En Syrie, la guerre civile continue. Les forces du régime soutenues par la Russie, les milices chiites d’Irak, d’Iran et le Hezbollah contrôlent toujours l’ouest du pays et sont principalement en opposition avec le Front al-Nosra (branche d’Al-Qaida) qui a pris le pas sur l’armée syrienne libre. Les Kurdes des YPG-YPJ (unités de défense populaires, milice qui ont libéré le Rojava, le Kurdistan syrien) ont formé avec d’autres combattants rebelles arabes, yézidies… les Forces démocratiques syriennes (FDS). Moins indépendante qu’à leurs débuts, elles reçoivent un soutien partiel des États-Unis et ont une trêve relative avec le régime de Bachar pour se concentrer surtout sur Daesh, désormais contenu dans deux poches de résistance qui ne tarderont plus à tomber.
Bataille pour le contrôle des territoires
La bataille de Raqqa (fief de Daesh), qui a duré un an, est terminée et a fait plus de 3000 morts dont un tiers de civils. Les plus grands champs de pétrole viennent d’être libérés. Va se poser la question de qui va les contrôler et le régime va sûrement vouloir les récupérer. De l’autre côté les États-Unis vont-ils essayer de faire tomber Bachar ? Les YPG vont lutter pour sauvegarder le Rojava autonome voire indépendant. Cela devra peut-être passer par la chute de Bachar, mais pas pour mettre des pantins des impérialistes à la place. Les forces progressistes syriennes kurdes, arabes ou autres, doivent lutter ensemble pour le droit du peuple syrien à décider pour lui-même, et pour le droit du Rojava de décider de son indépendance. Ce n’est pas l’objectif des impérialistes.
La population veut également une représentation politique démocratique et non issu de la minorité qui soutient Bachar (les alaouites) et dont sont issus les généraux et dirigeants. Les pays impérialistes comme la France, la Grande-Bretagne ou les États-Unis ont toujours favorisé cette minorité pour tenir le pouvoir et ajouter une division raciste et religieuse.
De l’autre côté, la Turquie d’Erdogan, qui a soutenu Daesh, est très hostile aux YPG et à leur parti le PYD, cousin syrien du PKK en Turquie, qui lutte depuis des décennies pour un Kurdistan libre et sont considérés comme une organisation terroriste par l’État. Erdogan veut la chute de Bachar, mais préférera écraser le Rojava s’il le peut.
La question kurde ressurgit
Le territoire de Daesh a reculé de 90 %. Les frappes aériennes de la coalition (qui tuent énormément de civils), les peshmergas du Kurdistan irakien et les forces irakiennes attaquent les derniers bastions de Daesh situés à Al-Qaïm. Cependant, un nouveau front s’est ouvert. Le Kurdistan irakien avait obtenu une certaine autonomie dans la nouvelle Constitution de 2005, après des décennies de répression et les massacres de 1987-91 menés par Saddam Hussein. Un référendum le 25 septembre dernier a vu 3,5 millions d’électeurs se prononcer, dont 93 % favorables à l’indépendance.
Pas de Kurdistan possible avec des « alliés » capitalistes
Mais, rien de surprenant, le référendum a été jugé illégal par le gouvernement pro-américain irakien.
Les peshmergas s’étaient emparés au fur et à mesure des années de grands territoires au delà des limites administratives de la constitution, et le gouvernement a donc lancé une offensive pour les récupérer. C’est aussi lié au pétrole, car ils ont repris la province pétrolière de Kirkouk.
La reprise des territoires s’est faite rapidement, car l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK) qui dirige le sud Kurdistan irakien les a laissé faire, et a retiré ses troupes (son dirigeant récemment décédé, Talabani, était président de l’Irak). Un accord secret aurait été passé, car l’UPK, cherche à affaiblir le dirigeant du Kurdistan, Barzani, à la tête du Parti Démocratique du Kurdistan (PDK) qui contrôle la majeure partie du Kurdistan irakien. Les peshmergas du PDK s’accrochent par endroit avec l’armée irakienne pour défendre leurs terres et les postes-frontières vers la Syrie. Un extension est possible.
Le PDK avait de bonnes relations avec les États-Unis et est son pion dans la région. Une classe capitaliste très riche s’est formée tant grâce au transport du pétrole via la Turquie. Barzani voulait utiliser le référendum pour accroûtre son autonomie mais la volonté d’indépendance dans la population est beaucoup plus forte. D’énormes pressions économiques (blocus aérien…), diplomatiques et politiques, par les USA, la Turquie, l’Égypte se combinent avec la présence de l’armée irakienne formée et financée par les impérialistes. Barzani a été pris de court par le gouvernement irakien et le mécontentement de la population. Il a annoncé vouloir geler le référendum, mais le gouvernement réclame l’annulation. Une crise politique s’est ouverte au Kurdistan avec certains courants qui réclament la démission de Barzani et les législatives ont été reportées de huit mois. La Turquie et l’Iran font des manœuvres militaires afin d’augmenter la pression pour que ne changent pas les frontières de la région et pour réprimer leur minorité kurde.
Une fois de plus depuis la promesse d’un état dans les années 20, les Kurdes, après avoir été utilisés pour vaincre Daesh, sont la cible des États comme la Turquie, l’Iran, l’Irak et les pays impérialistes qui se partagent le gâteau du Moyen-Orient Sous le système capitaliste, il n’y aura pas d’État possible pour les Kurdes ni d’avenir pour les populations victimes des guerres et du pillage organisé. C’est par l’unité des travailleurs, des paysans pauvres, des masses urbaines de la région, qu’elles soient kurdes, arabes ou autre, contre les oppresseurs directs et les impérialistes et leurs pantins que la lutte pour la fin de l’oppression pourra réussir, avec une fédération libre et démocratique d’États socialistes.
Par Louis Matthias et Alex Rouillard