Multinationales meutrières !

On savait que les firmes pharmaceutiques étaient assoiffées de profits au point d’abandonner toutes recherches sur les médicaments qu’elles savaient non-rentables. A ce petit jeu ignoble, ce sont les populations les plus pauvres qui sont les plus touchées, et en particulier les populations du tiers-monde, qui ne sont pas solvables.

Article paru dans l’Egalité n°86

Ainsi 80% des dépenses de santé servent à 20% de la population mondiale. En ce qui concerne le SIDA le constat est encore plus accablant puisque 92% de la population mondiale n’ont droit qu’à 8% des dépenses totales.

Mais depuis quelques temps les firmes pharmaceutiques ont franchi un nouveau palier dans l’horreur. Le 5 mars dernier, 39 multinationales pharmaceutiques ont intenté un procès contre le gouvernement sud-africain qui avait adopté une loi en 1997qui lui permettait d’acheter ou de produire, par des industries locales des médicaments génériques contre le SIDA beaucoup moins chers que ceux proposés par ces firmes. Le gouvernement sud-africain prenait appui sur une clause de l’OMC et de l’OMS qui autorise l’achat de médicaments génériques dans les cas d’urgence sanitaire ou d’abus du statut de monopole par les firmes en questions.

Alors qu’elles font des profits déjà énormes de l’ordre de 6 à 7 millions de dollars (l’équivalent du PIB de pays comme l’Ethiopie ou le Tchad), les multinationales entendent ainsi faire comprendre qu’il est hors de question qu’un quelconque Etat puisse remettre en cause leur droit sur les brevets, sur les molécules (qui leur appartiennent pour une durée de 20 ans) ni sur leurs profits réels ou estimées ; l’Afrique ne représentant actuellement que 1,3% des ventes de médicaments.

Or l’urgence sanitaire et l’abus de monopole sont avérés : puisque plus de 4 millions de personnes sont séropositives au VIH en Afrique du sud, soit environ 20% de la population, et que les firmes pharmaceutiques refusent toujours de baisser les prix de leurs médicaments.

Pour ce défendre Bernard Lemoine, directeur général du Syndicat national de l’industrie pharmaceutique, agacé par les campagnes des associations à ce sujet, argue des prétendus efforts déjà concédés par ces industries et conclue par « Je ne vois pas pourquoi on exigerait de l’industrie pharmaceutique des efforts spécifiques. Personne ne demande à Renault de donner des voitures à ceux qui n’en ont pas. » (Monde Diplomatique janvier 2000). Pour lui les médicaments sont des biens de consommations comme les autres et notre santé un marché identique à tout les autres. Peut-on être plus cynique ?

Cette politique criminelle des multinationales n’est pas chose nouvelle. Elle fut même relayée par le gouvernement des Etats-Unis qui avait envisagé de mener une politique de rétorsion économique envers l’Afrique du sud dès 1997. Mais il fit marche arrière en 1999 car Al Gore en charge de ce dossier commençait sa campagne présidentielle.

De plus, actuellement le gouvernement américain de Bush mène une action judiciaire depuis le début de l’année contre l’Etat brésilien parce que le laboratoire pharmaceutique public de l’Etat de Pernambouc a copié et produit depuis 1994 la molécule de l’AZT – qui appartient à Glaxo-Wellcome (une des firmes qui attaquent l’Etat sud-africain) – afin d’en faire bénéficier gratuitement les malades du SIDA au Brésil. Actuellement 90.000 malades bénéficient de ce programme de soins gratuits et la mortalité due au SIDA a baissé de 50% selon Médecins sans frontière. La production de ce médicament générique a permis d’économiser 422 millions de dollars d’hospitalisation et de soins médicaux divers, alors que le laboratoire public ne fonctionne pour l’instant qu’à 20% de sa capacité. Si nous laissons faire les multinationales et les gouvernements qui sont à leur solde c’est 9 malades sur 10 qui risquent de mourir faute de soins appropriés. Cette politique est d’autant plus odieuse que dans le même temps le FMI continue d’imposer des plans d’ajustement structurel aux pays du tiers-monde qui entraînent des réductions des dépenses publiques de santé. C’est deux facettes de la même politique criminelle de l’économie capitaliste.

Il faut se mobiliser ici et maintenant contre les multinationales pharmaceutiques, dont Rhône-Poulenc, qui préfèrent leurs profits à notre santé
– Réquisition immédiate (sans rachat ni compensation) des industries pharmaceutiques sous contrôle des salariés pour une politique publique de la production des médicaments et de santé gratuite pour tous.
– Dissolution immédiate du FMI et de toutes les instances internationales qui servent les intérêts privés en imposants des politiques de restriction des budgets publics

Par Yann Venier