Les travailleurs américains ont besoin d’une alternative aux deux partis politiques corporatistes. Nous devons construire une opposition au soutien des administrations Biden/Harris et Trump à la guerre à Gaza, à la crise du coût de la vie, et aux attaques contre les droits des travailleurs et des immigrés. Bien qu’il prétende s’opposer aux attaques de la Cour suprême et de l’administration Trump contre les personnes LGBTQ+ et les femmes, le Parti Démocrate n’a réussi à mettre en place aucune protection nationale pour l’un ou l’autre de ces groupes.
Ni les Républicains ni les Démocrates ne prévoient d’inverser le budget militaire massif et en constante augmentation, ni l’invasion, l’occupation et la poursuite du génocide à Gaza. En outre, les partis Républicain et Démocrate continuent de réduire les services sociaux dont dépendent de nombreux travailleurs, et ne se battent pas en faveur d’une augmentation du salaire minimum fédéral, des soins de santé universels, de l’annulation de la dette ou de véritables solutions à la crise du logement. Un nombre historique d’électeurs (63 %) pensent que les partis Républicain et Démocrate représentent si mal le peuple américain qu’un troisième grand parti est nécessaire. (Gallup, octobre 2023)
Le Groupe Socialiste Indépendant (ISG section du Comité pour une internationale ouvrière aux États-Unis) estime qu’il est nécessaire que les travailleurs se libèrent du duo qui représente les intérêts des grandes entreprises. S’unir derrière le candidat de la gauche indépendante le plus fort, avec un programme que nous pouvons soutenir, la plus grande visibilité potentielle et la plus grande probabilité de recueillir un nombre significatif de voix, est une première étape nécessaire. Un résultat électoral fort de la gauche indépendante peut être utilisé comme tremplin pour gagner les demandes immédiates soulevées dans le programme de la campagne, et comme aide à l’organisation d’un parti ouvrier.
Jill Stein, du Parti Vert, et Cornel West, un indépendant, se présentent à cette élection présidentielle. Ils proposent des programmes solides, notamment en s’opposant à l’invasion de Gaza et en mettant fin à l’aide militaire à Israël. Les deux campagnes appellent à un large éventail de revendications progressistes. Leurs programmes présentent de nombreuses similitudes, notamment en ce qui concerne l’augmentation du salaire minimum fédéral, la nationalisation des soins de santé, la gratuité des services de garde d’enfants, ou encore les programmes nationaux pour l’emploi et la réduction significative des dépenses militaires. Jill Stein et Cornel West sont actifs dans les mouvements de protestation depuis des décennies, notamment pour la justice environnementale pour Stein, et pour les droits civiques et l’anti-racisme pour West.
L’accès au scrutin du Parti Vert, construit au fil des décennies, est l’une des principales raisons pour lesquelles divers candidats de gauche ont utilisé cette option de vote, y compris d’anciens Black Panthers. Bien que le fait que West ne se soit pas présenté sur le bulletin de vote du Parti Vert soit une occasion manquée, nous avons défendu que ces deux campagnes trouvent des moyens de pratiquer l’unité tactique maintenant et dans la période post-électorale, y compris via des événements conjoints et le partage de ressources et d’informations. Un effort unifié pourrait contribuer à rassembler les militants et les électeurs, progressistes aussi bien que révolutionnaires.
Après une série de discussions internes et un vote formel, ISG a appelé à un soutien critique à la campagne du parti vert Jill Stein et à la campagne indépendante de Cornel West pour la présidentielle.
Notre soutien critique comprend l’appel à tous les travailleurs à voter pour les campagnes de Stein (parti vert) et de West (indépendant). Nous appelons à voter pour Stein là où sa campagne est inscrite sur le bulletin de vote. Dans les États où la campagne de Stein ne figure pas sur le bulletin de vote mais où celle de West y figure, nous appelons à voter pour West. Dans les États où aucune des deux ne figure sur le bulletin de vote, nous appelons à voter pour la campagne de Mme Stein.
Notre soutien critique aux campagnes a consisté à encourager les travailleurs à s’impliquer dans les activités de la campagne lorsque cela est possible, y compris les stands, les réunions, le démarchage, la distribution de tracts, etc… Surtout, nous avons insisté pour que les deux campagnes, leurs partisans et leurs électeurs continuent à s’organiser après le jour de l’élection avec les militants syndicaux, les progressistes et les forces de gauche pour construire un mouvement en faveur d’un parti ouvrier de masse de gauche aux États-Unis. Nous appelons les autres organisations de gauche et de travailleurs à prendre des mesures similaires pour soutenir et s’impliquer dans ces campagnes.
En appelant à voter pour Stein (parti vert) lorsque Stein et West se trouvent sur le même bulletin de vote, nous reconnaissons que la plus grande faiblesse politique de la campagne de West est qu’elle ne s’engage pas du tout dans la construction d’un parti politique indépendant. Notre soutien critique à la campagne de West est basé sur les exigences positives de son programme, sur son rôle en tant qu’activiste de gauche dans les luttes antiracistes et autres, et sur son auto-identification en tant que socialiste. C’est une excellente chose que West ait rompu avec le Parti démocrate pour se présenter en tant qu’indépendant. West a toujours soutenu le Parti démocrate, notamment lors des campagnes d’Obama en 2008 et 2012 et de Bernie Sanders en 2016 et 2020. Nous espérons que West a rompu définitivement avec les limites qu’implique le soutien aux démocrates. Mais cela laisse planer le doute sur le fait qu’il sera sensible aux pressions du moindre mal et qu’il pourrait mettre fin à sa campagne avant le jour de l’élection.
En revanche, Stein et le Parti Vert ont fait preuve nette de leur indépendance vis-à-vis du parti démocrate. Le Parti Vert est un parti organisé qui compte des membres actifs au sein de groupes de partis locaux et d’État, et dont la présence dans l’activité politique publique, en dehors des campagnes électorales, est faible mais constante. Lors des élections nationales de ces dernières décennies, le parti vert a figuré sur le bulletin de vote de beaucoup plus d’électeurs que tout autre parti ou candidat indépendant situé à gauche des deux partis corporatistes.
Nous devons également qualifier notre soutien de critique car aucune des deux campagnes n’est favorable à l’organisation d’un parti ouvrier. Pour la campagne du Parti Vert ou la campagne de West, cela signifierait déclarer explicitement qu’ils sont en train de soutenir et d’aider à construire un parti ouvrier de masse qui dépasserait les limites des efforts individuels du Parti Vert et de West, à la fois en termes de programme, d’organisation et d’activité au-delà du jour de l’élection. En outre, aucune des deux campagnes n’a de lien étroit avec les syndicats, qui disposent des ressources et des membres nécessaires pour faire de toute campagne un défi sérieux au duopole des grandes entreprises. Aucune des deux campagnes ne promeut un programme socialiste clair ou la nécessité du socialisme, bien que le programme de Stein mentionne l’« éco socialisme ».
Pourquoi un soutien critique des deux campagnes ? Comment cela aide-t-il à battre Trump et Harris ?
Pour la plupart des travailleurs, les élections et la question « pour qui dois-je voter ? » constituent le point de départ de l’action politique. Il s’agit d’un point de départ nécessaire, qui exige une réponse quant à la meilleure façon d’utiliser son vote. Cette réponse devrait également soulever une question plus importante : « Comment pouvons-nous nous organiser, pendant et après les élections, pour construire un pouvoir politique indépendant des capitalistes et des entreprises ?
Le Parti démocrate exploite souvent la peur compréhensible – et la haine – de l’extrême-droite chez de larges pans de la classe ouvrière pour les convaincre de « voter bleu, quel que soit le candidat ». Toutefois, la victoire de Biden/Harris aux élections présidentielles de 2020 n’a pas éradiqué Trump et le trumpisme comme le promettait le Parti Démocrate. Au contraire, elle a sans doute renforcé la popularité de la campagne Trump.
Les travailleurs ont tendance à vouloir voter, et à voter pour quelque chose. Nous devons montrer une alternative en votant pour des candidats ou des partis indépendants de gauche ou progressistes. Bien que le moindre mal soit souvent considéré comme le phénomène du vote démocrate en opposition aux républicains, il fonctionne également à l’inverse. L’incapacité de Biden et du Parti Démocrate à répondre aux attentes de la classe ouvrière peut entraîner un retour de bâton, où Trump et le Parti républicain seraient perçus comme la seule alternative à quatre années supplémentaires de Parti Démocrate. La propagande incessante des grandes entreprises renforçant le « système à deux partis » se traduit inévitablement par de nombreux allers-retours entre le « moindre mal » et le vote pour deux partis qui représentent tous deux la classe capitaliste.
Les conditions réelles vécues par la classe ouvrière ne seront pas fondamentalement différentes sous une administration Démocrate ou Républicaine, à moins qu’il n’y ait une lutte de masse. L’élection de Harris, dans la continuité de l’administration Biden, offrira à l’extrême-droite la possibilité de se développer en tant qu’« alternative » au capitalisme libéral. Une réélection de Trump enhardira probablement l’extrême droite à s’organiser ouvertement et à tester sa force. La seule façon de contrer la menace de l’extrême droite est de construire la gauche, y compris via une démonstration visible de soutien à un programme de gauche à travers un résultat de vote fort, et une organisation continue des partisans des campagnes électorales de gauche même après le jour de l’élection.
Dans certaines cas, un résultat suffisamment bon peut permettre à un parti progressiste ou de gauche de bénéficier d’un futur accès au scrutin, d’un financement public, ou d’autres avantages tangibles pour de futures campagnes qui pourraient s’inscrire dans le cadre de la construction d’un parti des travailleurs. Les résultats des votes peuvent être utilisés comme une preuve mesurable que les revendications progressistes ou de gauche sont populaires et que les travailleurs recherchent une alternative politique. Alors que les partis capitalistes sont normalement élus par une minorité d’électeurs, s’il n’y a pas de résultat suffisant pour voir une alternative politique de gauche indépendante , alors les capitalistes pourront revendiquer une « victoire » incontestée et un mandat en faveur de la politique d’entreprise telle qu’elle est pratiquée.
Un vote plus important que prévu en faveur d’un candidat de gauche pose un problème à la classe dirigeante, qui le cas échéant doit tenter de l’expliquer, et donne du crédit aux idées soulevées par cette campagne. Si une campagne indépendante de gauche ou progressiste se fait connaître pour quelques revendications clés et recueille un nombre important de voix, elle peut faire pression sur la classe capitaliste et ses partis pour qu’ils fassent des concessions sur ces revendications. Par exemple, le « Nouveau Parti Démocratique » est un parti de gauche au Canada qui a fait campagne pour un système de santé universel et l’a obtenu en 1964, bien qu’il n’ait jamais été le parti majoritaire. Dans le cas des élections de 2024, il est possible de faire campagne pour des candidats indépendants de gauche et anti-guerre afin de démontrer notre opposition au génocide en cours à Gaza.
L’absence d’un parti ouvrier de masse aux États-Unis est également un facteur important du faible taux de syndicalisation, ainsi que de la portée beaucoup plus limitée des avantages sociaux et des droits des travailleurs par rapport à d’autres pays riches. Un parti ouvrier constituerait un énorme pas en avant en termes de niveau d’organisation de la classe ouvrière. Chaque cycle électoral offre aux syndicats la possibilité d’accroître considérablement le pouvoir des travailleurs en contribuant à l’organisation d’un parti politique pour les travailleurs. Le mouvement ouvrier dispose de l’argent et des membres nécessaires pour faire de la fondation d’un parti ouvrier de masse indépendant une réalité immédiate.
La relation unilatérale du mouvement syndical avec le parti démocrate a entraîné un déclin historique du taux de syndicalisation au cours des soixante dernières années. Les syndicats fournissent de l’argent, des volontaires et une légitimité aux Démocrates en échange de promesses de législation favorable aux travailleurs. Les Démocrates ne tiennent jamais leurs promesses en raison de leur plus grande loyauté envers les grandes entreprises. Lorsque les syndicats couvrent leurs arrières en soutenant occasionnellement les Républicains, la classe capitaliste reste gagnante.