La « France à l’arrêt » le 7 mars, vers une grève générale ?

Depuis le 19 janvier, 6 journées de grève et de manifestations nationales ont rassemblé des millions de travailleurs, de jeunes, retraités dans une lutte formidable contre la casse des retraites. En un mois, la question de l’arrêt total du pays est posée. Cette rapidité fulgurante montre la puissance du mouvement ouvrier et de l’action de grève de masse ! On a la possibilité de mettre une claque à Macron en lui faisant retirer sa loi retraites.

Manifestation du 31 janvier à Paris, place d’Italie (Photo Alain JOCARD)

Toujours 70% des gens sont contre la retraite à 64 ans. Encore une fois, Macron a essayé de nous prendre pour des billes en nous disant qu’on n’avait « pas compris » la réforme. Drapé dans son mépris, c’est lui qui n’a pas compris la profondeur de la colère et de la frustration qui animent le mouvement. Ainsi, plus le gouvernement s’exprime sur la réforme, plus l’opposition grandit !

C’est une lame de fond très politique, car elle porte l’envie, encore grondante, d’en finir avec le règne du petit Macron et tous ses sales coups. Le mouvement a la réforme des retraites comme figure de proue, mais il est porté par la colère contre toute une politique : celle qui fait reculer les salaires, qui détruit les services publics pour les transformer en marchés, qui préfère plonger des millions de personnes dans la misère plutôt de toucher à 1 centime des profits des capitalistes.

Les jeunes sont au chômage (16,9 % des 15-24 ans selon l’Insee) ou précaires, les 25-50 ans ont des boulots insupportables à cause de la charge de travail, du manque de personnel et des petits chefs qui se prennent pour des petits Macron partout, et après on se fait virer parce qu’on est trop vieux et pas assez « rentable ». Mais pendant ce temps-là, les profits record s’empilent : Total a fait 19 milliards de profits, un record, Exxon 56 milliards contre 23 en 2021 (les travailleurs des raffineries grévistes apprécieront !) ; Engie a fait 5,2 milliards d’euros de chiffre (contre 2,9 milliards d’euros en 2021), Capgemini (informatique) 1,55 milliard d’euros, Vinci (autoroutes, construction) 4,26 milliards… mais aussi des entreprises hors du CAC 40, comme Legrand (électrique) qui a licencié dans les années précédentes a dégagé presque 1 milliard de bénéfices, malgré la hausse des prix des matières premières… Il y a le fric pour faire la retraite à 60 ans avec 37,5 annuités, basé sur les 10 meilleures années ; pour embaucher partout dans là où il y a besoin, pour reconstruire l’hôpital, l’éducation, faire les transports en commun gratuits… et pour augmenter les salaires face au coût de la vie !

C’est tout cela qui doit s’exprimer dans la lutte, et qui est indispensable pour élargir le mouvement. La lutte, les grèves, les syndicats doivent traduire tout cela en revendications. Dans nos lieux de travail, lors des heures syndicales ou des assemblées générales de grève, idem sur les lieux d’étude, discutons de nos revendications.

L’unité des syndicats est une force depuis le début. Leurs dirigeants ont été poussés à gauche par la puissance de la lutte et l’intransigeance de Macron, jusqu’à cet appel, soutenu par 6 personnes sur 10, à « bloquer le pays » le 7 mars. Mélenchon et d’autres ont également appelé les commerçants à baisser le rideau, les jeunes à faire grève et à venir manifester. La journée de grève et mobilisation s’annonce déjà énorme.

Comment gagner ?

Tous les syndicats doivent appeler très sérieusement à une augmentation du militantisme des grèves. Des milliers de travailleurs rejoignent les syndicats depuis le début de l’année, qui peuvent ainsi être de vrais militants plutôt que simples adhérents. Ils doivent en appeler à chaque délégué syndical et chaque représentant de discuter avec les travailleurs, à organiser des assemblées sur les lieux de travail et des réunions partout, à discuter des revendications et à impliquer des revendications sur les salaires, conditions de travail etc, pour convaincre le plus grand nombre de participer à la prochaine grève. Des revendications spécifiques à certains secteurs de travail ne s’opposent pas à la lutte toutes et tous ensemble, au contraire, elles peuvent permettre un débat impliquant plus de travailleurs dans la lutte.

Dès le 7 mars, il faudrait des piquets de grève partout, pour discuter, être visibles, pour populariser la grève. Discutons-en dès maintenant. À Paris, des piquets dans des secteurs comme l’éducation vont avoir lieu sous forme « table-café » devant les établissement, un exemple dont on peut s’inspirer : il n’y a pas besoin d’être en usine pour faire un piquet de grève ! Et la même chose pour les étudiants et les lycéens, qui se font vite réprimer en cas de « blocus », mais peuvent faire des piquets un peu comme des barrages filtrants. C’est aussi l’occasion d’avoir des caisses de grève propres aux lieux de travail pour que la perte de salaire ne soit un obstacle pour personne, en particulier les travailleur-ses ayant des petits salaires. Et dans les manifestations, défilons ensemble, en cortèges identifiés, pour montrer notre force collective – jusqu’à présent, les manifestations ont été véritablement massives, en particulier dans les villes moyennes ou petites, mais se sont caractérisées par un faible niveau d’organisation, les gens venant manifester dans leur coin, ce qui permet moins de discuter et de revendiquer.

Reconductible

Face à un Macron intransigeant mais fragile, il faut passer la vitesse supérieure. Il faut se préparer à la possibilité qu’il ne cède pas dès le 7 mars. Certains syndicats ont déjà annoncé un mouvement reconductible. La fédération CGT de la chimie (Fnic) appelle à une grève reconductible à partir du lundi 6 mars au soir ; la RATP appelle, quant à elle, à une mobilisation au moins les 7 et 8 mars ; la CGT Cheminot à un mouvement massif à partir du 7 mars. Ce débat doit se poursuivre car les grèves limitées à 24h ont rarement gagné. Les directions des syndicats doivent d’ores et déjà dire : « Si la loi retraites n’est pas intégralement retirée le 7 mars, alors ce sera le début d’une grève nationale reconductible ». Cela doit être ouvertement discuté en assemblée générale (AG) de grévistes.

Il faut augmenter le niveau d’organisation, de discussion et de revendication de la grève. Voici les revendications que la Gauche révolutionnaire propose de discuter pour construire et élargir la lutte :

  • retraite à taux plein à 60 ans, 55 ans quand c’est nécessaire, après 37,5 annuités
  • augmentation immédiate des salaires, qui doivent au minimum suivre la hausse des prix, au moins 300 euros tout de suite pour toutes et tous
  • aucun revenu sous 1600 euros net
  • baisse massive des prix et leur blocage ensuite
  • un emploi de qualité pour toutes et tous, des moyens massifs pour des services publics de qualité (santé, éducation, transports en commun, aide à la personne…)
  • pour satisfaire les besoins de toutes et tous : expropriation des capitalistes, création de monopoles publics sous le contrôle et la gestion des travailleurs dans les principaux secteurs de l’économie (énergie, transports, distribution, alimentation, finance, etc).

Et le pouvoir il est à qui ?

Une grève générale ne peut avoir lieu sur la simple revendication du « retrait de la réforme des retraites »… même si il en faut une pour obtenir ce retrait. Car la grève générale est un mouvement politique, qui pose une question, qui sera dans l’air le 7 mars : si la classe ouvrière peut arrêter la société, pourquoi ne peut-elle pas diriger la société ? Un mouvement de masse pose cette question du pouvoir : qui dirige la société et dans quels intérêts. Une grève générale ne va pas par son seul mouvement amener toutes les réponses à ces questions.

C’est aussi pour pouvoir discuter de tout cela que les travailleurs ont besoin de leur propre parti, qui puisse organiser et unifier notre camp, pour discuter d’un programme pour réellement dégager les capitalistes et mettre fin à cette société d’exploitation en la remplaçant par une société socialiste démocratique.

Oui, il faudra se débarrasser de Macron et de toute sa clique au service des capitalistes, qui sont minoritaires dans la société et dans ses institutions, et les remplacer par un gouvernement ouvrier né des luttes et des organisations du mouvement ouvrier, de combattant-es travailleur-ses comme la députée Rachel Kéké, « ceux dont on ne parle jamais et qui font tourner la France tous les jours ».

Ce gouvernement devra supprimer le contrôle des capitalistes sur l’économie en nationalisant les principaux secteurs comme l’énergie, la santé, les transports en commun, la grande distribution… Le contrôle et la gestion démocratiques par les travailleurs permettront de répondre aux besoins de tous, et non de satisfaire uniquement les profits de quelques-uns. Assez du capitalisme et des gouvernements à la Macron, luttons pour le socialisme !

Venez discuter et construire la lutte avec nous !

Par Cécile Rimboud