Indéniablement, les résultats des élections municipales confirment qu’il existe le potentiel pour que naisse une alternative politique à la gauche plurielle.
Article paru dans l’Egalité n°86
C’est parce que les électeurs de gauche se sont encore plus abstenus au deuxième tour qu’au premier que de nombreuses villes ont basculé de gauche à droite. Même si l’électorat de droite s’est plus mobilisé au second tour, c’est cette abstention qui a joué en passant de 37 à 39 % entre les deux tours. Souvent battue de quelques centaines de voix, la gauche plurielle a véritablement subi une « abstention-sanction ».
C’est également ce que montrent les scores des listes d’extrême gauche (LO et LCR notamment), de listes comme » Motivé-e-s » à Toulouse (plus de 12 %), de listes PCF contestant la ligne officielle d’acceptation de la politique du gouvernement, et même de certaines de listes des verts assez critiques sur la politique de Jospin-Gayssot-Voynet (ou du moins perçues comme telles). Ce mécontentement qui va croissant doit trouver une expression politique plus large.
Les bases politiques de toutes ces listes étaient assez proches : défense des services publics, municipalisation de ceux qui avaient été privatisé, » budget participatif « , droit de vote des immigrés, etc. se retrouvaient sur beaucoup de plate formes électorales. Ça ne suffit pas pour faire un nouveau parti des travailleurs mais cela aurait pu permettre de jeter les bases d’un travail collectif intégrant tous ceux qui souhaitaient y participer.
Il existe un véritable arc de forces qui des mouvement sociaux à différentes organisations (oppositions du PCF, LO, LCR…) forment le potentiel d’une alternative à la Gauche plurielle.
Une occasion a été gâchée lors de ces municipales. D’une part LO et la LCR ne se sont pas alliées. La question serait cependant restée entière de savoir si ces deux organisations avaient mené alors une véritable politique d’ouverture et de rassemblement de tous ceux qui s’opposent au gouvernement. D’autre part, un fossé existait entre les listes se plaçant uniquement sur le terrain des luttes et des revendications, et ne cherchant nullement à construire un nouveau parti des travailleurs, et celles formées par les organisations de manière plus ou moins ouverte mais n’ayant jamais eu une démarche proposant l’unité aux listes du » mouvement social « .
En participant aux listes initiées par la LCR c’est ce que nous avons essayé de faire et de défendre. Il était (et c’est encore faisable dans beaucoup d’endroits) possible de faire de ces listes un moyen non seulement de rassembler des militants mais également que ces listes soient de réelles structures de débat, d’action fonctionnant de manière collective et démocratique avec l’objectif de continuer ainsi après les élections autour de campagnes, de luttes, de bulletins… C’est ainsi qu’auraient pu naître des structures qu’il aurait été possible de regrouper ensuite sur une base fédérale tout en ayant pour objectif la construction d’un nouveau parti des travailleurs. L’absence d’une telle perspective fait que dans beaucoup d’endroit ces municipales seront sans lendemain pour ce qui est du début de construction d’une alternative politique à la gauche plurielle.
Ne pas opposer le mouvement social aux organisations « politiques »
Les listes comme « motivé-e-s » rassemblent de manière large des centaines de personnes (acteurs des luttes, des travailleurs, des jeunes…) sur des bases assez radicales. Elles pourraient faire école et ce serait un pas en avant dans beaucoup d’endroit où trop souvent les luttes ne se traduisent pas sur le terrain électoral. Même si elles se limitent à un droit de contrôle ou de regard sur la politique de la Gauche plurielle, elles attirent néanmoins à elle de nombreuses personnes qui veulent faire de la politique, c’est à dire s’engager au-delà des luttes revendicatives pour essayer de transformer la société. Bien évidemment les acteurs de telles listes n’ont pas de projet très clair et butte souvent sur une réticence à exprimer la nécessité d’une rupture avec le capitalisme (c’est plus souvent le libéralisme qui est cité).
De leur coté, des organisation comme LO ou la LCR devraient apporter cette nécessité d’un combat pour la transformation socialiste de la société. Non pas en s’opposant entre elles ou aux listes comme motivé-e-s, mais en ayant une démarche unitaire, autour de revendications d’urgence comme l’interdiction des licenciements, la défense des retraites, la lutte pour de véritables services publics… Une telle démarche permettrait de rassembler le plus possibles de gens qui combattent le gouvernement, et de s’adresser ainsi à toutes les forces qui vont dans ce même sens. Un cadre unitaire et réellement démocratique verrait ainsi le jour et permettrait de faire avancer de nombreux débats.
Prendre des initiatives en vue des présidentielles et des législatives
L’année qui vient pourrait être utile pour lancer des initiatives en vue de la constitution d’une alliance ouverte à tous ceux qui veulent combattre la politique du gouvernement. La possibilité d’une candidature d’Arlette Laguiller (LO) soutenue par la LCR se dessine. Mais il faut se souvenir de la campagne LCR-LO aux dernières élections européennes. L’absence de comités de soutien, de débats dans la plupart des meetings ont fait de ces élections un tête-à-tête LCR-LO, et une alliance sans lendemain.
Les possibilités qui s’offrent aujourd’hui sont réelles même si on ne voit pas dès le début l’afflux de milliers de nouveaux militants. Un front réunissant tous ceux qui luttent contre le capitalisme et le gouvernement est possible si ces deux organisations empruntent cette démarche, et s’adressent aux autres forces qui veulent s’y joindre. En l’ouvrant également à tous les individus qui le souhaitent et en n’en faisant pas une structure où tout est réglé au sommet entre les directions de quelques organisations, c’est ainsi que de manière souple et néanmoins offensive pourra commencer à s’opérer un premier rassemblement de forces en vue d’un nouveau parti des travailleurs.
C’est à tout cela que nous souhaitons contribuer, en ayant les débats et les actions nécessaires. Pour nous il est possible aujourd’hui de faire des pas concrets dans la constitution d’une alternative regroupant les jeunes et les travailleurs pour lutter contre les attaques patronales et gouvernementales, ce ne sera pas encore le parti révolutionnaire qui fait défaut pour renverser le capitalisme, mais un premier pas plus que nécessaire dans ce sens.
Par Alex Rouillard