Grève à Radio France : « une attaque de l’ultralibéralisme contre la culture »

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Assemblée générale du personnel de Radio France

Depuis près de trois semaines, on n’entend, sur les ondes des stations de Radio France, que des bribes d’information, de la musique. La grève, une nouvelle fois reconduite jusqu’à mardi, et pourrait bien durer encore ; le SNJ (syndicat national des journalistes) s’est (enfin) joint à l’appel à la grève le 31 mars et la direction de la radio autant que le ministère de la Culture se moquant bien des revendications du personnel.

Le 4 avril, des salariés en grève ont organisé une rencontre avec les auditeurs en soutien à la grève à Paris et pour expliquer les raisons de leur mouvement. Une petite centaine de personnes, les grévistes, plein de colère, les auditeurs, plein de question.

« Soyez rentables ! »

Fort justement, c’est contre la direction de Radio France, une bande de « comptables », qui « n’y connaissent rien à la radio », que la colère était tournée. « Faire de la belle radio, ils n’en ont rien à cirer ». La direction veut faire des « économies » à hauteur de 17 à 24 millions d’euros. Alors même que Mathieu Gallet a fait refaire son bureau pour plus de 100 000 € et qu’on a récemment appris qu’il payait 90 000 € par mois son conseiller en comm’. On se moque du monde.

Des grévistes nous ont également parlé de nombreux autres cas de gâchis d’argent public. Un exemple assez parlant est l’externalisation de toute la documentation à Aubervilliers. Depuis un an, les documentalistes du Chœur, de la Maîtrise, des Orchestres national et philharmonique, qui doivent par exemple fournir toutes les partitions à la demande, souvent sur des délais assez courts lors de changements de programmes ou autres, doivent faire appel, trois fois par jour, à un service (privé) de coursiers pour récupérer les documents dont ils ont besoin : un beau gaspillage, sans compter le stress pour les documentalistes qui n’en peuvent plus.

Un technicien son, qui déplorait avec humour la mauvaise sonorisation du petit théâtre (gentiment prêté pour l’occasion) où la réunion avait lieu, nous a parlé de leur nouveau camion son, un semi-remorque transformable en studio d’enregistrement et de diffusion, qui a été entièrement fabriqué pour Radio France, avec les techniciens, et qui est « le meilleur de France, sinon d’Europe voire du monde » en terme de qualité sonore. Ce camion, qui a coûté deux millions d’euros, mais qui les « vaut largement », n’est pourtant sorti qu’une fois par mois « alors qu’il pourrait couvrir trois concerts par semaine », pour la frime, par exemple lors des petits défilés de mode qui ont lieu sur le parking de Radio France quand Gallet le loue à des entreprises privées (et qu’il demande à tout le monde de dégager le parking pour faire bien). On pourrait citer d’autres exemples. En nombre.

« La hiérarchie, elle ne s’intéresse pas à la Culture ».

Comme le disait un intermittent venu en solidarité avec la grève, tout comme eux-mêmes avaient bénéficié de soutiens parmi les travailleurs du service public pendant leur mouvement de l’été dernier, « cette réforme, elle est purement idéologique ». Il s’agit d’argent, certes. Force est de constater que si Radio France fonctionnait en fonction des besoins des gens qui y travaillent, qui savent et ne veulent qu’avoir les moyens de faire leur boulot correctement et ce qu’il faudrait, il y aurait déjà beaucoup moins d’argent qui serait ainsi gaspillé de manière absurde. D’ailleurs, les travailleurs ont bien dit qu’ils n’étaient pas opposés – au contraire, s’agissant tout de même d’argent public – à une direction qui ferait attention à la manière dont l’argent était dépensé.

Mais la question est bien de savoir si une direction, comme la direction actuelle, veut travailler pour faire de la « belle radio », comme tous les travailleurs de Radio France. Quand un producteur dit qu’il a besoin de 40 heures dans son studio pour mixer son documentaire, c’est pour faire un beau documentaire. Pas pour faire du pognon. La direction actuelle, elle veut que tout soit « rentable ». Par rapport à quoi, par rapport à qui ? Est-ce qu’on veut vraiment d’un service public à la NRJ ou à la Fun Radio ? Une radio de service public, elle doit faire de la culture, de l’information, pas de la comm’ ou de la pub. Il y faut « des intellos, mais il y faut des gens du peuple, des gens qui luttent ». La radio publique, de doit être la vraie radio populaire, la culture indépendante du business. C’est tout le sens du combat qui est mené aujourd’hui.

Soutenons, participons à la grève

La dernière réunion de samedi n’a donc absolument rien donné. La délégation des personnels a passé littéralement trois heures à attendre un Gallet qui ne s’est jamais pointé, pour finalement avoir un texte dit « de négociations » de la part de la direction avec deux ou trois mots changés, « comme d’habitude » : « la direction se fout de la gueule des salariés ». Cette grève, la plus longue de l’histoire de Radio France, mérite absolument tout notre soutien. Car c’est aussi toute la politique de casse des services publics, qui dure depuis des décennies, à laquelle cette grève s’oppose.

La politique de rentabilisation, de profitabilité, elle détruit la Culture, l’Éducation, les transports. Elle jette des milliers de travailleurs dans la précarité, au chômage, elle vise à faire de tout un marché juteux sur lequel les grosses entreprises privées pourront faire des profits et exploiter durement les travailleurs. On n’en veut pas, on n’en peut plus de cette logique-là. Il est temps d’y mettre un coup d’arrêt. Le 9 avril, journée de grève interprofessionnelle contre la politique du gouvernement, pour l’emploi et les salaires, est l’occasion de l’affirmer avec force. Radio France y sera présent en force. Nous aussi, faisons grève, manifestons, tous ensemble, public ou privé, chômeur ou salarié, jeune ou vieux et disons stop : de vrais services publics, de vrais emplois pour tous !

Que faire pour soutenir la grève ?

  •  Mardi 7 avril, il y aura une manif qui partira de 14h de la maison de la Radio pour rejoindre le ministère de la Culture, devant lequel un rassemblement aura lieu à 17 heures. La Gauche Révolutionnaire y appelle, et y sera présente pour apporter son soutien et discuter des suites.
  • Les grévistes ont mis en place un numéro de téléphone avec un répondeur : le 01 56 40 69 72. On peut y laisser des messages de soutien, à partir desquels une émission spéciale sera réalisée et diffusée sur internet (et, les grévistes l’espèrent, sur les ondes de Radio France).
  • Signer la pétition en ligne
  • Suivre et partager le blog de lutte, mis à jour quotidiennement, « Le meilleur des ondes », ainsi que les pages Facebook et Twitter associées, poster vos messages de soutien sur les réseaux sociaux avec le hashtag #GreveRF
  • Participer à la caisse de grève : envoyer vos chèques de soutien à l’ordre de CCE radiofrance dons, à l’adresse suivante : au CCE de Radio France, 116 avenue du Président Kennedy, 75220 Paris cedex 16

Par Cécile