En quelques mois, l’affaire a ébranlé le pays tout entier : des dizaines de députés, de responsables d’entreprises publiques etc. ont reçu des pots de vins. Le gouvernement Lula qui avait promis d’en finir avec la corruption est au cœur de l’affaire.
Tout a commencé avec la publication d’une vidéo montrant un cadre d’entreprise publique corrompu par Roberto Jefferson, président du Parti travailliste brésilien (PTB) lequel est membre de la coalition gouvernementale.
Article paru dans l’Egalité n°115
Il s’avéra rapidement que de nombreux députés percevaient un « mensalao » (une mensualité) en moyenne de 10 000 euros, pour voter les lois du gouvernement. Jefferson accuse Dirceu, le bras droit de Lula, d’être le chef d’orchestre. Celui-ci finit par être obligé de démissionner de son poste de directeur de cabinet de Lula.
Le PT au cœur du système
A chaque fois, les dirigeants du PT ont nié, mais chaque jour amène ses nouvelles révélations. Un responsable régional du PT a par exemple été arrêté dans un aéroport avec 100 000 dollars dans… son slip. Le dernier accusé en date est Palocci, ministre de l’économie, qui annonce lui aussi qu’il ne démissionnera pas. Mais Lula, tout en continuant d’affirmer qu’il n’y est pour rien, a déjà du remanier son gouvernement et José Genoino, président du PT, a du démissionner de son poste.
Cette corruption est inévitable et est facilitée par la faiblesse du capitalisme au Brésil. Même s’il a une certaine industrialisation, l’économie est assez fortement aux mains des multinationales nord américaine ou européenne. Les capitaux ne restent pas au Brésil, et même une partie n’apparaît jamais légalement : le ministère des finances estime qu’un quart du PNB (soit 115 milliards de dollars) part dans des circuits parallèles vers des paradis fiscaux comme les îles Caïmans.
Quelle issue à la crise ?
Lula a présenté des excuses officielles mais la tourmente prend de l’ampleur. Une première manifestation le 17 août dernier a rassemblé 20.000 manifestant aux cris de « dehors les corrompus ». Si le scandale n’affecte que partiellement Lula pour le moment, le PT est touché de plein fouet. Comment ne pas faire le lien en effet entre l’abandon d’une politique au service des travailleurs et des plus pauvres et l’acceptation de la corruption ? Ce sont bien les deux facettes d’une même réalité.
Dans cette situation, le Parti socialisme et liberté (P-Sol) peut devenir une véritable alternative au PT. Formé après l’expulsion du PT des parlementaires qui avaient voté contre la casse des retraites des employés des services publics, le P-Sol vient de réussir sa campagne de légalisation : 450.000 signatures de soutien ont été récoltées. Notre organisation au Brésil, Socialismo revolucionario (SR) construit ce parti pour qu’il soit un véritable parti de combat de la classe ouvrière et des pauvres contre le capitalisme, pour le socialisme.
Les tâches du P-sol
De nombreux débats traversent actuellement le P-Sol, une aile voyant dans la crise actuelle une chance de remporter un succès électoral éclatant en 2006, une autre étant plus pessimiste du fait d’une certaine faiblesse des mobilisations contre la politique de Lula, et craint une dérive électoraliste.
La première tâche aujourd’hui, c’est d’appeler à une lutte massive contre les corrompus mais également contre les mesures néolibérales du gouvernement Lula. Contre la corruption SR met en avant la nécessité du contrôle des travailleurs sur les élus (possibilité de révocation, paiement des députés au salaire moyen d’un travailleur etc.). C’est en construisant le P-Sol sur ces bases qu’il y aura une véritable alternative, un instrument prêt pour le moment où les travailleurs et les jeunes vont entrer en lutte de manière extrêmement massive. Déjà des grèves comme celle de l’Université de Sao Paolo, sur la question de l’insuffisance du budget, sont plus massives et plus radicalisées du fait du scandale de la corruption.
Des secteurs du PT se posent la question de rejoindre le P-Sol, et le débat traverse également la CUT, le grand syndicat du Brésil. Une grande assemblée de la gauche socialiste se tient en septembre à Sao Paolo, ceci pourrait être le point de départ pour un vaste mouvement de lutte contre le gouvernement corrompu de Lula et les partis qui le soutiennent.
Le scandale de la corruption qui continue de grandir démontre une fois de plus qu’il n’y a qu’une alternative : le capitalisme et son cortège de maux (la misère continue de croître au Brésil) ou le socialisme, où l’économie sera sous le contrôle démocratique des travailleurs, débarrassée de la loi du profit, et permettant de mener la véritable politique de développement dont le Brésil a besoin.
C’est cette orientation que les militants de Socialismo Revolucionario défendent et construisent dans le P-Sol mais aussi dans l’activité directe de SR et dans les luttes des travailleurs et de la jeunesse.
Où peut mener l’opportunisme…
Le PT abrite en son sein de nombreuses tendances de gauche. L’une d’elle, Démocratie socialiste (DS), est la section brésilienne du Secrétariat unifié de la quatrième internationale (SU, l’internationale de la LCR) et déclare regrouper plus de 2000 militants.
Une politique d’adaptation à la bureaucratie du PT
Mais l’orientation fondamentale de DS n’est plus autre chose qu’être un opposant loyal à la direction Lula. Lorsque celui-ci a été élu président et que le PT en alliance avec d’autres partis bourgeois a formé un gouvernement de coalition, DS ne s’est pas préparée (et encore moins préparée les masses) à l’inévitable affrontement avec la direction du PT et a accepté le porte-feuille de la Réforme agraire, en la personne du ministre M. Rossetto. Son bilan, prévisible, c’est moins de réquisition de terre pour les Sans-terre que sous le précédent gouvernement, de droite…
Lorsque leur propre militante Heloisa Helena a été exclue du PT pour avoir voté au Sénat contre la casse des retraites mise en place par le gouvernement, DS s’est contentée d’une protestation. Ses prises de position sur la réforme universitaire (qui sous couvert d’une augmentation du nombre de places augmente nettement les crédits alloués aux universités privés) par exemple, sont de demander à Lula de l’amplifier. Lors du dernier congrès de DS, en avril, il a été affirmé que ceux qui refusaient la tactique de construction de DS au sein du PT n’étaient plus membres de DS…
Du coté du SU la position officielle était une légère réticence (très légère : de nombreux textes qualifiaient l’expérience d’intéressante) et d’ajouter : « c’est aux brésiliens de décider », au mépris de tous les principes de l’internationalisme.
Aujourd’hui, la corruption dévoilée du gouvernement Lula et du PT secoue la société brésilienne. Le représentant de la LCR à une réunion à Rio le 19 août dernier déclarait « que vu l’ampleur de la crise, il n’y a aucune justification pour rester au gouvernement » mais avouait que cela restait sans effet. Et d’ajouter que les « liens organiques entre la direction de DS et le SU ne sont pas rompus car nous voulons continuer à discuter » sans jamais cependant dire ce que le SU propose aux militants de DS de faire. Autrement dit, la leçon n’est absolument pas comprise. Et l’absence de réaction au sein de cette internationale, alors qu’en restant au gouvernement DS se rend complice de Lula, témoigne que ce n’est pas qu’au Brésil.
Par Alex Rouillard