La crise sanitaire a été particulièrement violente en raison de l’état de notre système de santé, affaibli par les différents gouvernements, mais aussi du fait de l’austérité qui touche le secteur de la recherche, en particulier celle non rentable à très court terme. En effet, Bruno Canard (chercheur au CNRS d’Aix-Marseille) et son équipe avaient obtenu des financements pour mener des recherches sur la famille des coronavirus dès 2004, après l’épidémie de SRAS. Mais malgré des résultats prometteurs dès 2006, les financements ont été largement coupés car considérés comme « non rentables ». Un traitement aurait pu voir le jour. Maintenant, on demande aux chercheurs de trouver un traitement rapidement mais la recherche prend du temps et n’est pas compatible avec cette logique court-termiste.
Gestion du covid-19 et intérêts privés
Vu l’absence de traitement, certains essayent de tirer leur épingle du jeu dans le marché. C’est le cas de grands groupes pharmaceutiques comme « Gilead », qui après des essais cliniques rapides a obtenu l’autorisation de commercialiser le « Remdevisir ». Déjà, à la publication de leur « recherche », leur action avait bondi de 16 % à la bourse. On voit bien quel est l’intérêt d’aller vite pour vendre et dépasser les concurrents. On peut faire un parallèle en France, avec le professeur Raoult et la Chloroquine. Ce n’est pas un médicament miracle et il est trop tôt pour dire s’il a un réel effet car les études se contredisent. Le professeur Raoult, qui travaillait déjà sur cet antipaludique, souhaite lui aussi « aller vite » en formulant des conclusions hâtives, probablement pour promouvoir son institut.
La recherche transformée en marchandise
Depuis les années 2000, l’Union Européenne a encouragé le financement privé de la recherche. Par ailleurs, le secteur de l’édition scientifique est quasiment privatisé et contrôlé par quatre grands groupes. En France, tout en menant l’austérité dans les universités, les différents gouvernements ont continué à financer la recherche privée des entreprises, via le Crédit d’Impôt Recherche. La loi sur l’autonomie des universités (2007) a aggravé ce désengagement de l’État. Les patrons et les cadres ont désormais un pouvoir de décision dans les conseils d’administration des universités. Les enseignements doivent avant tout répondre aux besoins des entreprises. Comme dans le privé, les travailleurs de la recherche sont de plus en plus précarisés (contractuels, doctorants sans poste, vacataires auto-entrepreneurs…). Leurs nombreuses mobilisations ont alerté sur les dangers de cette politique de destruction du bien commun dans le secteur de la recherche.
Pour une recherche publique indépendante et démocratique
Pour orienter la recherche vers les besoins de la population, il est nécessaire de revenir à une recherche 100 % publique, indépendante des financements privés et où les travailleurs de la recherche auraient leur mot à dire sur la maîtrise et la « planification » de leur travail. Ils en sont actuellement dépossédés. Cela passe aussi par le fait d’en finir avec la précarité des statuts, par des augmentations de salaires…
Par Louis Matthias