Pour une lutte de masse sociale et démocratique en Iran !

Suite au meurtre d’une jeune femme, Marsha Mehran, par la sanguinaire police des mœurs, la jeunesse iranienne se soulève une nouvelle fois depuis plus d’une semaine contre le joug réactionnaire du pouvoir religieux. Cette révolte contre l’ordre moral et l’absence de droits démocratiques s’étend peu à peu à l’ensemble des villes d’Iran : 156 villes seraient touchées par la mobilisation dans plus de 30 provinces du pays.

Sous la forme essentiellement de manifestations et d’affrontements nocturnes, la contestation est réprimée dans le sang, puisque la police aurait fait plusieurs dizaines de victimes officiellement – beaucoup plus selon les ONG qui parlent de 200 morts – un millier de blessé-e-s et des milliers d’arrestations. L’Etat tente de bloquer la mobilisation en coupant internet et les réseaux sociaux sur lesquelles elle s’organise.

Un régime sur des braises ardentes mais qui tient… jusqu’à maintenant !

En 1979, la révolution iranienne renverse le régime monarchique, dictatorial et violent du Shah Mohammed Reza Palhavi, soutenu par l’impérialisme américain et occidental après plusieurs mois de luttes, de manifestation et de grèves. Le mouvement religieux autour de l’ayatollah Khomeini s’impose par la violence sanglante entre autre à l’encontre des autres courants ayant pris part à la révolution, en particulier contre les différents courants staliniens ou communistes.

Ils instaurent un régime dirigé par les mollahs, les ayatollahs et les Gardiens de la révolution. La République islamiste est proclamé le 1er avril 1979, le système capitaliste est maintenu – les religieux n’ayant pas le moins du monde envie de le remettre en cause, au contraire ! – et l’ordre moral religieux s’impose à tous et surtout à toutes.

Durant une décennie, entre 1980 et 1990, l’Iran est en guerre contre l’Irak de Saddam Hussain. L’Etat autoritaire et meurtrier irakien servant de fer de lance de l’impérialisme occidental contre la République islamique d’Iran – avant qu’il ne devienne à son tour un prétexte pour envahir le pays. Toute contestation est bien évidemment difficile à exprimer durant cette période.

Le mouvement ouvrier iranien, en particulier syndical, est interdit, en grande partie laminé et quoi qu’il en soit l’activité ouvrière est clandestine et fortement réprimée. Il n’est pas rare que des militants ouvriers qui mènent une « activité syndicale » (donc de manière autonome aux conseils islamiques du travail : organismes regroupant à la fois les représentants du ministère du travail, des employeurs et des salarié-e-s dûment sélectionné-e-s pour leur allégeance au gouvernement et pour leur affiliation religieuse) se retrouvent derrière les barreaux.

Cependant, depuis plus de 10 ans – en 2009, 2011 et 2012, en 2017-2018 puis en 2019-2020 et aujourd’hui (voir ci-contre le rappel des soulèvements en Iran) – l’Iran est secoué régulièrement par des mouvements sociaux et démocratiques de grande ampleur.

Ces soulèvements de masse ont entrainé successivement à plusieurs reprises des couches différentes de la population :  d’une part, la jeunesse étudiante, la classe moyenne et la petite-bourgeoisie iranienne (en voie de déclassement à cause de la situation économique) sur des questions politiques (électorales), de corruption et des droits démocratiques, en particulier liés à l’organisation sexiste de la société. D’autre part, les couches de travailleurs et pauvres, de petits patrons en difficulté sur des revendications d’ordre social due à la hausse des prix en particulier concernant le carburant.

Parallèlement à ces luttes de masse, la classe ouvrière, en particulier dans les secteurs du pétrole, des mines, de l’industrie ou de l’éducation, lutte régulièrement et organisent des mouvements de grève qui sont réprimés par des arrestations, la condamnation et l’emprisonnement des militants syndicaux.
Tous ces mouvements sociaux marquent une aspiration forte à la fois à une amélioration des conditions de vie, de travail, mais aussi à en finir avec l’ordre moral, la république islamique et donc à acquérir de droits démocratiques inexistants pour l’instant dans le pays. Ils ont en commun de cibler les autorités aux mains de la caste religieuse, d’une manière de plus en plus évidente, sans pourtant réussir jusqu’à maintenant à renverser le pouvoir, et en subissant une répression sanglante féroce.

Pour un mouvement des travailleurs, des pauvres et de la jeunesse

La jeunesse étudiante se soulève donc une nouvelle fois contre l’ordre moral, l’absence de droits démocratiques et contre la violence meurtrière des affidés du pouvoir religieux. S’il existe certainement un mouvement de sympathie dans la population pour leur combat, cette jeunesse héroïque reste néanmoins isolée dans ces manifestations nocturnes et ces affrontements avec la police, qui restreint de fait la participation aux actions à celles et ceux qui acceptent le danger encouru des combats de rue.
Le risque de cet isolement, c’est que le rapport de force instauré ne soit pas suffisant pour défier le pouvoir, et par conséquent qu’une nouvelle fois cette contestation sociale s’épuise dans un mouvement qui atteindra ses limites au fur et à mesure que les victimes de la répression s’amoncelleront.

La jeunesse étudiante en lutte doit se lier à la classe ouvrière et aux couches précarisées et pauvres de la société en portant, en plus des aspirations démocratiques légitimes, en particulier d’égalité entre les femmes et les hommes, les revendications sociales d’amélioration de vie et de travail pour la majorité de la population.

La classe ouvrière doit pouvoir s’engager dans la lutte actuelle, comme en 2019, pour de meilleurs salaires et le blocage des prix, et, au moyen de la grève dans les entreprises, en particulier dans le secteur pétrolier, mais aussi dans les services publics, mener le combat contre la République islamique d’Iran.
Un front de la classe ouvrière, des pauvres et de la jeunesse, et leur organisation au sein d’un parti, sera nécessaire pour faire vaciller puis renverser le pouvoir, en portant les aspirations à la justices sociales, à l’égalité et à la démocratie de toutes la population. La détresse et le dénuement des travailleurs, des travailleuses et de la jeunesse iranienne ne prendra fin qu’en renversant l’Etat islamique et en construisant une société socialiste.

Par Yann Venier