Présentée comme telle par les journaux, notamment avec le dessin de Plantu dans le monde, faisant l’amalgame entre fondamentalistes et militants CGT ; la question du travail le dimanche opposerait des gentils patrons qui essaient d’offrir un moyen pour leurs salariés de gagner un peu plus en travaillant le dimanche ou le soir et les méchants syndicalistes qui essaient d’empêcher ces mêmes salariés de travailler « librement ». Tout comme d’ailleurs ces mêmes syndicalistes veulent empêcher qu’on puisse acheter un parfum à 23h ou un tournevis le dimanche. La réalité, c’est une tendance qui s’accentue à banaliser les périodes de travail tardives ou dominicales pour les rendre « normales », et faire qu’un dimanche ou une soirée soit au bout du compte payé pareil qu’un mardi de 13h à 17h.
Une bataille patronale commencée il y a longtemps.
Dès les années 1970, des grandes surfaces remettent en cause cette la législation et manifestent leur volonté d’ouvrir le dimanche. Le but ? faire reculer peu à peu la législation. Les dérogations au principe du repos dominical se multiplient. Un rapport du Conseil économique, social et environnemental de 2007 en dénombre 180. En 2009, la loi du 10 août, tout en réaffirmant le principe du repos du dimanche dans l’intérêt des salariés, adapte le régime des dérogations avec la création de 607 zones déclarées touristiques en France (41 zones et 566 communes classées d’intérêt touristique) et celle de 20 périmètres d’usage de consommation exceptionnel (PUCE) installés dans les agglomérations de Paris, Lille et Marseille. Les préfets peuvent accorder des dérogations pour les entreprises ce qui se fait « à la tête du client » .
Le travail du dimanche, gain ou jeu de concurrence pour le entreprises ?
Cette loi est aujourd’hui contestée et jugée trop complexe par le patronat qui a soutenu toutes les dérogations… Le débat sur l’ouverture le dimanche a été relancé par une décision du Tribunal de Bobigny qui interdit à des magasins de bricolage d’ouvrir le dimanche en région parisienne suite à une plainte de l’enseigne Bricorama. Les magasins de bricolage contestent cette interdiction alors que les jardineries bénéficient d’une dérogation permanente. La tactique de Bricorama est de dire « soit tous peuvent être ouverts, soit aucun ». Dans la réalité, c’est suite à la condamnation en justice de l’ouverture de ses 32 magasins en Île de France le dimanche que Bricorama a lancé cette plainte, soi-disant contre Leroy-Merlin et Castorama mais en espérant bien obtenir jurisprudence pour que tous puissent ouvrir. Déjà entre enseignes de grandes surfaces, certains ont porté plainte contre les autres pour ouverture illégale le dimanche car du coup ils « prennent » leurs clients qui n’iraient pas dans leur magasin pendant la semaine. C’est pour cette raison que le système actuel, avec des dérogations et les autorisations, les arrangent ; car si tous les magasins étaient ouverts le dimanche, une entreprise n’augmenterait pas son chiffre d’affaire par rapport à une autre. Cet argument est d’ailleurs celui utilisé pour protéger les petits commerces et les marchés en interdisant l’ouverture des Hyper le dimanche. Et ceci dit, ce n’est pas en augmentant la durée d’ouverture des magasins que les travailleurs vont plus « consommer » vu la baisse continuelle du pouvoir d’achat – due notamment aux bas salaires. Dans certains magasins, il est dit que 30% du chiffre d’affaire serait fait le dimanche, chiffre impossible à vérifier, mais on peut quand même dire que ce qui est vendu le dimanche pourrait l’être le samedi.
Travail du dimanche et de nuit , dérégulation pour profits maximum.
On nous dit aussi : « les pauvres travailleurs en horaires décalés, comment vont-ils faire pour pouvoir faire leurs courses ? » Les horaires actuels d’ouverture permettent quand même de pouvoir obtenir ce dont on a besoin, même quand on travaille en horaires décalés. La précarisation est un cercle vicieux. Plus les travailleurs ont des horaires de fou plus on peut imposer ailleurs le même type d’horaires. Si l’exception du travail la nuit ou le dimanche devient la règle, alors les maigres compensations (majoration de l’heure de travail, repos compensateur, primes) ne seront plus nécessaires pour imposer cette organisation du travail aux salariés, et d’autre part il faudra des transports, des services… qui correspondent et cela fait d’autres travailleurs précarisés. Et cette précarisation n’a qu’un seul but : faire plus de profit. La mise en place du travail de nuit et les 3X8 par exemple n’avait que pour but d’accroître la productivité et de rentabiliser les machines au détriment de la santé des hommes et des femmes. Maintenant les usines automobiles suppriment les équipes de nuit car les entreprises du secteur vendent moins de voitures, ou demandent un assouplissement des règles du travail de nuit (suppression des primes par exemple), et surtout licencient ces mêmes hommes et femmes à la santé dégradée. Le travail de nuit et du dimanche doit rester l’exception – et uniquement pour les métiers socialement indispensables comme les hôpitaux , les pompiers, etc.
Travail du dimanche : quelle réalité et quels avantages pour les travailleurs?
La loi accorde aux salariés des PUCE que le travail dominical se fasse sur la base du volontariat ; mais dans ces zones, il n’y a de contrepartie du fait des accords d’entreprise. Pour toutes les dérogations permanentes, il n’y a aucune compensation obligatoire. C’est ce que réclament les patrons des magasins de bricolage. Dans les commerces alimentaires, avec l’ouverture le dimanche et le décalage du jour de repos, les salariés peuvent légalement travailler jusqu’à 12 jours de suite sans être payés plus le dimanche !
Et pour les PUCE ou autres secteurs où le volontariat existe, ce n’est que sur le papier. Si les salaires n’étaient pas si bas, les temps partiels aussi fréquemment imposés, voire l’embauche conditionnée à ce « volontariat » , on trouverait moins de « volontaires » pour travailler le dimanche dans les enseignes de bricolage comme ailleurs. Par exemple, deux tiers des salariés de Castorama travaillent pour moins de 1 291 euros à plein temps. Des groupes comme Castorama sont tellement riches qu’ils peuvent se permettre de payer 120 000 euros d’astreinte judiciaire pour chaque magasin ouvert le dimanche en contravention à la loi. Ils bénéficient à plein régime des réductions et exonérations de cotisations sociales, car les salaires sont en dessous du seuil de 1.6 fois le SMIC. L’urgence c’est donc d’augmenter les salaires.
Les syndicats ont ils donc raisons d’être contre le travail du dimanche?
Oui. Pour toutes les raisons ci-dessus mais aussi d’autres non traitées ici (vie sociale et familiale, exploitation de la précarité et du manque d’aide sociale pour les étudiants…).
Dans beaucoup d’entreprises et de magasins des luttes ont eu lieu contre l’ouverture du dimanche, l’ouverture des commerces la nuit… Une majorité des travailleurs y étaient opposée et ont réussi par leur grève et le soutien des clients à obtenir satisfaction.
Mais dans le cas où ce sont des magasins qui sont ouverts depuis longtemps le dimanche la situation peut parfois se poser différemment. En effet, certains on pu gagner de réelles majorations salariales, même si c’est rare, ou des repos compensateurs. Une généralisation du système de dérogations et autres autorisations revient en fait à aider les patrons de ces magasins à revenir sur ce qui a été acquis par les salariés.
On l’a dit, la précarité entraîne la précarité. On comprend donc l’argument de « l’intérêt général » de l’intersyndicale qui a astreint en justice Sephora pour le travail nocturne ou d’autres pour le travail du dimanche. Mais le problème, c’est qu’en privilégiant le juridique, on finit toujours par perdre et on ne construit pas de rapport de force. La tactique de Bricorama en est un exemple, mais on ne peut pas passer non plus au dessus de l’intérêt de chaque travailleur, il faut les amener à s’organiser et à lutter. Il est possible de concilier les deux et c’est à ça que doivent servir en priorité les syndicats élus par les travailleurs et qui doivent les représenter. Par exemple, comment s’adresser aux travailleurs qui craignent pour leur majoration de 25% de l’heure travaillée le dimanche ? Pas en se battant pour un retour aux heures payées normalement mais en exigeant des majoration bien plus importantes et en organisant la lutte pour des augmentations de salaire. Au lieu d’obtenir la fermeture uniquement par le tribunal, l’intersyndicale aurait dû se concentrer sur le développement de la lutte et n’aller au juridique qu’en appoint des luttes ou quand celles-ci sont trop difficiles à mener du fait de la répression patronale, qui est très forte dans le commerce. Et le fait qu’il n’y ait pas de mobilisation pour le respect de l’interdiction est révélateur même si le collectif des bricoleurs du dimanche et un certain nombre de salariés sont utilisés par leurs patrons. La fermeture n’est pas un gain si il y a diminution de salaire ; surtout quand ceux-ci sont bas. L’attitude des syndicats devrait plutôt être de proposer aux travailleurs de lutter partout pour des augmentations de salaires, un vrai volontariat et une vraie compensation financière et de repos où cela n’existe pas. Pas sur que les patrons affrètent des cars pour aller manifester comme ils viennent de le faire. Bien sûr si les salariés deviennent en majorité pour la fermeture le dimanche il faut lutter pour. Ils est probable que cela le devienne bientôt car quand le travail du dimanche sera devenu la norme, les patrons voudront nous retirer les compensations comme aujourd’hui on veut retirer tous les avantages aux cheminots, aux travailleurs d’Air France, ou comme en Grande Bretagne où des supermarchés sont ouvert 24h/24 et 7j/7 sans qu’il n’y ait plus aucune compensation salariale.
Non au travail forcé le dimanche
Non au travail de nuit sauf dans les secteurs socialement nécessaires (santé par exemple)
Pour des majorations salariales fixées par les revendications des travailleurs en cas de travail le dimanche, idem pour les repos compensateurs
Pour l’embauche à temps plein et en CDI de tous les salariés du commerce qui le souhaitent
Pour la hausse du SMIC à 1500 euros nets
Les travailleurs ne doivent pas se laisser abuser par ces patrons qui les poussent à manifester et qui demain les licencieront sans remords : on voit ce que cela donne à Virgin !