Grèce. Le temps presse pour SYRIZA

tsipras_juin_01Les travailleurs et les pauvres n’ont pas à subir de nouvelles mesures d’austérité calamiteuses
Un «Grexit» se profil-t-il à l’horizon? Récemment, la Grèce a semblé faire un pas de plus en direction du défaut de paiement de sa dette publique et sur la voie de sa sortie de la zone euro. Athènes tente depuis un bon moment de parvenir à un accord avec l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international (la Troïka, dorénavant appelée «Institutions») pour avoir accès à plus de 7 milliards d’euros de renflouement. La Grèce étant en manque d’argent, elle a besoin d’obtenir de nouveaux fonds d’ici la fin du mois de juin pour éviter un défaut de paiement. Mais ses créanciers ont mis des conditions véritablement draconiennes pour tout accord (qui signifient d’instaurer de nouvelles mesures d’austérité), ce que le gouvernement de gauche Syriza a, jusqu’ici, refusé d’accepter.

Article de Niall Mulholland, publié le 10 juin dernier à partir de l’hebdomadaire The Socialist n°859, publication de nos camarades du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

La Troïka a exigé d’opérer des coupes dans le budget des retraites, de réaliser de nouvelles privatisations, une ‘réforme’ du marché du travail, une augmentation de la TVA et d’autres attaques contre une sécurité sociale déjà aux abois. Les contre-propositions émises par le Premier ministre grec, Alex Tsipras, ont été catégoriquement rejetées par la Troïka. L’attitude hautaine et néocoloniale de cette dernière a provoqué le gouvernement grec à déclarer qu’il ne n’allait pas verser les 300 millions d’euros qu’il devait rembourser pour le 4 juin. Au lieu de cette date, la Grèce verserait ce montant ainsi que d’autres dus au FMI plus tard dans le mois.

D’intenses tensions

Illustrant les tensions qui existent entre la Troïka et le gouvernement grec, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a lancé une attaque verbale furieuse contre Tsipras au début du sommet du G7 qui s’est tenu en Allemagne. Tsipras est mis sous une pression immense de la part des élites dirigeantes et des ‘marchés’ internationaux pour conclure un accord avec la Troïka alors qu’il fait parallèlement face à la colère de l’opposition à toute nouvelle mesure d’austérité qui vit parmi la classe des travailleurs grecque et chez l’aile gauche de SYRIZA.

Aujourd’hui, un tiers des Grecs vit déjà officiellement sous le seuil de pauvreté (la réalité est plus proche des 50%) et le ménage grec moyen a perdu 40% de ses revenus depuis 2010.

Tsipras et la Troïka se disputent concernant la taille que devrait avoir l’excédent budgétaire des autorités grecques. Mais en tenant compte du paiement des intérêts, la dette publique est tout simplement impayable. Le montant de celle-ci équivaut à 175% du revenu national (PIB).

Une croissance? Quelle croissance?

Pourtant, les idéologues néolibéraux égarés dans les institutions de l’Union européenne insistent sur le fait que l’économie grecque peut croître de près de 3,5% en moyenne pour chacune des cinq prochaines années, ce qui réussirait à faire revenir la dette à 120% du PIB. Il serait alors possible, selon leur théorie fantaisiste, que la Grèce se tourne à nouveau vers les marchés financiers pour emprunter de l’argent, en dépit d’une économie une nouvelle fois ravagée par de nouvelles coupes budgétaires imposées par la Troïka.

Le journaliste de la BBC Robert Peston estime de son côté que, même sur base des prévisions de croissance absurdes de la Troïka, il faudrait cinquante années d’austérité pour que la dette publique grecque retombe à des niveaux «soutenables». Même le FMI, réalisant à quel point cette position est absurde, aurait fait pression dans le passé pour une radiation partielle de la dette de la Grèce.

Mais cela a fortement été contesté par les puissances de la zone euro, par l’Allemagne en particulier, qui craignent qu’un allégement de la dette entraîne d’autres pays endettés – comme le Portugal, l’Espagne et l’Irlande – à exiger un traitement similaire.

Lors du sommet du G7, le président américain Barack Obama a appelé à un «compromis» entre l’UE et la Grèce, mais en précisant qu’Athènes aurait à faire «des choix politiques difficiles». Washington craint que la sortie de la Grèce de la zone euro ait des répercussions néfastes sur une économie mondiale anémique.

La Maison Blanche (mais aussi l’Allemagne et d’autres puissances européennes) craint également que le régime de Poutine saisisse l’occasion pour accorder une aide financière à la Grèce et user de son influence sur des membres de l’OTAN pour gêner les puissances occidentales.

‘Grexit’

Un «Grexit» est une possibilité réelle, que cela soit par «accident» ou volontairement. Sous l’immense pression de la classe des travailleurs grecque, qui souffre depuis longtemps de l’impact des politiques antisociales, le gouvernement Syriza pourrait décider de refuser les nouveaux diktats de la Troïka et se retrouver ainsi jeté hors de la zone euro.

Anticipant cette possibilité, l’agence de notation Moody a annoncé une perte de 5 milliards d’euros des dépôts des banques grecques en mai. Elle s’attend à ce que la ruée sur les banques conduise à des contrôles de capitaux.

Un Grexit mettrait un terme à l’austérité imposée de l’extérieur et permettrait au gouvernement grec de dévaluer sa monnaie et de radier une grande partie de sa dette. Exporter reviendrait ainsi meilleur marché, c’est vrai, mais les importations coûteraient par contre plus cher, ce qui aurait un effet négatif sur l’épargne et les conditions de vie de la population ordinaire. En restant au sein des limites du système capitaliste, un Grexit ne résoudrait aucun des problèmes fondamentaux auxquels sont confrontées l’économie et la société grecques.

En dépit du fait que les puissances de la zone euro estiment être mieux préparées à l’éventualité d’un Grexit par rapport à il y a quelques années, elles restent inquiètes quant aux conséquences politiques possibles : «l’intégration européenne» et l’orthodoxie austéritaire seraient confrontées à de graves revers.

A moins que Tsipras ne se plie complètement aux exigences de la Troïka, avec des conséquences désastreuses pour SYRIZA, il est encore possible que la Grèce et la Troïka parviennent à la conclusion d’un nouvel accord «truqué» impliquant la révision à la baisse des exigences antisociales des créanciers et le versement de nouveaux fonds à Athènes pour faire face aux remboursements de la dette, avec même la possibilité d’un «oubli » d’une certaine partie de la dette.

Aucun trucage!

Tsipras a menacé de soumettre ce genre d’accord à un référendum ou à convoquer de nouvelles élections. Mais pour les travailleurs et les pauvres, il ne peut y avoir le moindre trucage à propos de l’effet désastreux de toute nouvelle mesure d’austérité. Au sein de ce système capitaliste en pleine faillite, la grande majorité de la population grecque devra faire face à des difficultés sans fin, que cela soit au sein ou en dehors de la zone euro.

Xekinima (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce et section-sœur du PSL) appelle SYRIZA à être cohérent avec ses promesses électorales anti-austéritaires et à rompre avec l’austérité en adoptant un programme de type socialiste.

Cette approche inclut de refuser de rembourser la dette publique; d’instaurer un contrôle sur les flux de capitaux ainsi que le monopole d’Etat sur le commerce extérieur; de nationaliser les banques et les secteurs fondamentaux de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs; de créer de l’emploi pour tous avec de bons salaires; d’instaurer un accès gratuit à des soins de santé de qualité, à l’enseignement et de renforcer considérablement la sécurité sociale. Une planification de l’économie basée sur la satisfaction des besoins de la population et non sur la soif de profits des capitalistes – une réorganisation socialiste de la société – mettrait un terme aux crises économiques, à la pauvreté, au chômage et à l’émigration forcée.

Pour y parvenir, il est essentiel de renforcer une ligne de politiques d’indépendance de classe à l’intérieur et à l’extérieur de SYRIZA. Cela signifie concrètement la création d’assemblées populaires et de comités d’action impliquant la base des travailleurs sur les lieux de travail et dans les quartiers.

La participation active de la classe des travailleurs et des jeunes dans la lutte contre la Troïka pour une alternative socialiste est essentielle. Cela ferait appel à l’imagination des travailleurs et des jeunes à travers l’Europe pour combattre l’austérité et lutter pour une Europe socialiste démocratique.