Difficile de dire aisément quelles peuvent être les prochaines étapes dans la lutte contre la loi Travail. Après le passage de la loi au Sénat, son durcissement par les Républicains en ce moment même, la loi va repasser à l’Assemblée Nationale, où sera utilisé à nouveau le 49-3.
Les députés qui se disent « frondeurs » vont-ils cette fois-ci réellement présenter une motion de censure pour faire chuter ce gouvernement haï de tous ou se ranger le prétexte du soi-disant « danger de la droite » pour masquer leur propre couardise face à Valls-Hollande ? Le plan de l’adopter en juillet pendant que les travailleurs et les jeunes sont en congés n’est pas nouveau, mais pour autant la loi n’aura aucune valeur sans ses décrets d’application, rien n’est terminé donc.
De prochaines journées de grève et de manifestation sont déjà annoncées notamment les 23 et 28 juin. Les grèves peuvent se poursuivre et s’amplifier ! Mais il faut s’en donner les moyens dans le mouvement et dans nos syndicats !
La perspective d’un mouvement de grève généralisée, d’un blocage total du pays par une grève générale ne semble pas à l’ordre du jour pour le moment. Mais cela reste un réel objectif. Si nous avons déjà pu les faire trembler tant que cela avec seulement quelques secteurs en grève, imaginons la force et la puissance d’une grève qui serait mieux préparée et plus massive ! En effet, la mobilisation historique depuis plus de trois mois a des faiblesses : l’une d’elles est la difficulté à discuter collectivement de la lutte, à coordonner les actions pour pouvoir convaincre un nombre plus important de travailleurs et de jeunes que c’est le moment d’y aller tous ensemble pour les faire plier. Ainsi, il a manqué de grands meetings de lutte, comme cela a pu se faire au Havre le 2 juin par exemple, où des grévistes de la CIM (le terminal pétrolier du Havre) côtoyaient à la tribune des intellectuels engagés devant un public scandant « tous ensemble, grève générale ! ».
L’absence d’assemblées générales en importance et en nombre suffisants dans les différents secteurs en grève, et de comités de grève et de mobilisation limite le mouvement dans sa portée. La question se pose avec d’autant plus de force quand on sait que syndiqués et non-syndiqués luttent souvent au coude à coude dans certains secteurs où le niveau de syndicalisation est plus faible. Un temps, les assemblées de Nuit Debout dans plusieurs villes ont joué un rôle de centralisation et de force de propositions. Cependant l’unité avec le mouvement syndical ne s’est pas généralisée au point que des assemblées puissent décider collectivement des suites, ni de plate-formes de revendications à défendre ensemble.
Tout le monde sait que l’été n’est de fait pas le moment idéal pour généraliser le conflit par la grève. Par contre, le gouvernement est bien coincé et fébrile. La mobilisation du 14 juin a été une démonstration de force de la classe des travailleurs avec des milliers de Dockers, de postiers, d’ouvrier de la métallurgie… Il faut s’appuyer sur cette force pour préparer la suite. D’une part le mouvement de grèves sectorielles n’est pas fini. Si les raffineries ou les cheminots ont repris le travail, d’autres grèves continuent dans les déchetteries ou ailleurs. Et combien qui ne sont pas assez connues : éboueurs de Bordeaux, chauffeurs de bus d’Albi, facteurs de Rouen ou des Hauts de Seine. Des grèves victorieuses (comme celle des aides à domicile de Caux domicile, près de Dieppe, personnels des Urgences du CHU de Rouen) se terminent tandis que d’autres continuent (personnels du centre de rééducation de Tour de Gassies-33-) ou vont se déclencher (journalistes de Francetvinfo, hôpital de pau…). Ces luttes spécifiques, notamment dans les hôpitaux ou chez les intermittents du spectacle… et sont fortement liées au mouvement contre la loi El Khomri. L’ambiance de résistance n’est pas prête de s’arrêter !
Les perspectives pour la lutte sont cruciales : il est temps que tous ceux et celles qui sont mobilisés, qui ont cumulé plusieurs jours de grève contre la loi travail, qui bloquent, qui occupent des places, qui mobilisent,… s’organisent pour discuter davantage. Il ne faudrait pas sous-estimer le succès de la manifestation du 14 juin qui reste une des plus grandes manifestation de travailleurs qu’on ai connu. La mobilisation est toujours soutenue par la population, avec 65 % des personnes qui sont pour le retrait de la loi travail dans les sondages. Il faut donc que la mobilisation continue à être visible et cherche à gagner un soutien actif dans de larges couches de la population. Les meetings de lutte, les assemblées générales dans chaque ville doivent se réunir avant les vacances d’été pour proposer de discuter des suites à la mobilisation.
Décider des suites du mouvement tous ensemble : une nécessité !
La rencontre entre El Khomri et le secrétaire général de la CGT Martinez le 17 juin n’a rien donné, ce qui était à prévoir. De toutes façons, nous ne sommes pas pour des négociations « dans les salons », dans le dos des travailleurs et de ceux et celles qui luttent et il est évident que la grande majorité de ceux qui luttent depuis presque 4 mois non plus.
Et de toutes façons, il n’y a rien d’autre à négocier avec ce gouvernement que le retrait de la loi. Il faut rendre public les éléments contenus dans cette rencontre car le seul argument du gouvernement est que des « syndicats » (en fait une poignée de dirigeants syndicaux de la CFDT et de l’Unsa qui n’ont même pas consulté leur base pour demander son avis) soutiennent le texte. Le vrai argument que ne dit pas le gouvernement, c’est que le Medef et les grands patrons veulent ce texte, et que c’est devant eux que Valls-Hollande s’inclinent. Ce gouvernement qui se prétend « démocratique » gouverne pour une poignée de multinationales, voilà ce qu’il faut aller dire dans les assemblées générales des syndiqués dans les unions locales, départementales et dans les syndicats de branche. Cela veut dire que nous sommes en fait dans le début d’une lutte prolongée contre une vague d’attaques par le patronat et le gouvernement et que la mobilisation entamée depuis mars a montré une grande capacité de résistance de la part de la jeunesse et des travailleurs. C’est l’avenir du syndicalisme sur des bases démocratiques, combatives, de classe qui est en jeu pendant cette lutte.
Se servir de l’expérience acquise pour préparer les autres combats
Si le gouvernement a quelque part déjà perdu la bataille, quoi qu’il advienne de cette loi, c’est parce qu’il a redonné une légitimité à la lutte. Et que ce soit ce gouvernement ou n’importe quel autre, il y a un accord chez tous les politiciens pour casser nos droits, nos services publics… Et il va falloir qu’on se batte contre tout ça ! Préparons-nous d’ores et déjà à commencer des campagnes dans nos lieux de travail : on veut de vraies augmentations de salaire ! Des luttes ont déjà eu lieu, comme à Amazon, pour demander une juste rétribution de notre travail, alors appuyons le mouvement ! On se serre la ceinture depuis 2008, maintenant ça suffit ! On réclame notre dû ! On veut pouvoir travailler dans de bonnes conditions : des créations de postes partout où il y en a besoin ! C’est ce pour quoi se battent les postiers en lutte. Et les sujets ne vont pas manquer (y compris avec l’extrême droite qui va commencer à la rouvrir quand la situation sera moins agitée).
La salve d’attaques n’est pas finie, alors organisons-nous et repartons à l’offensive ! C’est le moment !