Tours, il y a 100 ans : fondation du Parti Communiste (1/3)

Un long chemin vers la scission de 1920

Ces articles sont parus dans le dossier « Tours : il y 100 ans, la fondation du Parti Communiste » de l’Egalité n°203. Ils sont accompagnés d’autres articles qui seront publiés prochainement sur le site.

De 1905 à 1914, c’est Jean Jaurès qui est le principal dirigeant de la SFIO (section française de l’Internationale Ouvrière, la Deuxième Internationale). C’est d’ailleurs lui qui a fondé, en 1904, le journal L’Humanité !
A l’approche de l’année 1914, de nombreuses tensions émergent en Europe, notamment avec la guerre dans les Balkans, qui impliquait bon nombre de pays sud européens. Ces tensions étaient si fortes, à cause des jeux d’alliance entre les pays européens, qu’elles n’allaient pas tarder à envahir l’Europe.

Les sections membres de la Deuxième Internationale décident donc de se réunir les 24 et 25 novembre 1912 dans la cathédrale de la ville de Bâle, en Suisse, pour voir comment combattre au mieux cette guerre et les risques de guerre inter-impérialiste. 555 délégués de 23 pays différents participent à ce congrès.

Une résolution, proposée par Jaurès, Adler, Bebel…, est adoptée à l’unanimité : « Si une guerre menace d’éclater, c’est un devoir de la classe ouvrière dans les pays concernés, c’est un devoir pour leurs représentants dans les Parlements, de faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre ».

Mais les tensions continuent de grandir

Jaurès ne cesse de dire que si une guerre venait à se déclarer, il faudrait que les socialistes d’Europe ne votent pas les crédits de guerre, et que les partis socialistes s’unissent pour une grève générale ouvrière. Mais malheureusement, il sera assassiné le 31 juillet 1914. La guerre mondiale commence au mois d’août. Les députés socialistes français, au mépris de ce que disait Jaurès, vont voter les crédits de guerre, ce qui est une première car jamais les socialistes ne votaient le budget !

Pendant la guerre, deux socialistes iront jusqu’à entrer au gouvernement, chose inédite car aucun socialiste de la SFIO n’avait jusqu’à présent participé à un gouvernement bourgeois !

Zimmerwald

Et c’est seulement en 1915 que quelques voix vont commencer à s’élever en disant que ça va trop loin dans « l’union sacrée », et qu’il ne fallait pas entrer au gouvernement.

Fin 1915, des socialistes internationalistes d’Europe se réunissent à Zimmerwald, dénoncent la guerre et vont tenter de rappeler à l’ordre leurs camarades. C’est Loriot qui, de retour en France, est chargé d’annoncer les décisions prises à cette conférence. Mais il ne sera pas écouté, et quelques mois plus tard c’est le début de la bataille de Verdun qui va renforcer la propagande nationaliste.

En 1916, celle-ci est divisée en trois camps. Le premier, le plus à droite, majoritaire, est celui des partisans patriotiques, ceux pour la guerre. Ensuite la partie centriste, une minorité grandissante, celle de ceux qui sont pour la guerre, mais qui pensent qu’on va trop loin dans l’union sacrée. Et enfin la plus petite minorité, les zimmerwaldiens, donc contre la guerre.

L’année 1917 avec la révolution russe va véritablement marquer un tournant, les soviets qui demandent la paix immédiate inquiètent beaucoup les gouvernements français et britannique. Et quand plusieurs mois plus tard la guerre se terminait enfin, la SFIO ressort dévastée. Une grande partie des militants sont morts pendant la guerre. Ceux qui en reviennent sont en colère contre la direction du parti qui pendant ces quatre années de guerre les a laissés dans les tranchées sans rien faire, et allant même jusqu’à voter les crédits de guerre et entrer au gouvernement. Et donc la partie majoritaire de la SFIO (celle pour la guerre) va s’effondrer. Mais ce sera au profit de la partie « centriste » dirigée par Jean Longuet, et avec le soutien de Blum, Cachin et Frossard.

Le tournant révolutionnaire

La révolution prolétarienne victorieuse en Octobre 1917 en Russie et pouvant s’étendre partout en Europe donne beaucoup d’espoirs aux révolutionnaires. Les années 1919 et 1920 sont marquées par de très nombreuses grèves ouvrières, très soutenues par les partisans de la IIIème Internationale. À la fin de ces grèves, la SFIO est divisée en deux : d’un côté les réformistes derrière Blum, et de l’autre, les révolutionnaires dont l’influence ne cesse de grandir, derrière Loriot et Souvarine. Mais ces deux derniers seront jetés en prison pour une durée d’un an, pour avoir soutenu ces grèves.

Malgré leur arrestation, ils vont activement militer pour que la SFIO quitte la Deuxième Internationale, ce qui sera le cas en février 1920 avec 92% des voix, et rejoigne la Troisième Internationale. Pour étudier les conditions d’adhésion à cette nouvelle internationale, Cachin et Frossard sont envoyés en Russie. C’est à ce moment-là que la décision de faire un nouveau congrès est prise. Ce sera en décembre 1920 à Tours !

Par Rachel Simon

1920, Congrès de Tours : un tournant pour le mouvement ouvrier

De nombreuses grèves déterminées se sont multipliées en 1919 et 1920 dans le textile, les mines et chez les cheminots. Elles furent activement soutenues par des militants de la SFIO (section française de l’internationale ouvrière) regroupés dans le comité pour la 3ème internationale. C’est eux qui rédigèrent la motion d’adhésion à la 3ème Internationale mais, étant en prison, ils durent laisser Cachin et Frossard, vieux dirigeants SFIO longtemps hostiles à une telle décision, la présenter.

À l’ouverture du congrès, tout le travail dans les fédérations laissait prévoir un vote majoritaire.

Les débats furent houleux principalement sur les 21 conditions d’adhésion à l’Internationale. Ces conditions sont une série de principes fondamentaux du marxisme en matière de programme, de pratique syndicale, de refus. Elles étaient communes à toutes les sections. Clara Zetkin, dirigeante révolutionnaire allemande, opposante dès la 1ère heure à la guerre mondiale, était la représentante de la 3ème Internationale. Le vote fut sans appel avec 3252 mandats pour, 1022 contre. La scission était actée. La SFIC (section française de l’internationale communiste), futur Parti communiste, était née. On était sur la bonne voie mais c’était loin d’être un parti communiste. Il y avait beaucoup de faiblesses dont l’absence d’une vraie direction politique. C’était néanmoins un véritable tournant, un potentiel énorme pour un parti révolutionnaire de masse.

Par Marie-José Douet

Salle du congrès de Tours, 1920