Crise en Chine : une nouvelle crise économique mondiale à la clé ?

photo bourse chinoiseLe 24 août dernier les « une » des médias annonçaient que la bourse chinoise baissait d’environ 8,5%, entraînant les plus fortes baisses sur les autres places mondiales depuis la crise de 2008. La dépréciation de valeur boursière a détruit environ 400 milliards de valeur des actions de grandes entreprises européennes mais aussi aux USA avec même Apple dont la baisse a été de 18% ces derniers mois. La bourse en trois semaines a perdu 3200 milliards, soit six fois la dette extérieure de la Grèce ! La fuite de capitaux est colossale avec en cinq semaines, 800 milliards de dollars retirés par les investisseurs.

La crise qui s’est enclenchée depuis plusieurs semaines a son origine dans la dévaluation de la monnaie chinoise (le Yuan) d’environ 3% par rapport au dollar. L’inquiétude est forte parmi les capitalistes d’un effondrement de l’économie chinoise, principal « moteur » de la croissance mondiale (33% contre 17% pour les USA). En dévaluant, le gouvernement chinois tente de contrebalancer la baisse de la croissance chinoise, d’environ 7% officiellement mais qui pourrait selon certains économistes avoisiner en réalité les 3%.

Mais cette dévaluation aura probablement peu d’effets étant donné les énormes problèmes structurels de l’économie chinoise. Et les autres monnaies asiatiques ont atteint leur plus bas niveau depuis 1998, comme ailleurs le rouble russe, le rand sud-africain et la livre turque. Ceci a rendu nul les bénéfices aux exportations de la Chine avec la dévaluation.

Une spéculation effrénée

La spéculation est devenue le meilleur moyen pour les capitalistes chinois de faire des profits. La spéculation a lieu notamment dans l’immobilier, entraînant la construction de véritables villes fantômes où personne ne peut habiter. Ceci crée des bulles spéculatives qui explosent vite. Les mises en chantier ont ainsi diminué de 17%.

Le système du crédit est davantage tourné vers la spéculation que l’investissement ou la création de biens puisque un yuan de crédit aujourd’hui ne rapporte plus assez « vite » aux capitalistes ne générant que 0,2 yuan de PIB contre 0,8 avant 2008.

La Chine n’a cependant pas de problèmes qu’au niveau des marchés boursiers – mais aussi dans l’économie  »réelle ». Le pays connaît une crise de surproduction avec la récession de certains pays dits émergents (BRICS), la faible croissance ou stagnation en Europe et la petite croissance aux États-Unis. Elle n’arrive plus à écouler les quantités gigantesques de produits et matières premières. 8,1 millions de voitures de plus que la capacité d’absorption du marché seront produites cette année. Pour les matières premières c’est la même chose quand on sait qu’elle produit la moitié de l’acier mondial.

Faute de débouchés la production manufacturière s’est restreinte pendant cinq mois d’affilée et est maintenant au plus bas niveau depuis six ans. La Chine misait sur le développement d’un marché intérieur mais il est restreint et avec l’augmentation des salaires suites aux nombreuses luttes, des capitalistes préfèrent délocaliser.

L’effet boomerang de la crise de 2008

Avant la crise de 2008 et depuis son adhésion à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) en 2001, la stratégie de la Chine a été de doper ses exportations avec une devise basse et de la maintenir. La Banque populaire de Chine imprimait des yuans en les vendant en même temps. Les devises étrangères récupérées ont ainsi atteint un sommet de 4 000 milliards de dollars en 2014. Cet argent a été principalement investi dans les bons du Trésor américain (actuellement 1 450 milliards de dollars) à faible rendement mais considérés comme sûrs. Cela a bien arrangé le budget du gouvernement américain qui, pendant la crise, a donné beaucoup aux banques. C’est comme si la Chine rachetait la dette des États-Unis qui a explosé depuis 2002 de 5000 milliards à 18 000 milliards aujourd’hui.

Avec la crise et pour maintenir un niveau de croissance important, l’impression de monnaie a surtout servi à faire du crédit facile par les banques et les gouvernements locaux qui sont maintenant très endettés. Les entreprises ont pris l’argent pour spéculer sur leur dette et ont fait faillite. Désormais, vues ses difficultés internes, la Chine vend ses bons du trésor américain – déjà 200 milliards depuis le début de l’année 2015.

Les tensions grandissent entre les États-Unis et la Chine

La vente des bons du trésor va faire chuter leurs prix et cela aura des répercussions sur les dépenses du remboursement d’intérêts par le gouvernement fédéral des États-Unis et donc sur le budget américain. Les États-Unis qui achètent beaucoup de produits à la Chine ont aussi des armes à faire jouer et le traité transatlantique voulu avec l’UE est en partie là pour contrer la Chine qui pourrait devenir la première puissance. Des tensions ont lieu aussi d’un point de vue géopolitique en mer de Chine autour des archipels que plusieurs pays revendiquent et où à la Chine construit des ports et infrastructures. Les États-Unis voient d’un mauvais oeil cela car beaucoup de marchandises circulent dans cette zone qui de plus est potentiellement riche en hydrocarbures. En mai dernier ils ont effectué des survols de la zone ce qui n’a pas plu au gouvernement chinois.

Une nouvelle crise est-elle à prévoir?

On a vu les difficultés de l’économie chinoise et son lien avec celle des États-Unis. Le Brésil et la Russie sont en récession alors qu’on nous promettait que les BRICS sauveraient l’économie mondiale grâce aux prix très bas du pétrole et d’autres matières premières. Les dettes énormes des États et les taux de crédit très bas feront que si une crise survenait les capitalistes auraient encore moins de moyens d’agir qu’en 2008, malgré les réserves spéciales de fonds d’urgence tel qu’il existe désormais en Europe. En attendant ce sont toujours les travailleurs qui payent le prix à travers l’austérité généralisée pendant que les bénéfices sont toujours au rendez-vous pour les patrons. Les capitalistes ont également énormément de cash disponible accumulé via le bas crédit mais qui sert à spéculer plutôt qu’à investir et créer des emplois. Il est temps que les travailleurs réclament leur dû !

Par Louis Matthias