Elargissement de l’Union européenne, L’Europe du bradage social est en route

Le 1er mai, l’Union européenne a accueilli 10 nouveaux pays d’Europe de l’Est et méditerranéenne. Elle compte désormais 25 membres. A quoi peuvent s’attendre les travailleurs et les jeunes ?

Article paru dans l’Egalité n°108

La majorité de la population n’arrive pas à suivre les affaires courantes européennes. Huit habitants de l’Union européenne sur dix déclarent être peu ou mal informés de l’élargissement de l’Europe. 84% se disent « presque pas » ou « pas du tout » concernés. Les entreprises qui ont délocalisé, partiellement ou totalement, vers l’Europe de l’Est au cours de ces dernières années sont nombreuses. Le revenu moyen par habitant des 10 nouveaux pays à l’entrée dans l’Union européenne est égal à 35% du revenu moyen des états membres actuels. Par exemple en Pologne (38 millions d’habitants) le salaire moyen mensuel s’élève à 460 euros. Le niveau de vie s’est effondré lors de la restauration du capitalisme et le démantèlement de l’économie planifiée. Même si cette économie planifiée était gérée de façon inefficace par une structure étatique monolithique (un seul parti au pouvoir) bureaucratique.

Les capitalistes occidentaux considèrent l’Europe de l’Est comme un nouvel Eldorado : avec une main d’oeuvre bon marché et hautement qualifiée. De plus les 80 millions d’habitants des 10 pays entrés dans l’Union européenne représentent 80 millions de consommateurs potentiels. Mais il est peu probable que les profits réels seront à la mesure des espérances des capitalistes. Après le 1er Mai, la valeur de la production totale (Produit intérieur brut de l’Union européenne) n’a augmenté que de 5% malgré une croissance de la population estimée à 20%.

La bourgeoisie se servira du niveau de vie bas en Europe de l’Est pour miner le niveau de vie des travailleurs d’Europe occidentale. Voila sans doute un des objectifs principaux de l’élargissement : disloquer les acquis de l’ensemble des travailleurs. Un journal belge proposait récemment une baisse des salaires afin d’éviter que les entreprises ne délocalisent: « Etant donné qu’une baisse de salaires sera difficile à faire avaler, il est souhaitable que les pays occidentaux revoient leur système d’allocations de chômage afin de rendre plus flexibles les travailleurs non-qualifiés”. Autrement dit: réduire les allocations de chômage, pour s’attaquer ensuite aux salaires. La riposte à opposer est la lutte intransigeante pour la défense de l’emploi et des conditions de vie de part et d’autre des frontières européennes actuelles. Cette lutte est une tâche des syndicats combatifs et des partis ouvriers en Europe.

Les autorités des pays membres actuels vont recourir à un système de quotas et de permis de travail pour réguler le nombre de travailleurs de l’Est qui viendront vendre leur force de travail en Europe occidentale. Elles utiliseront cette main-d’oeuvre de réserve pour faire pression ici sur les salaires et faire accepter de mauvaise conditions de travail. Comme au temps où les autorités belges ont fait appel aux immigrés italiens pour descendre au fond de la mine.

Un sondage récent révèle que 70% de la population des pays candidats à l’entrée dans l’Union européenne pense qu’il est plus facile de trouver un emploi ici que là-bas. En revanche, seuls 30% croient que leur propre niveau de vie s’améliora après l’entrée de leur pays dans l’Union européenne.

D’autre part le Danemark et la Grande-Bretagne veulent restreindre le droit à la sécurité sociale pour les nouveaux venus. La division entre les travailleurs est un piège mortel qui risque d’affaiblir la résistance aux patrons et de désigner de nouveaux boucs émissaires en faisant l’impasse sur les véritables coupables: les capitalistes et les gouvernements.

Exigeons les mêmes droits pour tous les travailleurs! Qu’ils soient originaire du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest! Tous doivent avoir le droit de s’organiser dans les syndicats. Le travail clandestin, sans contrat, sans barème, sans protection sociale doit être activement combattu ! C’est la seule possibilité pour lutter tous ensemble contre les patrons pour les salaires et les droits sociaux. Les travailleurs ont tout à perdre s’ils se laissent diviser.

Une Union européenne élargie sera une construction instable. L’euphorie s’est dissipée. Une nouvelle période de lutte de classes va mettre l’Europe du capital à l’épreuve. Déjà la Pologne, la République tchéque et la Hongrie, principaux candidats à l’élargissement, ont ralenti la politique d’austérité par crainte d’une riposte sociale impétueuse.

La bourgeoisie caresse l’espoir d’un effondrement de la Pologne sur le scénario argentin. Le soutien au parti social-démocrate SLD est passé de 41% aux 2001 à 13% aujourd’hui dans les sondages. Le taux de chômage s’élève à 20%. La corruption est omniprésente. Le déficit budgétaire de 2004 risque de frôler les 6% du PIB, alors qu’on exige un déficit de maximum 3% pour introduire l’euro.

Après une série de mobilisations sociales (syndicats, retraités) un important volet de mesures d’austérité (notamment une réforme des retraites) a été repoussé à plus tard. Le gouvernement polonais a dû céder aux revendications des mineurs et des cheminots en lutte. D’ici 2007, le gouvernement polonais veut introduire une série de mesures d’austérité équivalant à 6,8 milliards d’euros. La croissance de ces dernières années n’a pas bénéficié à la majorité de la population. En Hongrie, le déficit budgétaire en janvier était estimé à 5,6% du PIB, ce qui a provoqué la démission du ministre des Finances.

Rejoignez la Gauche révolutionnaire pour construire une alternative anticapitaliste et internationaliste. Non à la division entre les travailleurs pour mieux les exploiter ! Luttons tous ensemble pour nos droits sociaux et nos salaires! Unissons-nous pour socialiser les profits exorbitants accumulés par les grandes entreprises! Luttons pour une fédération des états socialistes en Europe !

Par Peter Delsing (MAS-LSP, section belge du CIO)