Par Niall Mulholland, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
A mesure que le nombre de victimes tombées à Gaza prenait de l’ampleur, les puissances occidentales ont eu quelques déclarations de condoléances et ont appelé à un « cessez-le feu ». En Grande-Bretagne, sous la pression croissante de l’opinion publique, des fissures sont apparues au sein du gouvernement Conservateurs-Libéraux Démocrates, et la ministre des Affaires Étrangères, la baronne Warsi, a démissionné, expliquant qu’à ses yeux la politique du gouvernement concernant la bande de Gaza était « moralement indéfendable ».
La Maison Blanche a timidement regretté les attaques des Forces de défense israéliennes sur les écoles de l’ONU, sans pourtant blâmer explicitement l’État d’Israël. Parallèlement, le Sénat américain a voté à l’unanimité pour l’octroi de 225 millions $ pour réapprovisionner l’arsenal militaire américain et pour le système antimissile « Dôme d’acier ».
Le dirigeant travailliste britannique Ed Miliband a finalement retrouvé sa voix dernièrement pour critiquer la position pro-israélienne du premier ministre conservateur David Cameron. Mais jusqu’à très récemment, ni les Travaillistes, ni les Conservateurs, ni les Libéraux-Démocrates n’ont trouvé utile de remettre en question le très lucratif commerce d’armes entre la Grande-Bretagne et Israël. Ce n’est que sous la pression croissante du public que des ministres disent maintenant qu’ils vont examiner la vente prévue de 8 milliards de livres sterling d’armes à Israël. Downing Street (siège du premier ministre) a cependant de suite déclaré qu’il n’était pas question d’une interdiction des ventes de matériel militaire à Israël.
Alors que plus de 70% des victimes sont des civils et 25% des enfants, le gouvernement Hollande-Valls a attendu quatre semaines de conflit pour enfin déclarer qu’il fallait « agir » pour mettre fin aux « massacres » à Gaza. Il aura été le seul gouvernement à faire interdire les manifestations à Paris contre l’offensive de l’armée israélienne.
Le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a condamné l’attaque israélienne à Gaza comme étant un « acte criminel » et a appelé à mettre fin à « cette folie ». Mais l’ONU – dominé qu’il est par les grandes puissances impérialistes – ne propose aucune mesure concrète face au mépris d’Israël quant au droit international, sans même parler de véritables négociations face à cette crise qui dure depuis des décennies.
La création d’Israël
Quel est le rôle de l’impérialisme occidental dans ce conflit sanglant ? L’Etat moderne d’Israël a été créé en 1948, après que des Juifs aient fui l’Holocauste et les persécutions nazies vers une nouvelle « patrie », qui était alors la Palestine.
Alors que l’occupation impérialiste britannique de la Palestine prenait fin et qu’éclatait la première guerre israélo-arabe, les dirigeants sionistes de droite ont expulsé des centaines de milliers de Palestiniens, en utilisant des méthodes paramilitaires et le « terrorisme ». Initialement, le mouvement sioniste a oscillé entre l’impérialisme occidental et l’Union Soviétique stalinienne pour trouver du soutien à la création d’Israël. La nouvelle classe dirigeante a promis une « terre de lait et de miel » à son peuple, mais n’a au final délivré que des crises et des guerres des décennies durant, et, dans la période récente, un approfondissement important du fossé entre riches et pauvres.
L’une des principales raisons qui permet d’expliquer comment Israël a été en mesure de survivre est l’énorme aide économique et militaire de l’impérialisme américain. Ce dernier considère Israël comme un Etat client clé dans une région stratégiquement vitale et riche en ressources naturelles. Les Etats-Unis arment et financent Israël à hauteur de 3 milliards de dollars par an, ayant ainsi aidé à la création de la quatrième armée la plus forte au monde.
Après une politique « d’intégration forcée » des Palestiniens sous occupation entre 1967 et la fin des années ‘80, la politique israélienne s’est orientée vers la « séparation » au cours des années 1987-1993 et de la Première Intifada («soulèvement») de masse, lorsque les élites dirigeantes ont réalisé qu’elles ne pouvaient pas tout simplement agir de la même manière que par le passé.
Après les accords d’Oslo (1993) et la création de l’Autorité Palestinienne (AP) dirigée par le Fatah, Israël a renforcé son contrôle autour de Gaza, surtout après la seconde Intifada de 2000-2005 et l’arrivée au pouvoir du Hamas en 2006. Les gouvernements israéliens successifs et les puissances occidentales ont cherché à faire chuter le Hamas du pouvoir. La bande de Gaza, la plus grande prison à ciel ouvert au monde, a été efficacement fermée et scellée.
Israël a encouragé les divisions entre le Fatah et le Hamas. Ses énormes attaques militaires contre la bande de Gaza en 2008-9 et en 2012 étaient destinées à «tondre le gazon», c’est-à-dire à affaiblir le Hamas et à renforcer le pouvoir israélien. L’agression actuelle qui a commencé le 6 juillet est destinée à faire de même et à détruire toute tentative de réconciliation du Hamas et du Fatah.
Le Hamas
Mais la féroce agression militaire d’Israël a renforcé le Hamas, organisation considérée comme la seule force de résistance contre la boucherie commise par l’armée israélienne, même chez ses critiques les plus sévères dans la bande de Gaza. La question des droits des Palestiniens est également revenue au centre de l’attention internationale.
Au cours de ces derniers mois, le Hamas est entré en discussion avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (Fatah), étant dans une position de faiblesse croissante. Le Hamas avait perdu le soutien de la Syrie et de l’Iran après son refus de soutenir le régime d’Assad, confronté à une rébellion armée.
Le Hamas est également confronté à l’hostilité du régime égyptien, qui a renversé dans le sang le précédent gouvernement dirigé par les Frères musulmans, proches alliés du Hamas. « L’économie de tunnels souterrains » entre l’Egypte et Gaza a systématiquement été démantelée par l’Égypte et le Hamas a été incapable de payer les salaires des employés du gouvernement.
Ces développements, aggravés par le règne autoritaire du Hamas et par son incapacité à montrer une voie de sortie hors de la pauvreté et de l’oppression nationale pour les masses palestiniennes, ont entraîné une forte baisse de son soutien à Gaza. Mais les critiques formulées contre le Hamas ont naturellement été mises en sourdine lorsque l’assaut de l’armée israélienne a commencé.
Les habitants de Gaza ont, bien sûr, le droit de se défendre, mais les tirs de roquettes à partir de Gaza depuis le 6 juillet n’ont fait que refléter le désespoir des Palestiniens dans la bande de Gaza. Ces tirs ne sont aucunement dissuasifs pour le régime israélien et son écrasante supériorité militaire. Plus encore, ces attaques aveugles à la roquette contre des civils israéliens, lancées par des groupes qui ne sont pas démocratiquement contrôlés, sont contre-productives : elles provoquent une peur généralisée au sein des diverses collectivités en Israël, peur impitoyablement exploitée par le gouvernement israélien pour être en mesure d’encore plus réprimer les Palestiniens.
Les intérêts et objectifs d’Israël et de ses alliés impérialistes occidentaux ne sont pas toujours concordants. Les pouvoirs occidentaux aimeraient voir un accord à long terme survenir entre dirigeants palestiniens et israéliens vers, selon les paroles de John Kerry, « deux Etats pour deux peuples ». Aux yeux de l’impérialisme, cela ne signifie aucunement la libération de la Palestine, mais plutôt une sorte de mini-État palestinien dirigé par une élite dirigeante docile.
Les puissances occidentales espèrent que cela entraînerait une plus grande stabilité dans la région ainsi que la sauvegarde de leurs intérêts. Les élites dirigeantes corrompues et despotiques des États arabes, en dépit de leur soutien de parole pour les droits des Palestiniens, craignent également la création d’une Palestine indépendante, car des développements radicaux pourraient provoquer le début de la fin de leur domination.
Après que l’Union Européenne et les États-Unis aient indiqué qu’ils étaient prêts à discuter avec un nouveau régime Hamas-Fatah, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, sous la pression de ses ministres d’extrême-droite et du puissant mouvement des colons, a fait monter les enchères. Le 12 juin, la disparition de trois étudiants israéliens en Cisjordanie a été utilisée comme justification pour lancer des opérations militaires contre Gaza et attiser les craintes israéliennes face au Hamas, au « terrorisme de roquettes » et plus tard au « terrorisme de tunnels ».
Mais l’objectif principal du régime israélien était de terroriser la population de Gaza et de briser la résistance palestinienne. Mais puisque les voisins d’Israël et toute la région sont dans la tourmente (la Syrie et l’Irak sont bouleversés par la guerre civile, la Jordanie et le Liban sont instables, l’Égypte est sous domination militaire, la Libye est déchirée par les seigneurs de guerre,…), l’État israélien a également voulu afficher sa puissance militaire et s’assurer un certain respect.
Même si l’armée israélienne parvient à complètement éliminer le Hamas, d’autres groupes armés palestiniens apparaîtront, peut-être même des ennemis encore plus féroces, comme les djihadistes de Daesh (qui sévissent au Nord Irak).
De nouvelles explosions
Netanyahu affirme que le conflit actuel confirme son argument selon lequel un « contrôle sécuritaire » est nécessaire sur la Cisjordanie. Cela implique de consolider l’occupation et d’étouffer le moindre espoir palestinien d’une solution à deux Etats.
Mais cette politique ne pourra qu’enraciner encore plus profondément les divisions et assurer de nouvelles explosions et de plus terribles conflits. La population palestinienne en Israël augmente et menace même de devenir une majorité. L’élite israélienne pourrait avoir à faire face à des soulèvements en Cisjordanie et en Israël même, là où l’horloge démographique est à son désavantage. L’extrême droite israélienne va essayer de contrer ce processus en forçant de nouveaux mouvements population ou en dégradant encore plus les droits de Palestiniens vivant en Israël.
Les socialistes révolutionnaires que nous sommes soutiennent le droit à l’autodétermination pour les Palestiniens et appellent à l’expulsion de l’impérialisme hors de la région. Quelle force est capable d’atteindre un tel objectif? La lutte de masse des Palestiniens, sous leur propre contrôle démocratique, est un élément essentiel pour obtenir une véritable libération nationale.
A travers la construction de mouvements et partis de masse des travailleurs dans toute la région, il sera possible de faire reculer les forces pro-capitalistes et de commencer à faire prendre forme aux idées socialistes. Une Palestine socialiste et un Israël socialiste, dans le cadre d’une confédération socialiste du Moyen-Orient, poserait les bases d’un avenir sans guerre, sans terreur et sans pauvreté.
C’est le programme que défend courageusement le Mouvement Socialiste de Lutte (CIO) en Israël-Palestine (http://maavak.org.il/maavak).
(photo: http://blog.fanch-bd.com)