Quelle orientation prend la LCR ?

La LCR va bientôt tenir son congrès national. Nous souhaitons confronter nos analyses de la situation politique et notre orientation à celles, nombreuses et diverses, dont vont débattre les militants de la LCR.

Article paru dans l’Egalité n°100

La LCR a connu un afflux d’adhérents pendant les présidentielles dont on a pu voir les effets lors de certaines manifestations, mais pas toutes. Elle réaffirme régulièrement son « ancrage anti-capitaliste », et clame vouloir construire « une nouvelle force en rupture avec l’ancienne gauche plurielle ». Mais il est deux manières d’appliquer cette orientation. L’une consiste à réellement construire un nouveau parti des travailleurs, pour le socialisme, d’y défendre une orientation révolutionnaire et d’être prêt à beaucoup de patience et de souplesse pour que cela se fasse. L’autre consiste ni plus ni moins à remplacer l’ancienne gauche plurielle, et donc construire une force qui ne serait plus réellement délimitée par l’objectif stratégique de non seulement s’attaquer au capitalisme mais de le renverser. Elle deviendrait ouverte à tous les courants qui se positionnent contre le système actuel et les partis à son service, sans mettre au cœur de leur démarche l’organisation de la société par les travailleurs eux-mêmes.
En fait, aucune initiative n’est réellement prise dans un sens ou dans un autre, et les diverses orientations ne se confrontent jamais complètement et donc ne se clarifient pas. L’un des résultats est le relatif échec des forums pour une  » nouvelle force anticapitaliste « , annoncés en juin, mais organisés bien après. Selon les villes, on a discuté de choses différentes, ici de construire un forum social local, là un front de lutte permanent, parfois d’un nouveau parti 100 % à gauche ou même révolutionnaire etc. Faire la synthèse de tout cela pour définir une orientation commune risque de s’avérer très difficile car cela correspond à des aspirations et des nécessités qui ne sont pas contradictoires mais ne relèvent pas des mêmes priorités, ni des mêmes possibilités.

Des tactiques divergentes au sein de la LCR dans la riposte à la guerre

D’un coté il y a cet appel fréquent à ce que Chirac use de son droit de veto à l’ONU, et ce sans expliquer que ce n’est pas cela qui empêcherait la guerre. Une telle orientation peut conduire à de nombreuses désillusions. L’objectif reste à court terme : démasquer Chirac ou faire pression sur lui. Cela a pris le dessus sur l’objectif à long terme : organiser les travailleurs, les jeunes etc. pour qu’ils s’opposent à la guerre par des actions de masse, démocratiques, par le blocage des trains, des raffineries etc. Et surtout, c’est perdre de vue l’essentiel, cette guerre n’est ni la première ni la dernière, car elle est le produit du capitalisme. Il faut donc considérer chaque lutte comme un renforcement tant politique que militant de la prochaine. Pour nous, la question cruciale est d’organiser tous ceux qui veulent s’opposer à cette guerre, qu’elle se fasse sous mandat de l’ONU ou pas. On ne construira pas un mouvement contre la guerre sur la revendication du Veto au conseil de sécurité à l’ONU. Dans ce cas là, on ne construira que des manifestations, de masse certes, mais où on propose aux manifestants de s’en remettre aux institutions existantes.

Le veto est une question qui n’a heureusement pas dominé, la réunion convoqué à Paris par Agir contre la guerre (ACG) qui se veut une coordination des comités anti-guerre, et qui a été lancée et gérée, entre autres, par des militants de la LCR. Cette réunion a fort justement souligné la grande portée de la journée de manifestation du 15 février mais sans en souligner les limites. Parlant d’un mouvement qui portait en lui la  » possibilité d’obtenir le retrait des troupes impérialistes du Moyen Orient et même d’Afrique « , à aucun moment, une moindre action concrète pour aller dans ce sens n’a été proposée ou discutée.

Il y a fort à craindre que les nombreux militants qui animaient cette réunion aient eux même l’illusion qu’il suffirait d’être des millions en manifestation pour obtenir cela. Mais Blair, Aznar, Berlusconi montrent qu’ils sont prêts à affronter une crise politique pour satisfaire les volontés de leurs bourgeoisies respectives.
Bien sûr aujourd’hui relier guerre et gouvernement et chercher à se débarrasser de Chirac et Raffarin n’est pas la préoccupation de la majorité des anti-guerre. Mais le seul moyen de se débarrasser de la guerre, c’est de poser cette alternative simultanément à la construction du mouvement anti-guerre. Le rôle d’une organisation révolutionnaire est de montrer les voies qui permettent d’ouvrir l’alternative au système actuel et de construire l’instrument nécessaire : un parti basé sur les luttes.
L’importance cruciale de la perspective socialiste

En basant, avant tout, l’activité militante sur la mise à l’épreuve des institutions on limite la portée politique de chaque lutte. Bien que son discours soit plus combatif contre le capitalisme, la LCR garde pour l’instant la même approche de fond. La perspective socialiste reste globalement sans application immédiate. Or le socialisme démocratique, c’est la prise en main par les travailleurs eux même de la gestion des affaires économiques. Cela demandera de se débarrasser des institutions actuelles.

Un parti basé sur cette perspective est une nécessité aujourd’hui mais les grands écarts que la LCR fait entre diverses orientations ne permettent guère d’accélérer le processus. Si la LCR, sous la pression des nombreux nouveaux militants et des plus anciens qui ont retrouvé de l’enthousiasme, propose à tous ceux et toutes celles qui le souhaitent une formation ouverte et démocratique, où chacun peut s’impliquer, et basée sur une perspective authentiquement socialiste, nous sommes prêts à débattre.
Mais comme toujours, les actes sont plus importants que les mots.

Par Alexandre Rouillard