Un procès historique contre Deliveroo et l’ubérisation

Les 8, 9, 14, 15 et 16 mars derniers SUD commerce et services et la CGT assignaient Deliveroo pour un procès historique contre l’ubérisation des travailleurs.

En effet depuis 2015, Deliveroo joue avec le brouillard du statut d’auto-entrepreneur. Pourtant il y a tout à fait un lien de subordination : l’obligation de porter un uniforme, l’obligation de pointer pour montrer sa présence, de faire une demande de congés (non payés!) et même des sanctions de 10€ à tout va, etc.

Le 19 avril dernier, Deliveroo s’est vu condamné à : une amende de 375 000 euros pour travail dissimulé, 27 230 euros à payer à l’URSSAF, 50 000€ à chacun des syndicats intervenants, affichage sur la page d’accueil du site internet de Deliveroo de la condamnation et la requalification de ses travailleurs en CDI.

Les deux patrons de Deliveroo sont également condamnés à 12 mois de prison avec sursis et 5 ans avec sursis d’interdiction de gérer une entreprise et 30 000 euros d’amende.

La géolocalisation, ou le pouvoir de surveillance de Deliveroo

La géolocalisation avec l’application permet aux travailleurs de prendre des courses. Pour en avoir davantage, ils doivent les accepter en 40 secondes ! Sinon ils en ont moins. Aussi, ils doivent se connecter dans certaines zones pour obtenir plus de courses.
Certains travailleurs se connectaient de chez eux pour voir s’il y avait des courses. Avec la géolocalisation, Deliveroo pouvait voir le lieu exact de connexion. S’ils se connectaient de chez eux, ou de chez le client, par exemple, cela constituait une faute, donc moins de shifts par la suite.

« Bonjour à tous, il y avait trop d’absents ce midi, ce n’est pas normal, nous vous rappelons qu’une absence non déclarée constitue une faute ».
« Si vous vous absentez plus de 7 jours, vous pouvez faire une demande pour nous en informer.
« Il faut poser une absence 3 jours à l’avance pour éviter de perdre des shifts ».
« Ta demande de congés est refusée ».

Payés à la course alors que certains travaillent 70 heures semaine avec Deliveroo.
Chaque travailleur doit négocier lui-même le tarif de sa course avec Deliveroo. Les tarifs varient de 2€, 3€ ou 4€ la course ! Ils augmentent si pendant 2 mois consécutifs, le livreur accepte en moins de 40 secondes une course, n’a aucun avis négatif des clients, présent à 85 % des shifts.

Le port de l’uniforme et du sac isotherme Deliveroo est obligatoire. Au début d’une prestation chaque travailleur reçoit sa panoplie en échange d’une caution. Les clients de Deliveroo peuvent même dénoncer les livreurs qui portent ne portent pas leur uniforme correctement.

Les sanctions

C’est souvent des sanctions pécuniaires de 10€. En plus Deliveroo peut bloquer l’accès à la plateforme dématérialisée pour empêcher de travailler.

« Au premier avertissement rappel de la règle, au 2e une retenue tarifaire, au 3e une rétrogradation dans les shifts, au 4e la rupture du contrat, au bout de 2 mois sans ratés les trois premiers avertissements seront effacés. »

« Tu as une retenue de 10€ car tu as manqué plusieurs shifts. » « Tu as un retrait de shifts, recrée ton planning. »

Deliveroo profitait même pour faire travailler des sans-papiers qui espéraient un revenu. Pour travailler ils avaient recours à un marché noir de location de comptes dématérialisés. En plus de ça, les auto-entrepreneurs doivent verser 25 % de leur gain à Deliveroo et 25 % à l’URSSAF. Voir Article Egalité n°208.

Ce procès est le premier à mettre un vrai coup d’arrêt à Deliveroo. Il est aussi un exemple contre l’ubérisation des travailleurs. À présent les livreurs pourront avoir des représentants syndicaux et se référer à une convention collective.

L’ubérisation met en péril les travailleurs quelque soit leur origine. Cette situation est inadmissible.
Nous soutenons entièrement leur lutte contre la précarité.

Article paru dans l’Egalité n°210