Catalogne. Après la grève générale, à bas le gouvernement de Rajoy !

People gather near the old university of Barcelona, two days after the banned independence referendum in Barcelona, Spain October 3, 2017. REUTERS/Yves Herman
Manifestation monstre à Barcelone lors de la grève générale du 3 octobre 2017. Photo Yves Herman

Continuer la lutte jusqu’à la république socialiste catalane ! Le 3 octobre, la Catalogne a connu une journée historique alors que des millions de travailleurs, de jeunes et de citoyens paralysaient les entreprises, les transports, l’enseignement et l’administration. Ils sont descendus dans les rues pour protester contre la brutale répression policière du 1er octobre et contre les menaces d’une violence accrue contre le peuple catalan de la part du Premier ministre espagnol Rajoy et du Partido Popular (PP).

Déclaration d’Izquierda Revolucionaria (organisation-sœur de la Gauche Révolutionnaire dans l’Etat espagnol); 4 octobre

La possibilité d’obtenir une république catalane grâce à la mobilisation révolutionnaire des masses provoque la panique parmi la classe dirigeante espagnole. Elle sait que cette victoire ouvrirait la voie à la lutte pour la transformation socialiste de la société en Catalogne mais aussi dans le reste de l’Etat espagnol.

La crise politique catalane est devenue la crise de la constitution de 1978, ce qui a motivé le roi Philippe VI à s’adresser à la ‘‘nation’’ dans la nuit du 3 octobre. Le roi allait-il dénoncer les violences de la police et de la garde civile à l’encontre des dizaines de milliers de familles, de personnes âgées et de personnes pacifiques qui désiraient simplement voter? Allait-il exprimer sa sympathie envers les près d’un millier de personnes blessées suite à cette intervention répressive de type franquiste? Le roi allait-il condamner les dirigeants du PP et de Cuididanos qui ont qualifié la grève générale et les énormes manifestations du 3 octobre de ‘‘nazies’’ et ‘‘xénophobes’’, en utilisant un langage de guerre civile ? Le roi allait-il s’opposer à la suspension de l’autonomie catalane ?

Dès le début, nous savions que le roi n’en ferait rien. Comme prévu, la monarchie a soutenu la politique répressive du gouvernement PP en la justifiant comme étant ‘‘la défense de l’état de droit’’.

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Première page du journal d’Esquerra Revolucionaria, notre organisation-soeur en Catalogne.

L’oppression du gouvernement du PP et de l’appareil d’État contre le peuple de Catalogne montre quel est leur véritable ADN. Cela illustre que l’héritage de Franco continue à travers eux. Après le 1er octobre, loin de diminuer, la réaction a intensifié sa propagande nationaliste-espagnole. Elle présente la mobilisation policière (16.000 personnes) et les mesures répressives à venir comme des actes légitimes visant à défendre ‘‘l’état de droit’’.

Mais de quel Etat et de quel droit parle-t-on ? De quels droits dispose donc un gouvernement de corrompus et de voleurs qui a pillé les moyens de la collectivité pour enrichir une minorité ? Comment peut-il faire appel à son autorité pour agir de la sorte ? Cet Etat, c’est celui des banquiers qui ont les mains pleines de milliards d’euros volés. ‘‘L’Etat de droit’’ nous noie dans le chômage massif, la précarité, les bas salaires, la pauvreté et la misère. ‘‘L’Etat de droit’’ né du pacte de 1978 – quand la bourgeoisie espagnole et les dirigeants des organisations de gauche (PCE [parti communiste] et PSOE [parti social-démocrate]) ont accepté de réformer la dictature pour éviter une situation révolutionnaire – a garanti la suprématie de la bourgeoisie par un régime monarchique et parlementaire qui comprenait encore de nombreux éléments autoritaires.

La Constitution de 1978 a cautionné plusieurs choses: un roi imposé par Franco; une loi garantissant l’impunité des crimes de la dictature et de l’appareil d’Etat; le fait que le pouvoir judiciaire, la police et les forces militaires restent aux mains des réactionnaires habituels. Bien sûr, l’économie du ‘‘libre marché’’ et le pouvoir incontesté des capitalistes ont été entérinés tandis que le droit à l’autodétermination a été refusé à la Catalogne, au Pays Basque et à la Galice. La maxime de l’ancienne dictature – Una, Grande y Libre – a été inscrite dans la Constitution.

L’actuel mouvement de masse actuel qui se déchaîne en Catalogne en faveur des droits démocratiques nationaux a placé à l’agenda un point central: le déni que la Catalogne est une nation. Cela a été répété plusieurs fois par la classe dirigeante centraliste et par la droite via la répression ou la simple conquête militaire. La frustration concernant ce sujet est maintenant combinée avec une frustration généralisée face aux conséquences d’années de crise capitaliste, de chômage massif, d’expulsions, d’emplois précaires, de bas salaires et de manque d’avenir pour la jeunesse.
La lutte contre l’oppression nationale et l’oppression de classe sont liées, comme ce fut le cas d’autres fois (en 1909, 1931, 1934, 1936 et 1977), générant un potentiel révolutionnaire qui a défié les formes de domination politique du régime capitaliste espagnol.

La classe ouvrière et les jeunes de l’ensemble de l’Etat doivent comprendre que la cause de la population catalane est également la nôtre. ‘‘Un peuple qui opprime l’autre ne peut jamais être libre’’, a déclaré Karl Marx. C’est pourquoi le mouvement ouvrier tout au long de son histoire a toujours inscrit sur son drapeau la lutte pour l’émancipation nationale et pour l’autodétermination des nations opprimées, dans le cadre de la lutte pour la transformation socialiste de la société.

L’Etat espagnol prépare de nouvelles agressions contre les habitants de la Catalogne

Le 1er octobre, un tournant a eu lieu dans la lutte des classes. Non seulement en Catalogne, mais dans tout l’Etat espagnol. Le gouvernement du PP a révélé au grand jour ses actions répressives, sa faiblesse extrême et son manque absolu de légitimité. Dans les jours qui ont précédé le référendum, ses tentatives visant à mobiliser sa base sociale ont été réduites à quelques manifestations limitées dominées par des éléments fascistes, en chantant Cara Al Sol’ (hymne de la phalange espagnole et symbole du franquisme) et en effectuant le salut fasciste.

Il faut également souligner la complicité des dirigeants actuels du PSOE avec le PP afin de museler les habitants de Catalogne et de les empêcher de se rendre voter le 1er octobre. Le jour-même où des dizaines de milliers de personnes étaient victimes de la violence policière, alors qu’il versait des larmes de crocodile face aux contre les ‘‘accusations de la police’’ sans même oser appeler les choses par leur nom, Pedro Sanchez, le dirigeant du PSOE, a réaffirmé l’inébranlable soutien du PSOE à ‘‘l’état de droit, aux institutions, à la Constitution et à l’intégrité territoriale’’, c’est-à-dire au gouvernement du PP ! Quelle complète faillite politique !

Comme dans tous les grands événements de l’Histoire, c’est l’action directe des masses, leur intervention révolutionnaire, qui a changé toute la situation. La crise du régime politique espagnol est entrée dans une phase explosive. Cette crise atteint le gouvernement du PP, soutenu par les médias réactionnaires, qui a mis en scène un coup d’Etat contre les institutions catalanes, en dissolvant le gouvernement catalan et en mettant fin à l’autonomie catalane. Le PP et Cuidadanos sont prêts à jouer la carte du nationalisme espagnol et à encourager la polarisation dans la société selon des lignes nationales, en utilisant en abondance une démagogie réactionnaire contre la Catalogne et le peuple catalan. Albert Rivera [leader de Cuididanos] considère cette situation comme une occasion en or d’arracher une partie importante de la base sociale du PP et, par conséquent, il appelle à l’application de l’article 155 [qui permet la mise sous tutelle de régions autonomes d’Espagne par Madrid], ferme la porte à toute négociation avec la Generalitat [le gouvernement régional de Catalogne] et veut accroitre la répression. Cette stratégie met beaucoup de pression sur le PP, qui ne peut renoncer à sa base plus réactionnaire et d’extrême droite.

Nous devons répondre par une mobilisation massive. Pour une république socialiste catalane !

La grève générale du 3 octobre a illustré l’énorme force du mouvement. Oui, nous sommes tellement forts que nous avons rendu possible ce qui semblait impossible il y a quelques semaines encore : contrer la répression du PP et remporter la solidarité active des secteurs les plus avancés de la classe ouvrière et des jeunes dans l’Etat espagnol et à travers le monde. Maintenant, nous devons adopter la stratégie adéquate pour atteindre la victoire. Cela nécessite une organisation et un programme révolutionnaire.

Izquierda Revolucionaria appelle la direction de la CUP [Candidature d’Unité Populaire], de Podemos, de Catalunya in Comú et d’ERC [Gauche Républicaine de Catalogne] à construire un front combatif de gauche reposant sur les comités de défense du référendum (CDR) et sur toutes les organisations qui ont émergé ces dernières semaines en Catalogne. Des ‘‘comités pour la république’’ devraient être construits sur tous les lieux de travail et être coordonnés pour défendre une alternative des travailleurs – internationaliste et révolutionnaire – pour animer le mouvement de masse avec des actions de plus en plus audacieuses et massives. Le front des organisations de gauche doit maintenir une politique d’indépendance de classe et rompre toute allégeance à la bourgeoisie nationaliste (le PDeCAT et Carles Puigdemont, président de la Generalitat de Catalogne).

Nous ne pouvons pas oublier que même s’ils souffrent actuellement de l’attaque réactionnaire du PP, ces politiciens ont appliqué de sauvages coupes budgétaires antisociales qui ont causé des souffrances immenses. Ils défendent leurs propres privilèges et leurs propres intérêts de classe très concrets: ceux de l’élite économique. Nous ne pouvons pas exclure que ces dirigeants bourgeois trahissent les aspirations des gens comme ils l’ont déjà fait dans le passé et qu’ils acceptent un accord qui leur soit bénéfique avec l’Etat et le gouvernement du PP.

La gauche qui lutte, le mouvement des travailleurs et les syndicats ouvriers de Catalogne doivent construire ce front de gauche et offrir une solution qui repose sur les intérêts des opprimés dans cette crise révolutionnaire. Cela signifie d’approfondir et d’étendre le combat, de préparer une grève générale illimitée sur les lieux de travail pour résister à toute action répressive violente de l’Etat, pour repousser les forces répressives d’occupation et pour conquérir une république catalane avec un gouvernement de gauche.

Ce gouvernement de gauche devrait immédiatement appliquer un programme visant à résoudre les graves problèmes auxquels est confrontée la population : le fin des coupes budgétaires, la garantie d’un enseignement et de soins de santé publics et de qualité, la création de millions d’emplois avec un bon salaire et de bonnes conditions de travail, la fin des expulsions de logements et l’instauration d’un plan de construction de logements sociaux publics. Ce gouvernement devrait faire face à la dictature des grandes puissances économiques en nationalisant les banques et les grandes entreprises afin de les placer au service des besoins de la majorité de la société.

Une république catalane gagnée par l’action révolutionnaire des masses impliquerait nécessairement de lutter contre le PDeCAT et Puigdemont de même que contre toute l’oligarchie politique et économique qui a ordonné à la Catalogne d’appliquer des politiques néolibérales similaires à celles du PP tout en ouvrant la voie à la lutte pour une république socialiste en Catalogne et une république socialiste fédérative basée sur l’union libre et volontaire des peuples et des nations qui constituent actuellement l’Etat espagnol – cela gagnerait la solidarité active des masses opprimées d’Europe et du monde entier.