Quels changements à gauche et pour faire quoi ?

On a l’impression qu’ils ne se sont pas quittés de l’été. Même à la fête de l’Humanité on a retrouvé ensemble : Marie Georges Buffet (PCF), JL Mélenchon (P.S., courant pour la république sociale), José Bové, Olivier Besancenot (LCR)… conformément à ce qu’ils disaient avant l’été, les ténors du collectif pour le Non de gauche continuent donc leurs meetings et discussions communes. Oui mais pour faire quoi ensuite ?

Article paru dans l’Egalité n°115

Le ralliement de Mélenchon (et celui plus discret mais réel de Bové) à Fabius qui entend s’instaurer « gauche » officielle du P.S. avant d’essayer dans prendre la tête n’est pas anodin à quelques semaines du congrès du PS. Il y a clairement la volonté d’accrocher le réseau issu des collectifs pour le Non au PS en espérant un changement de majorité dans ce parti.

C’est également la condition que demande la direction du P.C.F., qui avait par ailleurs invité Fabius à la fête de l’Humanité. De nombreux militants de ce parti ne sont pas dupes cependant : Fabius a été copieusement sifflé. Son récent tournant à gauche est clairement vu pour ce qu’il est : une adaptation à la colère sociale qui existe actuellement et une tentative de la capter en vue des présidentielles de 2007.

Un programme ?

A l’intérieur du PS, le ralliement d’Emmanuelli, de Peillon et Montebourg à Fabius semble possible pour le congrès de novembre. Unie autour de Fabius, la gauche du PS a de forte chance de l’emporter, une partie de l’actuelle direction pouvant même les rejoindre. Qu’il y ait fusion des textes ou alliance ponctuelle, ce qui caractérise tous ces courants est néanmoins de ne pas dépasser la gestion du capitalisme. Fabius parle de revalorisation du pouvoir d’achat, de droit au logement etc. mais ça ne va pas plus loin. De telles promesses trouveront certainement un écho en face de la politique ultra libérale de Villepin-Sarkozy, mais qu’en adviendra t-il au gouvernement ? Comme d’habitude ce seront les intérêts des capitalistes qui pèseront le plus. La tentative d’amoindrir les dégâts causés par l’offensive des capitalistes contre les travailleurs ne tiendra pas face à l’exigence de la part des grands patrons français d’une politique qui leur permette de tenir leur rang dans la compétition internationale.

Une alternative sans le P.S. ?

Dans la foulée du Non, le PCF et la LCR ont présenté une candidature commune à une élection législative partielle à Nancy. Ce qui est intéressant, c’est la base sur laquelle s’est fait cet accord : toute une série de revendications dont certaines sont fort justes (hausse de 300 euros des salaires, le smic à 1500 euros, la santé gratuite etc.), mais à aucun moment il n’est fait référence au capitalisme et à la nécessité de son renversement, aux luttes, aux moyens de mettre en place ces revendications.

C’est comme un écho aux déclarations de la LCR ou du PCF. Buffet déclare ne pas vouloir retourner au gouvernement s’il n’y a pas de rupture avec les politiques antérieures, et la LCR parle de la nécessité d’un front permanent politico-syndical. Ce qu’on de commun ce genre de déclarations, c’est tout ce qu’elles ne disent pas. Qu’est ce que donc que ce front et quelle serait donc cette rupture ? Verra t-on le PCF rejeter tout accord avec le PS qui ne comporterait pas des mesures comme la renationalisation de tous les secteurs privatisés (dont beaucoup sous le gouvernement Jospin avec des ministres PCF), la fin de la flexibilité et de l’annualisation contenus dans les accords loi Aubry etc. ? Verra t-on la LCR proposer son front sur de telles revendications ou préférera t-elle un vague « tous ensemble contre le Medef » ?

La direction du PCF cherche un moyen de justifier son alliance future avec le PS et dans ce cadre, la LCR lui donne un alibi de gauche. Quand le P.C.F. n’en aura plus besoin il s’en débarrassera à moins que d’ici là la force la LCR, n’osant plus effectuer un nouveau tournant, soit définitivement dans le sillage du PCF.

Un nouveau parti des travailleurs est possible

Pourtant un parti rassemblant tous ceux, au PCF, dans les syndicats, à la LCR et ailleurs, qui veulent lutter contre le capitalisme, contre les attaques des patrons et du gouvernement est possible aujourd’hui. Il permettrait de réellement préparer les luttes, contre l’inertie des bureaucraties syndicales, il permettrait également de discuter du programme qui est nécessaire aujourd’hui pour réellement satisfaire les besoins de tous. En étant ouvert et démocratique, basé sur la perspective du socialisme, un tel parti donnerait la possibilité à des milliers de jeunes et de travailleurs de se politiser, de faire leurs expériences, d’acquérir une compréhension globale de la situation politique et sociale actuelle, et de comment renverser le capitalisme.

C’est cela que pourrait mettre en avant la direction de la LCR (ou qu’aurait pu faire la LCR et LO lors de leurs successives alliances électorales). Et nous y participerions sans retenue si cela survenait. Même avec un programme limité, un nouveau parti à gauche du P.S. aurait un impact et rien n’interdirait à la Gauche révolutionnaire d’y participer, au moins pendant un temps, pour y défendre une perspective réellement socialiste, seul moyen d’en finir avec les horreurs du capitalisme.

Mais pour l’instant ni les discours, ni les discussions entre les forces présentes dans les collectifs pour le Non ne prennent cette direction. Pourtant, les attaques du gouvernement vont continuer et s’accentuer, et un tel parti fait vraiment défaut. Aux travailleurs, aux jeunes, de s’organiser eux mêmes pour construire les luttes, et tous ceux qui partagent notre orientation ne doivent plus hésiter à nous rejoindre.

Par Alex Rouillard