Le 4 octobre dernier, les salariés de l’automobile de Ford-Blanquefort, manifestaient au salon de l’automobile à Paris. Quelques jours, le 8 octobre précisément, c’est à l’appel de la fédération CGT de la métallurgie, que les salariés de la filière se mobilisaient aussi au salon de l’auto. Leurs sujets de mécontentement légitime ? La réduction d’activité, les poursuites des délocalisations et des fermetures de sites, les licenciements et la dégradation sans précédent des conditions de travail… Et cela malgré les milliards d’aides publiques dont les patrons et les actionnaires ont bénéficié entre 2008 et 2012, en particulier sous forme de prime à l’achat, et dont ils continuent de bénéficier au même titre que les autres patrons dans le cadre du CICE et bientôt du pacte de responsabilité.
Pourtant le 30 septembre, alors qu’il faisait une visite au siège parisien de PSA, le tout nouveau ministre ultralibéral de l’économie – Emmanuel Macron – affirmait sans sourciller qu’« il y a eu beaucoup de pertes sur le secteur automobile dans les dernières années, je crois pouvoir dire aujourd’hui que c’est terminé ». Il ajoutait à son laïus que « l’automobile française, comme l’automobile européenne a eu à faire face à ce qu’on appelle des surcapacités. Il y avait trop de bases installées en Europe (…) Notre souhait, c’est que la base installée demeure, et qu’on trouve l’organisation optimale pour ne plus sacrifier d’emploi »…
Pour ce qui est des « conditions optimales », qu’il se rassure les patrons de l’automobile s’y emploient depuis de mois avec des réorganisations du travail. A PSA, le Nouveau Contrat Social (NCS), signé en 2013 par FO, la CFTC, SIA (syndicat pro-patronal interne à PSA) et la CGC, « garantirait » la pérennité de sites en France jusqu’en 2016 (oui, mais après ?!). Mais en contrepartie, il impose le gel des salaires en 2014, la modération des primes, une diminution de la majoration des heures supplémentaires de 45% à 25%, l’annualisation des RTT dont certaines deviennent à la main de l’employeur et le remplacement d’emplois seniors par des contrats en alternance (donc sous-payés).
Merci qui ? Merci Hollande et sa loi sur la sécurisation de l’emploi issu de l’accord national interprofessionnel de janvier 2013 (ANI) qui permet aux patrons de faire légalement du chantage à la baisse des salaires et à la dégradation des conditions de travail en contrepartie du maintien de l’emploi !
Pour le reste, ils ont bien dû rigoler les patrons et en premier lieu Carlos Tavares – le PDG de PSA – puisque après le site d’Aulnay fermé fin 2013, c’est aujourd’hui le site de Rennes et celui de Poissy (où ont été reclassés une partie des salariés d’Aulnay) qui sont sur la sellette… mais certainement pas avant 2016, juré-craché sur le NCS !
D’ailleurs ce dernier, interrogé sur d’éventuelles embauches dans son groupe, l’air de rien s’est permit de contredire le ministre lors de sa visite en renvoyant la création d’emploi à la compétitivité, puisque selon lui « l’emploi est la conséquence de notre compétitivité ». L’Europe et le monde s’enfonçant jour après jour dans le marasme économique, il y a peu de chance que l’achat de voitures neuves, en particulier en France, connaissent une envolée susceptible de modifier la stratégie des constructeurs automobiles et une amélioration de l’emploi ainsi que des conditions salariales et de travail dans ce secteur.
En réalité, les grandes manœuvres (fermeture de site, délocalisation, rachat-fusion-acquisition) dans la construction automobile n’est pas prête de finir. C’est ainsi que le constructeur indien Mahindra a prit 51% des parts de la filière scooter de PSA. Au début de cette année, le constructeur automobile chinois Dongfeng et l’Etat français sont entrés dans le capital de PSA (14,1% chacun, part équivalente à celui de la famille Peugeot).
C’est aussi ainsi que Renault vient d’ouvrir un site, détenu à 51% par l’Etat Algérien et à 49% par Renault, qui produira la renault Symbol (ou Thalia) qui est la voiture low-cost du constructeur – l’équivalent des Dacia Logan mais sous logo Renault. Evidemment, la main d’œuvre moins chère et les droits du travail moins développé en Algérie permettront de faire plus de profit. Si dans un premier temps le marché algérien et africain est visé, la proximité avec l’Europe et la France permettra le cas échéant d’inonder aussi ce marché… et de fermer des sites en Europe.
C’est un peu la même logique qui a poussé les pilotes de lignes d’Air-France à mener leur grève contre la création d’une filiale low-cost basé au Portugal, permettant à terme de concurrencer la maison-mère avec des salariés aux contrats de travail également low-cost.
Cette inauguration s’est faite en grande pompe, avec la présence de deux ministres : le ministre des affaires étrangères – Laurent Fabius – et le ministre de l’économie – Emmanuel Macron – encore lui qui ne manque décidément pas de toupet : dire une chose en septembre et participer en novembre à une inauguration qui contredit ses paroles.
Derrière la question de la surcapacité de production se dissimule en réalité la profitabilité de l’entreprise, sa capacité à réaliser des profits ; produire sans espérer vendre la marchandise (et ainsi réaliser la plus-value incorporée dans la marchandise par le travail) n’est pas du goût des capitalistes. Réaliser des profits entre autre pour alimenter les dividendes des actionnaires toujours plus gourmand nécessitant un taux de profit acceptable des investisseurs, est une nécessité.
D’ailleurs, PSA vient d’inventer le chômage fiscal ! Les impôts sur les sociétés des entreprises de l’automobile sont calculés en fonction du nombre de voiture en stock. Alors pour payer moins d’impôts, PSA a imposer en octobre 5 jours de chômage technique afin de cesser la production, diminuer les véhicules attendant sur les parkings des constructeurs et par conséquent baisser leurs impôts ! Bien évidemment, cela entraine une baisse des salaires pris en charge partiellement par les dispositifs publics. C’est un double bénéfice pour l’entreprise : elle paye moins d’impôts et moins de salaires ! Il est d’ores et déjà prévu que PSA renouvelle l’arnaque au mois de novembre.
Si on les laisse faire, dans l’automobile comme dans n’importe autre secteur de l’économie, ce sont les travailleurs ici ou là-bas qui payeront le coût du capital. Alors contre les licenciements, les bas salaires et les conditions de travail déplorable imposons la nationalisation, sans compensation ni rachat, sous contrôle des ouvriers de l’industrie automobile et des principaux secteurs de l’économie!
Yann Venier