Amérique latine : luttes et instabilité politique au rendez-vous

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Manifestation en Argentine contre la réforme des retraites fin 2017

La période de relative croissance économique et de stabilité est bel et bien finie. Après le Brésil, ce sont récemment le Honduras, le Venezuela et l’Argentine qui sont entrés en crise sociale et politique.

Le Honduras en révolte

Des mouvements de masse se sont déclenchés contre la fraude électorale après l’élection présidentielle du 26 novembre dernier. Après plusieurs jours, la réélection de Juan Orlando Hernandez (qui avait déjà contourné la Constitution pour se représenter) a été annoncée ; le candidat de « gauche » Salvador Nasralla était, en effet, donné largement vainqueur. Des dizaines de milliers de manifestants sont immédiatement descendus dans les rues de la capitale Tegucigalpa pour dénoncer la corruption et la fraude. Article publié dans l’Egalité 187

Malgré une manoeuvre pour noyer le poisson en annonçant le recompte des voix et une intervention télévisée de Hernandez, la révolte n’a pas faibli et s’est même étendue à tout le pays pour dénoncer la fraude et plus généralement le système.
Des barricades ont été montées et des groupes populaires d’autodéfense ont, à certains moments, pris le contrôle paralysant l’économie. Certains secteurs de la police, de base, mais aussi d’élite, ont refusé de suivre les ordres de répression, et ce, malgré le couvre-feu décrété. Le 17 décembre, après le recompte des votes, Hernandez a été déclaré vainqueur sans surprise.
L’instabilité politique et la contestation sont installées durablement, au point que l’OEA, organisation des États américains, suggère de reconvoquer une élection. Leur crainte est grande qu’un autre pays soit déstabilisé.

Argentine : le gouvernement Macri sous pression

La crise de la gauche et l’échec du populisme à la Kirchner ont permis l’arrivée de la droite au pouvoir en 2015. Les élections d’octobre dernier ont renforcé Macri et la droite, faute d’une vraie gauche de combat en face. Macri, homme d’affaires, fils d’un milliardaire argentin, a cru avoir un boulevard. Il a donc lancé une offensive de mesures néolibérales, notamment contre les retraités, leur volant 5 000 millions d’Euros et attaquant le droit du travail. (Toute ressemblance avec un autre Macr.. est confirmée !). Malgré les directions syndicales qui ont été un frein aux luttes, les initiatives de résistance sont nombreuses. Tout le mois de décembre, des grèves et manifestations ont eu lieu, tellement massives que le parlement n’a pas pu siéger et voter. Ce n’est que le 19 décembre, dans un Parlement encadré par la police que la loi sur les retraites a été adoptée, au petit matin.

Si Macri est encore au pouvoir, c’est que la population a sanctionné Kirchner. Si Pinera est élu au Chili, c’est avec 56 % d’abstention et un vote contre Bachelet… Il n’y a pas de gouvernement de droite fort aujourd’hui en Amérique latine, ni celui de Temer, arrivé au pouvoir par un coup d’état au sommet. La droite est au pouvoir, car les gouvernements « progressistes », populistes de gauche ont échoué.
Un des signes de cette situation contradictoire est le bon score électoral de la FIT (front de gauche et des travailleurs/qualifiée d’extrême gauche) en Argentine qui a reçu 1,5 million de voix et qui a 40 élus localement ou régionalement. La majorité des jeunes, des travailleurs, des paysans pauvres et des indigènes ne veut pas de cette politique néolibérale et lutte de plus en plus.

Pas de retour de la droite au Venezuela

L’Amérique latine est à la périphérie, et non au coeur du système capitaliste, dépendante de l’impérialisme. Mais les choses ne vont pas toujours dans le sens que les impérialistes attendent et espèrent. Le Venezuela en est la preuve.
Les élections avaient ainsi amené la droite à avoir une majorité à l’assemblée. D’aucuns annonçaient le retour de la vieille droite, notamment les médias bourgeois français pressés d’enterrer la période de chavisme.

Mais Maduro a neutralisé l’Assemblée nationale en convoquant une nouvelle assemblée constituante. La participation à ces élections a été assez large malgré les menaces de coup militaire de la droite, les appels à l’abstention et les conflits dans la rue. Et malgré le contrôle bureaucratique de l’appareil de Maduro, une certaine partie des travailleurs a participé au processus en apportant un soutien très critique à la direction chaviste. Tout ceci a renforcé Maduro pour un temps qui a convoqué des élections des gouverneurs d’états. La participation y a été bonne et ce fut une défaite pour la droite. Les chavistes ont dû ouvrir un certain espace à des positions critiques à gauche, contre leur bureaucratie et leur programme. La situation sociale dramatique devient insupportable et va les rattraper. Le PIB a chuté de 36 % ! Et les habitants manquent de tout. Des luttes contre l’inflation et le coût de la vie vont se développer.
Combinée aux luttes nombreuses des jeunes, des travailleurs, des paysans pauvres et des indigènes, la construction d’une gauche à une échelle de masse qui se bat pour le socialisme est cruciale. C’est l’urgence du travail des militants marxistes révolutionnaires latino-américains.

Par Leïla Messaoudi