La gauche plurielle n’en finit plus de se lamenter et de se déchirer. On aura vu Voynet se plaindre que la politique est souvent « inhumaine ». Elle a certainement bien vite oublié comment elle même s’est débarrassée des encombrants Lalonde et Waechter.Au PS, on joue les saints horrifiés par le (mauvais) livre de Marie Noëlle Lienneman, ex-ministre et dirigeante de la Gauche socialiste, contre Jospin.
Article paru dans l’Egalité n°97
Pendant le même temps, Hollande fait l’équilibriste entre la « gauche » du parti et la « droite », appuyé sur une Martine Aubry qui dit à qui veut l’entendre que comme par hasard, « à chaque fois qu’il y a un problème, c’est à cause des 35 heures »… Autrement dit, ne critiquez pas les 35 heures sauce Aubry sinon vous faites le jeu de la droite ! Les millions de travailleurs qui se retrouvent avec des salaires progressant moins vite que l’inflation, et à avoir des horaires flexibles au bon vouloir du patron apprécieront… Et après, le PS en est encore à essayer de comprendre pourquoi il a perdu… Quant au PCF, le silence devient assourdissant. La dérive idéologique est telle, qu’on a pu entendre Muguette Jacquin vétéran du parti, dire à propos des états du nord du Nigéria, où sévit la Charia, loi fondamentaliste islamique qui dénit notamment à la femme le statut de personne, qu’il fallait aider le gouvernement du Nigéria à lutter contre ces états islamistes. Comme si le PCF ne savait pas que le gouvernement nigérian n’est qu’une dictature corrompue, au service des multinationale du pétrole, qui s’appuie complaisemment sur les forces islamistes du nord et joue sans cesse sur les divisions entre différentes communautés.
Au PS, le choix entre libéralisme et social libéralisme ?
D’un coté Fabius et Strauss-Kahn, de l’autre Mélanchon, Dray et Emmanuelli. Au centre Hollande, et dans le rôle du bouffon, Montebourg. On se croirait revenu au temps des princes et des intrigues de cour. Si le programme de Fabius et de Strauss Kahn est ouvertement libéral, avec une larme de retour d’impôt, c’est parce que ces politiciens ont depuis longtemps compris que gouvener sous le capitalisme c’est gouverner pour les capitalistes et que le rôle de la gauche qu’ils représentent est de faire passer le maximum d’attaques en évitant de mettre les travailleurs en lutte.
Dray et Mélenchon nous ont fait dans le psychodrame, se fâchant longtemps, Mélenchon ayant signé un début d’alliance avec Emmanuelli sans guère impliquer son co-animateur de la Gauche socialiste. Ce texte, pompeusement appelé « un autre monde est possible », slogan favori des mobilisations anti-mondialisation, rappelle que « c’est un mensonge de faire croire que des acquis sociaux aussi élémentaires que le droit à la retraite par répartition, les services publics, la santé et l’éducation pour tous, mis en place à la libération, quand le pays était détruis, sont des luxes in finançables quand le pays est plus riche qu’il ne l’a jamais été ». On ne peut qu’être d’accord. Mais alors, que faisaient ils dans le gouvernement Jospin ?
Doit-on rappeler que c’est Mélenchon qui a accentué les réformes Allègre qui offrent un peu plus l’enseignement public professionnel aux appétits du patronat. Doit on rappeler que Marie Noelle Lienneman était ministre du logement et a activement participé à l’expulsion des « Maliens de Vincennes » au début des années 90 ? Et surtout on cherche en vain dans leur texte une référence plus explicite à un véritable changement de système économique.
Plus de 30 % des adhérents du PS l’ont rejoint au cours des derniers mois, sur la vague de la mobilisation anti Le Pen, et parce qu’ils ont vu qu’il fallait qu’ils s’impliquent. Cependant les universités d’été des courants du PS ont été autant de déceptions pour beaucoup d’entre eux. Et le mauvais film que leur ont servi Dray et Mélenchon en a écœuré plus d’un. C’est sur cette frustration face au blocage complet dans l’appareil que tente de surfer Arnaud Montebourg. Ses soucis démocratiques sont certes justifiés, mais sa 6ème république a comme un arrière goût de 4ème, une vaste foire pseudo démocratique, qui n’a empêché ni les guerres impérialistes de la France ni l’exploitation des travailleurs.
Une ultime mutation du PS ?
Ce qui est au centre de ces batailles c’est à la fois le contrôle de la machine PS, le poste de présidentiable, et l’orientation du PS. Celle-ci est cruciale pour éviter une nouvelle débâcle électorale, qui peut coûter cher aux ténors, comme l’a montré la non réélection de Martine Aubry au siège de député de Lille. Mais il y a peu de chance que dans aucune de ces batailles, les dirigeants du PS démocratisent leur fonctionnement. On ne les a d’ailleurs guère vu se précipiter auprès des sans-papiers ou d’autres salariés en lutte. Le « réalisme » économique reste largement dominant et la plupart des mesures mises en place par Raffarin en ce moment étaient présentes dans le programme de Jospin aux présidentielles, ils ont peu de thèmes qui leur permettent d’apparaître.
Les nombreux nouveaux adhérents du PS pourraient vite se lasser, du moins ceux qui cherchent une véritable alternative politique au capitalisme et aux partis qui le servent.
Et du coté des Verts, ou du PCF, l’autocritique cède vite la place aux accords avec le PS qui garantissent ici un député là un maire. Aucun de ces partis ne comprend pourquoi la défaite a été si cinglante, et du coté des Verts notamment pourquoi c’est le PS qui s’en est le moins mal tiré. On pourrait leur dire, que 5 années de politique au profit du patronat, avec quelques miettes pour les salariés, cela a fini par lasser, et que tant qu’à faire, ceux dont on attendait le plus, les Verts sur les questions de l’environnement, et le PCF sur les questions sociales, ont le plus déçu donc le plus payé.
Marie Georges Buffet, secrétaire nationale du PCF appelle la gauche à « se réveiller ». C’est donc bien qu’elle dormait. L’absence complète de projet alternatif à celui de Raffarin fait cependant que les partis de l’ancienne gauche plurielle n’iront pas très loin. Contester les privatisations ? Mais celles qui sont avancées par le gouvernement Raffarin (Air France, EDF…), ont débuté sous la gauche plurielle, difficile pour l’ex-gauche plurielle de les combattre.
Le PS est entré depuis longtemps dans le camp de la bourgeoisie. Dans son sillage, les autres partis de la gauche plurielle peuvent conserver encore quelques attaches populaires, et les militants participer aux luttes. Mais il est clair que ces partis ne représenteront plus jamais les travailleurs, et que les déchirements entre bureaucrates et les incompréhensions de leur défaite (commune à toutes les sociales démocraties d’Europe ou presque) ne peuvent que les renforcer dans leur mépris de ces travailleurs qui ne « comprennent pas les sacrifices nécessaires à la grande puissance qu’est la France » !
Par Alexandre Rouillard