La CGT : premier opposant du gouvernement ?

Les médias aux ordres du capitalisme ne cessent de présenter la CGT comme le principal obstacle aux nécessaires réformes de la société française. Et ils l’opposent au modèle de syndicalisme que représente la direction de la CFDT pour souligner le manque d’engagement de la CGT dans la voie du réformisme et son raidissement contestataire.

Article paru dans l’Egalité n°108

Il est vrai qu’il faut bien trouver un opposant (au moins pour la forme) mais depuis le mouvement du printemps dernier (et le 47ème congrès qui l’a précédé), le décalage entre les différents mouvements sociaux et la direction confédérale est on ne peut plus net. En fait, tous ceux qui ont à cœur de défendre les intérêts de la bourgeoisie cachent soigneusement tous les gages que les dirigeants de la CGT leur ont apporté (et leur apportent).

Ainsi l’année 2003 a vu une étape de la  » transformation  » de la CGT. Le 47ème congrès a en effet montré que l’intégration à la CES (Confédération Européenne des Syndicats) était acquise aux côtés de la CFDT et de FO. Et l’on ne peut pas dire que cette organisation soit réputée comme arme de la classe ouvrière vu son niveau d’intégration dans l’appareil de l’Union Européenne. De même, ce congrès a insisté sur la nécessité de dédramatiser la signature d’accords (voir L’Egalité n°100). La démarche avait d’ailleurs été saluée par la presse.

Et cette transformation a été expérimentée quelques semaines plus tard avec la lutte pour les retraites. Alors que le mouvement s’étendait, la direction confédérale a montré qu’elle ne ferait rien pour généraliser la grève. En effet, il n’a jamais été question de déposer un préavis de grève couvrant tous les secteurs pour permettre une journée de conjonction officiellement, parce que la grève générale ne se décrète pas, en interne, parce qu’  » il n’y a pas d’alternative politique  » (sous-entendu de gauche plurielle). Et l’on a vu où ce mouvement a débouché.

Cette année a été celle notamment du congrès national de l’Union Générale des Ingénieurs Cadres Techniciens, UGICT-CGT, au mois de mars. Celui-ci a été une bonne illustration de l’orientation générale. Sur la forme déjà. Comme au niveau confédéral, il n’y a plus de texte d’analyse pour déterminer l’orientation ce qui permet évidemment d’éviter beaucoup de débats. Le document de congrès était donc organisé autour de quatre résolutions. Et au départ de ce congrès il n’était même pas prévu de possibilité de discuter et de voter des amendements.

Mais c’est évidemment sur certaines décisions adoptées lors du congrès que l’on peut mesurer les symptômes de la  » rénovation  » de la CGT et des tensions internes. En effet, en préalable, de nombreux bureaucrates ont souligné leurs difficultés à mettre une structure spécifique des cadres face à des travailleurs voulant maintenir l’unité des syndicats quelques soient les statuts et également beaucoup ont déploré l’hostilité des ouvriers et employés ( CGT ) envers les cadres notamment de direction !

Comme FO-cadres et la CFDT-cadres, l’UGICT est membre d’Euro-cadres. Pour se représenter ce que c’est, il est par exemple à noter que cette structure est engagée dans la mise en place des ECTS et du processus de Bologne, alors que ceux-ci représentent des attaques majeures contre le service public d’enseignement supérieur et la reconnaissance nationale des diplômes. Et pour enfoncer le clou, a été votée l’adhésion à l’UNI (Union Networks International) liée au FMI, à la banque mondiale, à l’ONU, et travaille notamment à  » l’adaptabilité des salariés  » dans le cadre des délocalisations.

Pour noircir encore le tableau, sur les questions revendicatives, un amendement proposant le 37,5 pour tous public/privé a été rejeté parce que ce serait une revendication incomprise par le privé !

A ce point, l’on pourrait croire que la CGT est liquidée et que l’on va bientôt assister à une fusion avec la CFDT. Mais ce serait oublier que beaucoup d’ingénieurs, techniciens, cadres CGT refusent d’adhérer à cette UGICT-CGT. La dérive droitière n’est pas générale, mais l’actualité récente confirme le cap général.

Ainsi dans le cas de l’attaque contre l’assurance maladie Daniel Prada (Commission Exécutive de la CGT) s’était félicité de l’ouverture de « négociations  » alors qu’en réalité il n’a jamais été question que de discussions ou de réunions de concertation. Du point de vue confédéral, il est désormais impensable de rompre quelque discussion que ce soit et d’engager un rapport de force :  » la grève générale est un piège dans lequel la CGT ne tombera pas » (citation véridique).

Mais, ce qui se passe à EDF/GDF est un signe de ce qu’est aussi la réalité militante de la CGT. Alors que les dirigeants ont tout fait pour éviter un conflit majeur, de nombreux militants se sont engagés pour notamment lancer une grève reconductible, se sont radicalisés et cela explique également l’activisme de ceux qui sont en lutte.

La contradiction militants/dirigeants est de plus en plus visible lorsque l’on est dans l’action que ce soit à la Poste, à la SNCF ou dans les entreprises privées…

Mais cette contradiction massive dans les mouvements, ne s’exprime que sporadiquement et isolément. L’unification, l’expression de ceux qui veulent refaire de la CGT un outil de la lutte des classes nécessite un nouveau parti capable de coordonner, d’agir et d’offrir un nouvel horizon politique, un horizon socialiste.

Par Olivier Ruet