Les 100 mesures de Royal : quelques promesses tout en rassurant la bourgeoisie

Face à la détermination et à la démagogie de Sarkozy, Royal essaie de développer une apparence la plus à gauche possible. Mais ce n’est pas pour autant que c’est très à gauche…

Article paru dans l’égalité n°124

Le problème de Royal, c’est de mettre en avant des mesures qui ont l’air de gauche, mais sans que ce soit des promesses dont les travailleurs pourraient se saisir pour lutter. La lecture du catalogue est assez éloquente : tout y est fait pour qu’en définitive la bourgeoisie ne soit pas affolée.

Ainsi, sur les salaires, « Le Smic sera porté à 1 500 euros, le plus tôt possible dans la législature »… On est habitué à ce genre de promesse vague. Il suffit après d’inventer une mauvaise conjoncture et hop ! on ne peut pas faire l’augmentation prévue. Et même si cette promesse était tenue, le Smic étant à 1254 euros, la progression serait de moins de 50 euros (brut) par an… pas de quoi améliorer tant que ça les conditions de vie… Et si on suit la hausse « naturelle » du SMIC (qui est indexée sur l’inflation), il sera dans 5 ans à plus de 1400 euros si on en reste à une inflation de 1,8 %. Et cela alors que, par exemple, la hausse de l’essence (qui n’est pas prise en compte dans le calcul de l’inflation) a été énorme ces dernières années, pesant de plus en plus lourd dans le budget des petits salaires.

D’ailleurs Royal ne parle pas des autres salaires. Tout au plus, dit-t-elle qu' »Une conférence nationale sur les salaires, les revenus et la croissance réunissant les partenaires sociaux sera organisée dès juin 2007. Cette conférence sera annuelle ». On sait les patrons complètement opposés aux hausses collectives de salaires, comment donc Royal et son gouvernement s’y prendront-ils ? D’autant plus qu’elle prend bien soin de lier la question des salaires à la « croissance », histoire de rendre les revendications raisonnables ? Et si au contraire on s’intéressait un peu plus à la question des profits ?

Des promesses qui seront tenues ?

Certaines mesures ont l’air carrément d’aller dans le sens des intérêts de la population. C’est le cas par exemple de celles-ci : « Doter chaque établissement d’une infirmière scolaire et d’une assistante sociale à temps plein » ou « Donner le droit de vote pour les élections locales aux étrangers séjournant régulièrement en France depuis plus de cinq ans », « supprimer le CNE pour faire du CDI la règle » etc. On ne va certainement pas s’opposer à ce genre de mesure mais on a comme l’impression qu’on nous a déjà fait le coup… Le droit de vote des étrangers aux élections locales par exemple, figurait déjà dans les promesses d’un certain Mitterrand en 1981…

L’absence de mesure s’en prenant réellement au capitalisme

Sur des questions comme EDF-GDF, les retraites, les « 35 heures », ou l’emploi des jeunes par exemple, le programme de Royal rappelle largement celui de Jospin. « Emplois tremplins » à la place « d’emploi jeunes », avec la même précarité, nouvelles « négociations » pour corriger les effets « négatifs » des 35 heures sans que ces effets soient définis… L’annualisation, la flexibilité, le retour massif du travail de nuit ou le week end… ne sont jamais cités.

C’était d’ailleurs le gouvernement Jospin qui avait mis fin à l’interdiction du travail de nuit pour les femmes dans l’industrie au lieu de l’interdire pour tous dans tous les endroits où cela n’est pas socialement nécessaire ou technologiquement incontournable (fours devant fonctionner sans interruption…), et ce sans que soient créées des crèches ou des garderies.

Pas de réelle remise en cause des attaques faites par la droite ces dernières années

EDF et GDF seraient maintenus au sein d’un « pôle public ». Il n’y aura donc ni renationalisation ni remise en cause des lois du marché. Public ou pas, EDF-GDF devra suivre les lois de la concurrence et du profit pour vendre de l’énergie. Quant aux retraites, aucune remise en cause des plans Raffarin-Fillon de 2003, et la « négociation » (encore !) sur des sujets comme les « régimes spéciaux », mot d’ordre préalable à la privatisation de la SNCF ou autre.

En fait, le programme de Royal ne s’attaque en rien à la racine même des problèmes. Si elle peut bénéficier d’un fort compréhensible vote anti-Sarkozy, personne ne doit s’y tromper : elle n’aura pas une politique différente sur le fond. D’un côté, elle n’entend nullement s’attaquer aux capitalistes, de l’autre, elle ne veut surtout pas développer les luttes des travailleurs.

Par Alex Rouillard