Les plus jeunes n’ont pas vécu l’expérience de la «gauche» au pouvoir. La politique d’Hollande et de Sarkozy est à peu de choses près similaire. Mais celle-ci n’a pas le même impact parmi la population car le PS se prétend de gauche.
Montebourg, mariage pour tous et quelques miettes : un air éphémère de gauche.
La première année de présidence Hollande, après coup, ressemble à une année « pour voir » : si la colère après les années Sarkozy restait et si les conséquences de la crise qui agitaient alors toute l’Europe du Sud avec des mobilisations de masse pouvaient toucher la France.
Dans le domaine démocratique, Hollande, en dehors du mariage pour tous, n’a pas amélioré la vie quotidienne de la majorité de la population. Avec ses déclarations pour nationaliser Arcelor à Florange, Montebourg, ministre du redressement productif, pouvait faire croire qu’Hollande essayait de mener une politique de gauche.
Mais ces temps sont révolus. Il déclare ainsi à propos de la fermeture de Heuliez : «Nous ne sommes pas là pour mettre des ressources rares dans des entreprises qui n’ont pas d’avenir». Les travailleurs de l’entreprise de véhicules utilitaires apprécieront…. Finies les déclarations enflammées contre la famille Peugeot : utile pendant 10 mois comme une caution gauche dans le gouvernement, il rentre désormais dans le rang, reçu à bras ouverts à l’université d’été du Medef. Le reste du gouvernement, Moscovici et Ayrault en tête, parlent de «maîtrise des dépenses», d’«efforts» partagés nécessaires… omettant de dire que les grands patrons sont quasiment exonérés des hausses de cotisations que seuls les travailleurs et les retraités paieront !
Le PS ne défend pas les intérêts de la population.
Contrairement à l’impression d’improvisation que veulent bien nous donner les médias et la droite, Hollande-Ayrault ont une politique réfléchie et très pragmatique. Sarkozy assumait une politique de droite décomplexée ; Hollande avait annoncé qu’il assumerait réduire les dépenses de l’État et poursuivre les coupes sociales, en réduisant les budgets des services publics ou en poursuivant la destruction du système de retraites par répartition. Et il le fait. Son parti peut toujours, lors des journées parlementaires de fin septembre, clamer que la réforme est une réforme de gauche, personne n’y croit. Hollande prétendait dans le même temps vouloir faire porter équitablement les efforts sur toute la société, autant patrons que travailleurs. Il n’a même pas été capable de nationaliser Arcelor Florange et propose aux travailleurs un centre de recherche de l’acier au lieu d’emplois, et il ne dit rien de la fermeture de Good Year Amiens, PSA Aulnay, Petroplus à Petit-Couronne qui jettent des milliers de travailleurs dans le chômage. Le gouvernement Hollande est en fait la synthèse des 30 dernières années du PS.
Parti Socialiste : 30 années de trahison.
C’est un parti qui a été moins implanté parmi les travailleurs que le PCF, mais qui les influençait, prétendant pouvoir concilier la société capitaliste et une vie meilleure pour tous et toutes. Le PS a gouverné de 81 à 95 avec Mitterrand, puis de 97 à 2002 avec Jospin comme premier ministre de la Gauche plurielle. C’est lui qui refuse d’intervenir à Renault Vilvoorde contre la fermeture du site belge, qui engage le début de privatisation de la SNCF, la flexibilité du temps de travail installée avec les 35h. Il installe des politiques racistes avec Chevènement, les expulsions de sans-papiers ; puis toutes les coupes budgétaires dans les services publics, la rentabilisation des soins, de l’éducation,… Cette politique a valu à Jospin d’être recalé dès le 1er tour de la présidentielle de 2002 contre Chirac. Hollande a score historiquement bas, avec 23% de soutien.
En 30 ans, le Parti socialiste a peu à peu assumé sa transformation d’un parti social-démocrate en un parti bourgeois. Hollande incarne à lui seul le rôle du PS en France : mener une politique clairement capitaliste tout en véhiculant au maximum l’idée qu’aucune autre politique n’est possible, affaiblissant d’autant ceux qui veulent résister et lutter contre le capitalisme et qui se reconnaissent dans la gauche. Que dire contre les licenciements si la gauche sensée défendre les petits contre les gros capitalistes ne dit rien ou pire, les justifie ? Comment combattre le racisme et les réflexions xénophobes portées notamment par le FN si c’est la gauche qui expulse, qui fait des lois montrant du doigt les musulmans de France…?
Cette stratégie a guidé la politique de Blair au Royaume-Uni et Schröder en Allemagne dans les années 90, justifiant leurs attaques sur les conditions de travail. Cette politique est dévastatrice car elle désarme le camp des travailleurs et la majorité de la population. Elle doit être combattue dès maintenant grâce à une opposition de gauche résolue à Hollande-Ayrault et au patronat et la reconstruction d’un mouvement ouvrier organisé sur les bases d’un programme véritablement socialiste.
Par Leila Messaoudi
Paru dans l’Égalité n°163 (oct-nov 2013)