Le référendum grecque de ce dimanche a vu la classe des travailleurs donner une réponse cinglante aux tentatives de la Troïka / des institutions européennes de la faire chanter pour qu’elle accepte encore plus d’austérité afin de rester dans la zone euro. Lors du référendum du dimanche 5 juillet, 61,5% ont voté en faveur du NON (aux exigences des dirigeants de l’eurozone) et à peine 38,5% en faveur du OUI tant prôné par Bruxelles. La campagne pour le «OUI» a été menée en Grèce par la classe dirigeante, les médias de masse, les institutions européennes et la classe dirigeante internationale. Mais le «NON» a gagné partout dans le pays.
Les résultats ont montré que, dans toutes les zones de Grèce, l’énorme majorité de la société a voté «NON». Selon un sondage, 85% des jeunes en dessous de 24 ans ont voté NON, tout comme 71 % des travailleurs du secteur privé et du secteur public, 72% des sans-emplois et 87,3% des électeurs de Syriza. 86,9% des électeurs du KKE (Parti Communiste Grec) ont votés NON en dépit de la position sectaire adoptée par les dirigeants du KKE, qui ont décidé de s’abstenir dans cette bataille historique de la classe des travailleurs grecs contre la classe dirigeante et l’élite européenne. Un nombre important de petit commerces et d’autres représentants de la «classe moyenne» ont également voté «NON».
La propagande pour le «OUI» était sans précédent. Cette pression a été aidée par de terribles erreurs faites par le gouvernement grec dans les prétendues «négociations» de ces dernières semaines, qui ont conduit à la fermeture des banques grecques au moment du référendum. Cela a été utilisée comme instrument de pression de la part de la classe dirigeante et des institution européennes dans leur tentative de terroriser les travailleurs grecs et la jeunesse pour qu’ils votent en faveur du «OUI». Sans résultat.
Avec ce résultat au référendum, le premier ministre grec Alexis Tsipras a reçu un mandat immensément puissant. Cependant, la manière avec laquelle Tsipras a utilisé ce mandat jusqu’à présent peut causer de grands problèmes. La première mesure de Tsipras a été de demander au président grec de convoquer un «conseil national» des dirigeants des principaux partis (excepté la parti néonazi grec Aube Dorée) au nom de l’«unité nationale». La seconde fut de demander à Yanis Varoufakis, le ministre des finances, de démissionner de son poste de ministre des finances afin d’apaiser les créanciers de la Troïka. Ces mesures ne sont pas celles que les masses grecques attendaient du mandat de Tsipras et de Syriza.
Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) a compris la signification historique de ce référendum et s’est battu en faveur du «NON». Xekinima a distribué plus de 100.000 tracts en 5 jours et a vendu 2.700 exemplaires de l’édition spéciale de son journal produite pour le référendum. Xekinima a également produit des pancartes et des banderoles pour les manifestations en faveur du «NON» et a fait une grande campagne dans les médias sociaux.
Le texte qui suit est un éditorial posté ce lundi sur le site web de Xekinima, accompagné d’articles consacrés à plusieurs aspects du «NON» au référendum.
D’un côté se trouvaient les travailleurs, les pauvres et les jeunes. De l’autre, la classe dirigeante grecque et ses médias de masse, avec les représentants de la Troïka : Schauble, Deisenbloom, Sultz etc. Les partisans du «OUI» ont été au-delà de tous les excès de propagande réactionnaire et mensongère, étalant mensonges et cynisme. Ils ont outrepassé toutes les lois concernant les campagnes électorales dans les médias de manière ostentatoire et provocante, en exposant leurs propres positions sans la moindre tentative d’objectivité la semaine ayant précédé le référendum. Les classes dirigeantes du monde entier ont elles aussi essayé de terroriser les électeurs afin de pousser la classe des travailleurs grecs a voter «OUI».
Mais les travailleurs grecs, les sans-emplois et les pauvres ont répondu avec un message cinglant : «nous n’avons pas peur de vous et nous ne courberons pas l’échine!»
Un «NON» de classe
Ce «NON» était un non clairement basé sur la classe sociale des travailleurs. Il s’agit d’un NON issu de toutes les couches de la société grecque, mais surtout des travailleurs, des pauvres et de certaines sections de la classe moyenne contre le «OUI» des riches grecs et des capitalistes.
Il s’agissait d’un vote contre le «OUI» du président de la république grecque Pavlopoulos, contre le parti «à la mode» La Rivière, contre la horde d’«experts», de «spécialistes», d’«économistes» et de «professeurs». Il s’agissait aussi d’un vote contre le OUI de la droite, des journaliste pro-establishment, de ces quelques un qui se filmaient en pleurant à la télévision autrichienne sur les périls de se retrouver hors de l’eurozone. Mais non n’avons pas vu ces mêmes journalistes pleurer pour les conditions de vie qui ont été imposées à la Grèce ces quelques dernières années avec la profonde austérité. Nous ne les avons pas vu pleurer pour ceux qui travaillent 8 ou 10 heures par jour pour n’être payés que 3 ou 5 heures de leur journée, ou bien pour les pensionnés qui reçoivent un 300 ou 400 euros par mois.
Un «NON» International
Le puissant NON a également fait aux espoirs de millions de travailleurs à travers l’Europe inspirés par la lutte des travailleurs grecs. Beaucoup d’entre eux résistent également à leurs propres classes dirigeantes. 250 manifestations et rassemblements ont eu lieu à travers l’Europe en solidarité avec les travailleurs grecs les trois jours autour du référendum. Il n’y a tout simplement pas de précédent dans l’histoire contemporaine pour cela, que ce soit en Grèce ou ailleurs en Europe.
Une fois de plus, il a été absolument clair qu’il existe deux «Europe». D’une part celle des riches, des multinationales et de l’Eurogroupe. D’autre part celle des travailleurs, des chômeurs, des pauvres et de la jeunesse! « Notre » Europe est la seconde – et seulement celle-là!
Passer à la vitesse supérieure
Le «NON» a envoyé un message de résistance très fort à travers toute l’Europe et le monde entier, comme c’était le cas dans les années précédentes avec les travailleurs vénézuéliens, le peuple Bolivien et le reste des peuples d’Amérique centrale et latine. Ce vote massif en faveur du «NON» est lié à des développements politiques majeurs – un processus de radicalisation de la classe des travailleurs et des jeunes – que nous avons vu dans nombre de pays industrialisés récemment, particulièrement en Espagne, en Irlande et même aux USA.
Ce vote est une victoire qui ouvre de nouveaux processus et pousse sur le devant de la scène le combat des travailleurs en Europe et internationalement et favorise de nouvelles luttes de classe. Le vote de ce dimanche a aussi assisté le processus de création de nouvelles formations de gauche.
Un clair démenti pour un compris
La victoire du «NON» illustre aussi combien est fausse, irréaliste et passéiste l’argumentation de certains à gauche qui insistent sur les politiques de «rupture» avec la troïka et qui affirment que les combats de masse vont isoler la gauche du reste de la société. Ce dimanche, c’est tout le contraire qui a été démontré.
Le plus grand soutien que SYRIZA ait jamais reçu, avant et depuis qu’il gouverne, a été durant ce référendum. Que l’on se souvienne de cela lorsque les «réalistes» qui vont sans aucun doute revenir à la surface essayeront de faire passer leur lecture de ce qui doit être fait.
Le gouvernement SYRIZA prend bien note
Mais le gouvernement SYRIZA doit aussi prendre note des résultats de dimanche. Ils ont commis des concession inacceptables à la Troïka avant le référendum. Ils ont accepté de faire des coupes budgétaires à hauteur de 8 milliards d’euros (sur 18 mois) afin de parvenir à un compromis avec des ennemis déterminés du peuple grec et des peuples d’Europe.
De part en part, le gouvernement grec a, à la fin, été piégé et c’est à la dernière minute qu’il a réalisé que le véritable but de la Troïka était de ridiculiser et d’humilier SYRIZA et de causer la chute du gouvernement grec. Ce n’est qu’à partir de ce moment là que le gouvernement grec a décidé de se tourner vers le peuple et de demander son soutien.
Bien sûr, les travailleurs grecs ont défendu le gouvernement dans cette bataille. Les masses grecques l’ont fait de manière si merveilleuse que ni le ministre de droite allemand Schable ni le reste du gang des créanciers de la Troïka, et pas même le gouvernement grec lui-même, n’auraient pu l’imaginer.
Plus d’illusion dans l’Eurozone des capitalistes et des patrons
Le gouvernement grec répondra-t-il aux attentes du peuple grec ? Ou bien va-t-il continuer à entretenir des illusions envers ses prétendus «partenaires» et les diverses institutions ? Va-t-il se démarquer avec son mandat du «NON» en refusant de revenir sur ses promesses de électorale (le programme de Thessalonique) ? Ou est-ce que SYRIZA va accepter un nouveau Memorandum et plus d’austérité afin de rester au sein de la zone euro ?
La vérité est qu’il est impossible pour SYRIZA de respecter ses promesses électorales en restant dans le système capitaliste et l’eurozone des patrons.
Dans la course au référendum les «partenaires» Européens (comme les armateurs et les grands banquiers) ont montré leur caractère véritable, rude, inhumain et cynique. Est ce que la direction de SYRIZA et du gouvernement pensent que ces «partenaires» de l’Union européenne peuvent soudainement changer et devenir socialement sensibles au peuple grec ?
Est ce que Tsipras pense qu’en convenant d’un conseil national des principaux dirigeants politiques du pays et en licenciant Varoufakis parce que la Troïka l’a exigé, il serait en mesure d’apaiser la Troïka ?
Non, les créanciers de la Troïka ne serons pas satisfaits ! En posant de tels actes, la seule chose que Tsipras peut faire, c’est envoyer des messages négatifs qui vont décevoir les Grecs qui ont mené campagne pour le «NON». Les travailleurs et les jeunes se sont battus contre les créanciers et contre l’austérité et non en faveur de l’euro, comme le disent la classe dominante et de grandes sections de la direction de SYRIZA.
Si le gouvernement grec essaye de parvenir à un nouvel arrangement avec la Troïka sur base d’un nouveau Memorandum destiné à satisfaire ses exigences, le gouvernement tournerait inévitablement le dos aux désirs du peuple grec exprimés par le massif «NON» du référendum. Il n’a pas le droit ou bien le mandat de prendre de telles mesures.
Xekinima appelle SYRIZA a être consistant avec ses promesses préélectorales et anti-austérité, en rompant avec l’austérité tout en adoptant un programme socialiste.
Ceci inclus le refus de payer la dette ; l’imposition de contrôles sur les flux de capitaux ; l’instauration du monopole d’Etat sur le commerce extérieur; la nationalisation des banques et des secteurs-clés de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs; le renversement de la politique d’austérité en assurant à chacun un bon travail, des revenus décents, la gratuité des soins de santé et de l’enseignement. Il faut planifier démocratiquement l’économie pour qu’elle serve les besoins du peuple et non ceux des profits des capitalistes. Cette réorganisation socialiste de la société devrait voir la fin des crises économiques, de la pauvreté endémique, du chômage et de l’émigration forcée.
Afin de parvenir à ce but, il est essentiel de construire une politique de classe indépendante au sein et à l’extérieur de SYRIZA. A la suite des rassemblements de masse de la semaine dernière à travers toute la Grèce, il faut approfondir et étendre la participation active des travailleurs et des jeunes dans la lutte contre la Troïka et pour une alternative socialiste. Cela signifie que des assemblées populaires et des comités de base doivent être établis sur les lieux de travail et dans les quartiers.
Le gouvernement devrait aussi appeler les travailleurs et les jeunes à travers toutes l’Europe à se battre ensemble contre l’austérité et pour une Europe socialiste.