Esteban Volkov, le petit-fils de Léon Trotsky, le seul rescapé de cette famille entièrement massacrée sur ordre de Staline (même celles et ceux qui n’étaient pas militants), a lancé récemment un appel signé par des centaines d’universitaires, de dirigeants et de militants de gauche.
En cause la diffusion, par la plateforme en ligne Netflix, d’une série intitulée « Trotsky ». Cette série, produite par Rossiya 1 (la télévision entièrement contrôlée par Poutine), poursuit un objectif : discréditer l’idée même de révolution et donc falsifier l’histoire pour atteindre cet objectif. Il faut donc ainsi présenter Trotsky et Lénine comme avides de pouvoir, obsédés par une rivalité personnelle, et inventer des événements pour justifier ces mensonges.
On se retrouve avec une scène où Lénine essaye de balancer Trotsky du haut d’un balcon ! Des complots ourdis de longue date par l’Allemagne à coup de millions et dont Trotsky était le bénéficiaire, les marins et ouvriers révolutionnaires systématiquement des ivrognes, les soviets présentés comme de simples lieux où viennent parler des orateurs… L’objectif est bien de faire passer les révolutions russes pour des anomalies dans l’histoire de la Russie.
L’Obsession de la falsification
Enfin, Staline est bien évidemment un personnage modéré, opposé à la violence (sans rire), et même la fable de Staline proche collaborateur de Lénine en 1917 nous est resservie (alors même que Lénine avait dû se cacher quasiment 4 mois durant avec Kamenev comme seul compagnon). Pour dénigrer la révolution, il faut présenter Staline comme le moins révolutionnaire possible. Un comble pour ces descendants des staliniens qui ont eu à coeur de falsifier l’histoire en prétendant un Staline aux avant-postes de la révolution, ce qu’il n’était évidemment pas.
Et la série ne traite en aucun cas de la mise en place du pouvoir stalinien et de la bureaucratie, ni des procès de Moscou : les scènes en Russie s’arrêtent en 1924 ! L’assassinat de Trotsky par Jacson/ Mercader est présenté comme un acte de légitime défense… C’est le vieux révolutionnaire de 60 ans qui l’agressait à coup de canne et le jeune et athlétique agent du KGB ne faisait que se protéger. On pourrait presque en rire. La falsification de l’histoire poursuit toujours un but politique. L’objectif de la série est clair : il s’agit à la fois d’assassiner Trotsky encore une fois et avec ça, toutes les révolutions russes (et les révolutions tout court) pour la seule gloire des pouvoirs en place et du régime de Poutine en Russie. Présenter les révolutions comme des anomalies et le maintien en place de classes dirigeantes comme la bonne solution.
À double tranchant
Les journaux ont tous rappelé les énormes erreurs historiques que comporte la série. Et un autre aspect échappe complètement à la logique de l’idéologie grand russe poutinienne : le nom de Trotsky a été banni en Russie soviétique même après la restauration du capitalisme. Même son village natal a été rasé sur ordre de Staline. En faisant cette série, le paradoxe est que le nom de Trotsky est réapparu dans toute la Russie, certes avec son lot de calomnies, mais à n’en pas douter certains chercheront plus loin, notamment au vu des incohérences du scénario. Même à coup de calomnies et de mensonges, la série restaure une chose : Trotsky était bien, avec Lénine et d’autres, et au contraire de Staline, un des personnages centraux de la révolution de 1917.
Et cela vient rappeler ce qu’Esteban Volkov souligne dans sa tribune : « on sait que Staline souhaitait faire assassiner Trotsky avant le début de la Seconde Guerre mondiale dans la mesure où il savait qu’un conflit aurait pu engendrer une révolution politique en URSS.
C’est pour cette raison et en fonction de la perspective de la révolution sociale dans les pays capitalistes que Trotsky et ses partisans fondèrent la IVè Internationale.
On songera au fait que lors d’une entrevue, en août 1939, entre Hitler et l’ambassadeur français à Berlin, Coulondre, le Führer avait déclaré qu’en cas de guerre, “ le vrai gagnant [serait] Trotsky ”. C’est le nom que les bourgeoisies impérialistes avaient donné au spectre de la révolution. » Aujourd’hui encore, ces mêmes bourgeoisies doivent craindre les idées et analyses du grand révolutionnaire et que nous faisons nôtres : vive la révolution socialiste mondiale !
Par Alex Rouillard