Jospin, prévoyant un 1er referendum le 4 novembre prochain.

Par Marie-José Douet