L’économie mondiale en surchauffe : des profits record, une pauvreté galopante

Les grandes entreprises françaises du CAC 40 annoncent des profits records (42,7 milliards de bénéfices pour 14 entreprises), la croissance mondiale, tirée par la Chine, progresse de plus de 4% par an depuis 2003. L’économie capitaliste peut donc à première vue sembler florissante. Mais cette « réussite » est fragile. Elle tient à une aggravation de l’exploitation des travailleurs et cette croissance a en même temps un caractère hautement spéculatif, donc instable.

Article paru l’Egalité n°124

La période est marquée par un accroissement énorme des inégalités, et cela que ce soit dans les pays occidentaux anciennement industrialisés ou les pays « émergents » dont l’économie se développe à marche forcée. Les 10% les plus riches détiennent 85% des richesses mondiales, alors que la moitié de la population du monde n’en possède que 1,1% ! De nos jours, un milliard de personnes survivent avec moins d’un dollar par jour. En même temps, l’élite des élites, 85 000 ultrariches (0,00001% de la population mondiale !), contrôle 24% des richesses. Cette inégalité s’accroît à la fois dans chaque pays et entre pays riches et pays pauvres. Au début du 20e siècle, le PIB par tête dans les pays riches était 22 fois supérieur à celui des pays pauvres. En 1970, ce rapport passait à 88 fois. En 2000, il était de 267 fois ! La Chine, dont la croissance a pu dépasser 10% en un an, est un des pays les plus inégalitaires au monde. Le revenu moyen des 20% les plus pauvres représente moins de 5% de celui des 20% les plus riches.

Surexploitation des travailleurs

Croissance économique et profits, dans un contexte de crise structurelle du capitalisme, s’appuient d’abord sur une surexploitation des travailleurs : énorme pression sur les salaires, avec mise en concurrence de la classe ouvrière à l’échelle internationale, dégradation des conditions de travail pour augmenter la productivité (les accidents du travail sont en progression, y compris dans les pays riches, comme en France où l’espérance de vie d’un ouvrier reste inférieure de 7 ans à celle d’un cadre supérieur). On en revient à la situation du 19e siècle où le patronat ne rémunérait les travailleurs que pour permettre la reproduction de leur force de travail. La mondialisation de l’économie aggrave encore cette exploitation et les capitalistes occidentaux surexploitent les travailleurs des pays pauvres où, comme au Bangladesh, ils paient des travailleurs moins de 10 centimes de l’heure pour des semaines de 80 heures. Le système capitaliste maintient aussi un fort niveau de chômage, qui renforce encore la concurrence entre travailleurs et les moyens de pression pour le patronat. Le dernier rapport du Bureau International du Travail montre que le chômage est resté l’an dernier à son plus haut niveau historique « malgré une croissance économique mondiale soutenue » (avec 195,2 millions de chômeurs à travers le monde, équivalant à un taux de chômage de 6,3% – chiffre plancher certainement qui recense les demandeurs d’emploi sans tenir compte ni de la précarité, ni du temps partiel imposé).

Une croissance fragile

Mais le système économique capitaliste est par nature instable, d’autant plus dans la situation actuelle marquée par un fort déséquilibre international. La croissance mondiale est avant tout tirée par la Chine, avec une croissance record de 10,7% en 2006 (et un excédent commercial record de 136,46 milliards d’euros, soit + 74%). Pendant ce temps, les pays occidentaux stagnent à une croissance d’un peu plus de 2%. L’Allemagne devrait perdre l’an prochain sa place de 3ème puissance économique mondiale au bénéfice de la Chine. Cette croissance et ces profits sont rendus possibles par la mise en place de politiques ultralibérales à l’échelle mondiale. Les experts du capitalisme, tout en promouvant le libéralisme, sont tout de même inquiets sur son avenir. Ainsi le directeur du bureau national des statistiques chinois (BNS), Xie Fuzhan, s’inquiète de « la relation irrationnelle entre les investissements et la consommation, les déséquilibres et l’abondance de liquidité du système bancaire ». La plus grande part de la croissance des pays industrialisés repose avant tout sur la spéculation. Des pans entiers de l’économie mondiale reposent sur ce système : banques, assurances, immobilier, services, énergie. En 2005, le volume total des titres, actions et emprunts représentait 3 fois le PIB mondial ! La moindre faiblesse d’un fond d’investissement important pourrait conduire à un crack financier majeur. Et ce sont les travailleurs qui en paient les conséquences. Y compris pour les entreprises qui tirent leur profit d’une réelle activité industrielle. Danone par exemple tire justement de sa trésorerie immense la capacité de fermer et d’ouvrir des sites industriels, en supprimant les emplois, comme bon lui semble, en fonction des objectifs de profits que les actionnaires et les patrons se fixent. On voit bien l’arnaque qui consiste à dire que ce qui serait bon pour une entreprise serait bon pour ses salariés, tout comme l’argument des économistes bourgeois sur les bienfaits de la croissance alors que celle-ci repose justement sur une augmentation de l’exploitation.

Pour une économie socialiste

Mais ce système porte en lui le germe de sa chute. Les politiques libérales renforcent la polarisation entre riches et pauvres, entre les capitalistes et la classe ouvrière. La lutte des classes ne peut donc que s’accentuer. Alors que les travailleurs produisent toutes les richesses de la société, il est temps qu’ils en tirent les bénéfices. Cela ne peut se faire que dans le cadre d’une société qui ne soit pas basée sur le profit. L’absurdité de l’économie capitaliste serait remplacée par un système planifié, contrôlé par la classe ouvrière, où les outils de travail seraient détenus collectivement, où les productions correspondraient à des besoins réels, et où les richesses seraient partagées entre tous ceux qui les ont produites. C’est la seule voie pour permettre l’amélioration des conditions de vie de tous à l’échelle planétaire.

par Pascal Grimbert