Elections européennes : la sanction continue

Le moins que l’on puisse dire c’est que dans la plupart des pays, même ceux qui sont récemment entrés dans l’Union, ces élections n’ont pas déplacé les foules. L’abstentionnisme a atteint des niveaux record, montrant à quel point la défiance vis-à-vis des institutions du capital grandit. Mais ce scrutin aura apporté d’autres enseignements.

Article paru dans l’Egalité n°108

Même gouvernement, même punition

En France, ces élections n’ont fait que confirmer, les votes de mars derniers. Le gouvernement Raffarin et l’UMP ce sont pris une nouvelle claque en ne recueillant nationalement qu’environ 16% des suffrages exprimés. L’UMP est de nouveau en crise aiguë. Le clan de Chirac-Juppé-Raffarin doit faire face à la fronde de Sarkozy et de ses acolytes et au « succès » relatif de l’UDF. Le grand parti de la droite, qui devait permettre de gagner les élections, ressort affaibli, tout comme le gouvernement. Ceci souligne que la bourgeoisie est divisée sur la façon dont il faut s’attaquer aux travailleurs et à l’ensemble des salariés, face aux risques de mouvements sociaux d’ampleur. Mais que l’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas cela qui l’empêchera d’essayer de mener à terme la casse des acquis sociaux demandée par le Medef. Si nous voulons nous opposer réellement à la casse de la Sécu ou à la privatisation d’EDF, c’est dans la rue que cela se passera et nulle part ailleurs.

Faute de mieux

A gauche, c’est encore le PS qui tire les marrons du feu. Mais les travailleurs qui ont voté pour ce parti l’ont fait sans illusions. Ils n’ont pas oublié les années Mitterand ou le ministère Jospin. Ce n’est pas non plus par manque de jugeotte politique. Mais faute de mieux, faute d’un parti qui défende réellement leurs intérêts et qui leur donne une perspective, ils se sont reportés sur l’outil, aussi imparfait soit-il, qui permettait de sanctionner le gouvernement. Le PS est malgré tout gêné par ces victoires, car il n’a rien d’autre à proposer aux travailleurs qu’une version allégée de la politique menée par Raffarin. Il se trouve donc en porte à faux avec les travailleurs. C’est pour cela qu’il a depuis 3 mois les victoires modestes et qu’il s’est empressé après chaque élection de dire qu’il était urgent maintenant d’attendre les élections présidentielles et législatives de 2007.

L’occasion manquée

L’extrême gauche, sous la double bannière LO-LCR, a une nouvelle fois manqué le coche. Ils se retrouvent avec des scores comparables à ceux d’avant 1995. Il est vrai que le phénomène de vote utile a joué en leur défaveur. Mais cela ne suffit pas à expliquer les 2,6% qu’ils ont recueillis. L’absence d’une campagne dynamique – on devrait dire l’absence de toute campagne de leur part – qui aurait impliqué les travailleurs et les jeunes les plus combatifs et l’absence de perspectives autres que celles de voter pour eux ont fait qu’ils ne sont pas apparus comme une alternative crédible capable de mettre un coup d’arrêt aux politiques menées.

En Europe, la même rengaine

Partout en Europe, ces élections ont été l’occasion pour les travailleurs de sanctionner les gouvernements en place, car, qu’ils soient de droite ou de « gauche », ils appliquent tous peu ou prou la même politique au service des patrons et des actionnaires. Dans les pays de l’est ou d’Europe méditerranéenne qui viennent d’entrer dans l’Union, le mirage européen aura fait long feu. Mais en l’absence de véritables partis des travailleurs qui se battent réellement contre le capitalisme et qui proposent une alternative à cette société de chômage, de misère et de guerre, tous les peuples se sont abstenus ou se sont servi des outils rudimentaires existants : le vote pour l’opposition.

En France, plus que dans n’importe autre pays, LO et la LCR auraient pu avancer concrètement vers la construction d’une nouveau parti des travailleurs à maintes occasion, et en particulier lors des dernières élections. Mais par pessimisme ou manque de clarté politique, ils s’y sont refusés. Espérons que les occasions manquées ne compromettent pas durablement la construction d’un tel parti et les chances de stopper la politique du patronat et du gouvernement.

Par Yann Venier