Angleterre : compromis ou compromission ?

Comme l’ont montré les différents mouvements contre la casse des retraites en Italie, en Allemagne, en Grèce, en Autriche, l’Europe est actuellement le lieu d’une radicalisation des travailleurs contre les politiques de leurs gouvernements respectifs. Mais dans le même temps ces luttes sont limitées par le vide politique laissé à gauche et l’absence de perspective claire.

Article paru dans l’Egalité n°106

Ainsi en Grande Bretagne, le gouvernement Blair doit affronter un fort mouvement contre la guerre en Irak et voit s’opposer à sa politique le mécontentement des jeunes et des travailleurs. Cependant cette mobilisation n’offre pas d’issue claire en terme de perspective politique.

Or c’est dans l’optique d’une alternative au New Labour que cherche à se construire actuellement le mouvement RESPECT. Lancé notamment par le SWP et le député Georges Galloway, exclu du Parti travailliste pour opposition à l’intervention impérialiste en Irak, ce mouvement met en avant la défense des intérêts des travailleurs en revendiquant l’arrêt des privatisations, le retour à de véritables services publics, la suppression des droits d’inscription universitaires exorbitants… Tout ceci est juste en soi mais nettement insuffisant.

Certes cette position se démarque de la politique de Blair mais elle ne remet pas en cause le système capitaliste. Comment peut-elle alors justifier son existence ? En vérité les membres de ce mouvement, se disant majoritairement partisans du socialisme, ont pourtant censuré volontairement leur programme en effaçant tout ce qui pourrait y ressembler de près ou de loin. Leur argument ? La présence de George Monbiot et Salma Yaqoob, deux célébrités du mouvement contre la guerre mais opposées au programme socialiste, leur permettrait de toucher une part plus large des jeunes et des travailleurs.

Bien sûr à certains moments les socialistes sont amenés à faire des compromis sur leur programme afin d’intégrer dans une nouvelle formation des parties larges de la classe ouvrière comme par exemple des syndicats.

Et dans ce cas, le but des marxistes est de se battre pour que le programme du parti soit le programme socialiste. Mais dans la plateforme électorale de RESPECT, l’absence des idées socialistes relève plus de la compromission que du compromis. Car c’est cautionner l’abandon du socialisme par un souci publicitaire et électoraliste. Et c’est une grave erreur d’analyse de la situation politique en ne voulant pas voir que les travailleurs n’attendent pas seulement de bonnes paroles. Ils connaissent déjà les rengaines des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier et trouvent qu’elles chantent faux.

Ce qu’ils attendent au contraire, c’est les moyens d’accéder à ces revendications : un nouveau parti récusant la collaboration avec la bourgeoisie et ses représentants. Ce dont ils ont besoin, ce n’est pas d’un porte-parole mais d’une arme efficace contre les politiques du gouvernement et du patronat : une programme qui rompe avec ce système d’exploitation d’une classe par une autre, un programme rappelant à la classe ouvrière son rôle historique et ses capacités à mettre à bas le capitalisme.

Aussi sans la mise en avant d’une alternative socialiste, les réponses de Respect ne sont que partielles et inefficaces. Elles sont de surcroît dangereuses. Refuser de lancer le mot d’ordre de construction du nouveau parti des travailleurs, abandonner le programme socialiste au profit d’une association plus ou moins floue et sans réelle perspective politique, c’est emmener la classe ouvrière dans une impasse. Le Socialist Party (section britannique du CIO) s’est néanmoins adressé à RESPECT pour formuler des propositions tant en termes de programme que pour le fonctionnement démocratique. En effet, à peine constitué, RESPECT a une direction nationale qui décide d’en haut des programmes et des revendications.

Par Geneviève Favre