Les élections régionales de décembre 2015 ont confirmé qu’une écrasante majorité de la population ne soutenait plus les 3 principaux partis au service du système, FN, PS et les Républicains. Rien d’étonnant : tous sont remplis de politiciens avides de positions électorales et bien rémunérées. Et aucun ne remet en cause le système d’exploitation ni la loi du profit, qui sont les véritables causes de la précarité, de l’absence d’avenir pour les jeunes, du chômage et des bas salaires. Et c’est bien pour cela que les ouvriers, les employés, les jeunes, sont ceux qui se sont le plus abstenu lors de ces élections.
Le Front de Gauche a subi un net recul par rapport à 2010. Et une véritable déroute en termes d’élus. Le PCF passe de 97 élus à 27, et encore, c’est uniquement en étant dans les bagages du PS dans la plupart des régions sauf une.
Rompre avec le PS, ou pas…
La stratégie qui consiste à s’allier au PS au second tour, à ne pas entrer en opposition avec lui, à parler de «battre la droite» est un échec complet. Mais en plus, le Front de Gauche ne parlait absolument pas de la politique nationale du gouvernement alors que bien plus que les décisions des régions, c’est celle là que subissent la grande majorité des gens. D’autre part, les listes étaient différentes selon les régions, des fois avec les Verts qui ne cachent pourtant pas qu’ils ont énormément d’accord avec le PS, et de fait les composantes du Front de Gauche étaient sur des listes concurrentes dans certaines régions…
D’autant que le Front de Gauche, et notamment ses composantes «Ensemble» et PCF ont fusionné les listes avec le PS, fait des meetings communs, toujours sans attaquer la politique du gouvernement. C Autain, dirigeante de «Ensemble» s’est retrouvée ainsi 2ème sur la liste de Bartolone, président de l’Assemblée nationale et chef de file du PS pour la région Ile de France. Pour la démonstration d’indépendance face à la politique du PS, on repassera.
Le PCF a beau avoir une ligne qui l’emmène de reculs en reculs, il semble vouloir continuer. Pour un parti qui veut «refonder l’espoir», c’est désespérant. Pierre Laurent, le premier secrétaire du PCF, l’a à nouveau dit : “Il faut un candidat dans lequel se reconnaissent les socialistes, les écologistes, les gens du Front de gauche, les communistes, qui soit un véritable candidat de gauche”. Autrement dit, une fois de plus, entre des travailleurs qui s’abstiennent et qui n’ont pas de parti à eux, et les discussion de salon avec le PS alors même que ce dernier a définitivement adopté une politique pro patronale sans réelle opposition dans ses rangs, le PCF va se retrouver à choisir la deuxième option et le Front de Gauche va suivre.
Pourtant, quand Mélenchon avait fait campagne en 2012 et obtenu plus de 11% des voix, c’était sur une campagne d’opposition à gauche du PS, de refus des politiques antisociales. Et à chaque fois que Mélenchon prend clairement une attitude en faveur des luttes et en défense des travailleurs, cela crée de nombreuses discussions parmi les jeunes et les travailleurs, et même des espérances. Mais en même temps, il noie ces points positifs dans un flot de propositions éloignées des préoccupations immédiates de la grande majorité. Ainsi, alors que le slogan «le pouvoir au peuple» avait un véritable écho, et correspondait vraiment à ce que de nombreux militants du FdG et surtout du PCF veulent défendre, Mélenchon préfére aujourd’hui parler d’une VIème République qui n’apporte aucune réponse réelle à ceux qui subissent les politiques d’austérité.
Remplir le vide
La question reste : Mélenchon va-t-il profiter de l’année qui nous sépare de la prochaine présidentielle pour réellement engager une campagne sur des revendications simples : refus des licenciements, hausse des salaires, arrêt de la casse des services publics, nationalisation des banques…
Une telle campagne aurait un écho important et permettrait aux très nombreux militants et travailleurs qui font face courageusement aux attaques patronales, aux plans de licenciements, qui organisent les luttes contre les bas salaires, de prolonger les luttes des travailleurs sur le terrain politique. Car ces dernières années, dans des dizaines d’entreprises, des syndicalistes ont montré qu’ils étaient non seulement capables d’organiser des luttes solides mais également de tenir tête aux politiciens et aux journalistes à leur service.
Une telle campagne permettrait de faire un pas en avant vers la force politique des jeunes et des travailleurs qui nous manque, un véritable parti de lutte contre le capitalisme. Cela donnerait aux aspirations de la grande majorité une véritable voix, à l’image d’autres pays, loin des discussion sans fin sur les combinaisons électorales.
Pour le moment, Mélenchon, ni d’ailleurs un autre dirigeant politique de la gauche radicale, ne semble comprendre le besoin et le potentiel qui existe. Il est possible alors que ce soit avant tout dans les luttes sociales que s’exprime le plus le rejet de la politique actuelle et du système qu’elle sert. Mais les travailleurs, les jeunes, des syndicalistes… vont aussi soulever la question de l’absence d’un véritable parti à nous, contre les partis au service du capitalisme.
En construisant ces luttes indispensables pour résister aux attaques gouvernementales et patronales, nous continuerons à défendre le besoin d’un véritable outil politique des travailleurs, des jeunes, de tous ceux et toutes celles qui s’opposent aux plans du gouvernements et du grand patronat. Nous défendrons une telle perspective à l’échelle la plus large possible. Si Mélenchon se propose comme candidat et rejette l’idée suicidaire du PCF d’entrer en discussion avec les Verts et le PS (même pour des «primaires» de «gauche» qui ne donneront rien de différent de ce que nous avons connu avec Hollande), cela pourrait aider. Mais il est clair qu’il ne faut pas attendre qu’il se décide mais bien avancer dès maintenant l’idée d’un véritable parti de masse et de lutte pour les jeunes et les travailleurs.
Par Alex Rouillard