Pour établir le socialisme, il faut un parti révolutionnaire de masse

Seul le socialisme permettra de construire une nouvelle société qui supprimera peu à peu tous les maux dont souffre l’humanité, et seule une révolution à laquelle participeront des millions de travailleurs et de jeunes permettra l’instauration du socialisme. Mais pour rendre celle-ci victorieuse, il lui faut un parti qui rassemble les meilleures énergies, et permette de voir clairement les enjeux pour pouvoir prendre les bonnes décisions au bon moment.

Article paru dans l’Egalité n°114
Soulever le rôle indispensable d’un parti révolutionnaire de masse ne signifie pas ne pas reconnaître le rôle nécessaire du mouvement en lui-même. Sans celui ci en effet aucun parti ne peut renverser le système capitaliste et mettre en place une société socialiste. Seulement si le soulèvement de la classe ouvrière et de ses alliés est une condition nécessaire, elle ne peut être une condition suffisante. Pour reprendre une métaphore de Trotsky dans son Histoire de la Révolution russe, les masses ouvrières sont la vapeur indispensable à l’avancée de l’humanité mais il faut aussi le piston et le cylindre. L’existence d’un parti indépendant qui oriente et structure ce mouvement de masse est indispensable également. L’histoire du mouvement ouvrier est émaillée de ces nombreux exemples où la classe ouvrière a fait preuve d’une volonté et d’une capacité bien réelle à effectuer le renversement du capitalisme mais où aussi s’est fait sentir durement et bien souvent dans le sang le manque d’un parti ouvrier révolutionnaire. C’est ainsi que Trotsky analyse La Commune de Paris de 1871 :  » La Commune nous montre l’héroïsme des masses ouvrières, leur capacité à s’unir en un seul bloc, leur don de se sacrifier au nom de l’avenir, mais elle nous montre en même temps l’incapacité des masses à choisir leur voie, leur indécision dans la direction du mouvement, leur penchant fatal à s’arrêter après les premiers succès, permettant ainsi à l’ennemi de se ressaisir, de rétablir sa position. »

Sans parti révolutionnaire, la classe ouvrière n’a pas saisi suffisamment sa force et son rôle historique, laissant ainsi le terrain politique aux petits bourgeois timorés, aux légalistes et aux négociateurs qui ont refusé le rôle révolutionnaire de la Commune alors qu’il aurait fallu la construire et l’étendre à toute la France et la défendre militairement.

Un outil pour le pouvoir des travailleurs

Croire que spontanément la classe ouvrière va d’elle-même renverser le capitalisme de manière définitive, c’est la désarmer et lui retirer l’outil politique indispensable à sa victoire.

Le but fondamental du parti révolutionnaire est donc la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Il ne s’agit pas de se substituer aux masses ou de les considérer d’en haut mais d’en constituer l’avant garde qui, consciente des aspirations des masses qui se soulèvent mais aussi du rôle historique de la classe ouvrière, est à même, si elle assume pleinement son rôle de direction, d’élaborer la tactique dont le mouvement a besoin. Cela veut dire un parti capable de se lier aux masses, d’être à l’écoute de leurs aspirations, de les traduire en programme politique. « Le parti ne crée par la révolution à son gré, il ne choisit pas à sa guise le moment pour s’emparer du pouvoir, mais il intervient activement dans les événements, pénètre à chaque instant l’état d’esprit des masses révolutionnaires et évalue la force de résistance de l’ennemi, et détermine ainsi le moment le plus favorable de l’action décisive. » (Trotsky,  » les leçons de la Commune « )

Ainsi en 1917, en Russie, le parti bolchevik s’était constitué comme un véritable parti organisé pour la prise du pouvoir par les travailleurs. Ceci impliquait une orientation socialiste claire et parfaitement assumée mais aussi une tactique continuellement élaborée en fonction de la situation politique, c’est à dire de l’état des adversaires et du rapport de forces, mais aussi des aspirations et du niveau de conscience des jeunes et des travailleurs. C’est à ces conditions et grâce à un travail sur le terrain des bolcheviks, dans chaque usine, chaque régiment, chaque quartier, chaque soviet, que les militants ont pu mener vers la prise du pouvoir victorieuse, et ce en évitant un bain de sang.

Un parti qui refuse toute compromission avec le capitalisme

Un tel parti refuse alors toute compromission avec la bourgeoisie et ne recherche pas des raccourcis « légaux ». Conscient qu’il n’ y a pas d’autre alternative que le renversement du capitalisme et ayant fondamentalement confiance dans le rôle de la classe ouvrière, ce parti s’arme de patience et se construit au quotidien, pas à pas, dans chaque lutte, dans chaque étape de la lutte des classes, comme la direction révolutionnaire du mouvement ouvrier.

Ainsi, la volonté de participer à des élections légales dans le cadre de la société bourgeoise n’est pour un parti révolutionnaire qu’un moyen supplémentaire de lutter et ne saurait constituer la solution aux aspirations des travailleurs et de jeunes. Cela doit se faire sur un programme clairement en défense de tous les intérêts des travailleurs, appelant donc à la rupture avec le capitalisme et à la création d’une société socialiste.

La participation des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier aux gouvernements bourgeois tout au long de l’histoire a été plus qu’une erreur mais aussi,une trahison des aspirations des masses. C’est leur faire croire que la société socialiste peut être obtenue par négociations et par réformes au sein du capitalisme. Les mêmes qui prétendaient construire le socialisme en se mettant à la tête de l’Etat bourgeois et en procédant par réforme successive, admettent, comme Jospin en 99 acceptant les licenciements chez Michelin, que « l’Etat ne peut pas tout ». En fait, les dirigeants réformistes sont là pour donner aux bourgeois l’assurance de pouvoir continuer leur système d’exploitation capitaliste. De la même manière, il s’agit pour eux de retirer à la classe ouvrière la conscience qu’elle est la seule classe à même de renverser le capitalisme.

Actuellement en France et dans toute l’Europe, on ne peut que constater le besoin crucial d’un tel parti. Pourtant, le PCF préfère se complaire dans des échafaudages de plans et de négociations en vue des élections de 2007. La LCR emboîte le pas, gardant quelques distances, mais ne mettant plus une seule fois le socialisme au cœur de sa démarche. LO se focalise sur la faiblesse actuelle du niveau de conscience pour justifier son absence d’initiatives pour un nouveau parti. Certes, il faudra une remontée importante du niveau politique des luttes pour qu’un parti révolutionnaire soit de masse, mais les bases se posent dès aujourd’hui ! Le but non avoué de ces organisations est de se consolider elles-mêmes en tant que forces à la gauche de la gauche. Mais elles ne se rendent pas compte que ce manque de courage et de discernement politique va se retourner contre elles. A force de ne voir aucune initiative allant réellement dans le sens d’un nouveau parti permettant de lutter contre les bureaucrates syndicaux, contre les politiciens au service des capitalistes, contre les patrons, les travailleurs se lassent.

Un parti lié aux masses, montrant aux travailleurs qu’ils peuvent changer les choses

Un parti révolutionnaire de masse constitue à la fois un moyen et un objectif. Après la chute de l’URSS, le passage dans le camp de la bourgeoisie des partis socio-démocrates, la démoralisation et la confusion sont grandes parmi les travailleurs et la jeunesse. Les enseignements du 20ème siècle sont peu à peu examinés mais encore lentement. S’il est désormais clair que le capitalisme n’est pas un système viable, les moyens pour le renverser, l’alternative à mettre à la place, ne sont pas encore clairs pour beaucoup. De plus en plus se tournent à nouveau vers le socialisme mais il manque encore une véritable confiance en elle même, en sa capacité à remporter des luttes, de la part de la classe ouvrière. Ceci se traduit par l’émergence de nouveaux partis aux structures assez floues (Psol au Brésil) ou au programme très incomplet (SSP en Ecosse, Bloc des gauches au Portugal etc.). Ces nouvelles formations sont pourtant un pas positif, elles reflètent la volonté de ne pas laisser plus longtemps ce vide qui existe au sein du mouvement ouvrier. Les militants du Comité pour une internationale ouvrière participent à ces formations, et si une telle formation apparaissait en France, nous y participerions aussi. Mais nous le faisons à chaque fois en mettant en avant la nécessité d’un programme socialiste clair, qui soit un outil pour les travailleurs, leur permettent de contrôler leurs luttes, pour demain organiser la société socialiste.

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Exemple de programme sur les licenciements
En défendant des revendications comme l’interdiction des licenciements, la LCR ou LO s’écartent là aussi du chemin permettant de construire un parti dont l’objectif est d’établir le socialisme, le pouvoir des travailleurs. Sous un aspect « radical », ce mot d’ordre donne l’illusion que l’Etat serait neutre, et qu’une pression importante sur lui suffirait à arracher un acquis de cette ampleur : la remise en cause ni plus ni moins du droit qu’on les patrons d’acheter ou non la force de travail des travailleurs par l’embauche ou le licenciement. Autrement dit un des fondements du capitalisme. Or, ceci ne sera possible que lorsque la propriété privée des moyens de production aura disparu, lorsque l’économie sera socialiste. Et cela manque cruellement dans l’argumentation de ces organisations.

Autant, il est logique que des travailleurs tentent par des mesures de sauvegarde (occupation, réquisition d’usine etc.) d’assurer le maintien de leur emploi, autant un parti révolutionnaire ne peut s’arrêter à ce niveau là. Il serait criminel de ne pas expliquer aux travailleurs qu’aucun acquis n’est durable sous le capitalisme. Ce que doit faire un parti révolutionnaire c’est campagne dans tous les quartiers et dans toutes les usines contre les licenciements en partant des aspirations immédiates des travailleurs et des jeunes : pas de licenciement, un emploi décent pour tous- et le relier à la question de l’alternative socialiste et de la nécessité du renversement du pouvoir capitaliste. Et ce au travers de revendications transitoires : nationalisations sous le contrôle démocratique des travailleurs des entreprises qui licencient ; réduction du temps de travail sans perte de salaire jusqu ‘à disparition complète du chômage.

Par Geneviève Favre