C’est avec une mobilisation forte de plus de 3000 manifestants devant palais de Justice du Havre qu’a été annoncée la victoire pour les 4 militants de la CGT poursuivis en justice pour leur action militante lors de deux luttes récentes. Malgré l’acharnement grandiloquent du Procureur, qui demandait de la prison ferme et est même venu en personne, n’ayant certainement aucune autre affaire de justice importante à gérer autre que celle de donner satisfaction au patronat havrais ; le juge a finalement prononcé la relaxe (la non condamnation) dans la principale affaire.
Malgré un gouvernement « de gauche » ou la très grande défenseuse des droits, la (toujours !) ministre de la justice C. Taubira ; poursuivre les syndicalistes avec les moyens de condamnations de « droit commun », comme s’il s’agissait de vulgaires faits criminels, est très en vogue. Il y a les syndicalistes de Roanne, ceux de Continental, ceux de Goodyear… à chaque fois, la justice est là pour aider le patronat ou le gouvernement à essayer de briser les luttes. Mais à chaque fois c’est par milliers que les travailleurs et les syndicalistes se mobilisent, conscients que ce ne sont pas les actes en eux-mêmes que la justice cherche à condamner mais bien la résistance aux attaques patronale ou gouvernementale.
Par contre lorsqu’il s’agit de patrons qui font des malversations, qui brisent des gens en les jetant à la rue, qui maquillent des comptes pour justifier des fermetures, voire qui exercent une telle pression sur les salariés qu’ils les poussent au suicide, la Justice est bien évidemment beaucoup plus clémente ! C’est une justice à deux vitesses, favorable aux riches et aux capitalistes.
De la prison pour un petit carnet ?!
C’est sûr que les faits reprochés à ceux du Havre étaient vraiment terribles ! Dans le premier cas, il leur est reproché d’avoir collé des affiches contre la casse des retraites sur le local du PS lors des mobilisations de septembre dernier. Les syndicalistes ont également déboulonné la plaque de la permanence judiciaire de la députée PS Troallic, qui soutenait cette attaque.
Dans le 2ème cas, lors de la grève des salariées de la SPB (une société en courtage maritime du Havre), un inconnu prenait des notes dans un calepin, des photos et provoquait les travailleurs en lutte. Le carnet a fini fort logiquement dans le feu du piquet de grève. Là le Procureur a requis six mois fermes pour violence en réunion ! Un tel zèle à servir la bourgeoisie havraise laisse incrédule. Mais il y a toujours eu au Havre un acharnement contre les travailleurs et leurs syndicats trop combatifs. L’exploitation sur un port est toujours rude, et la bourgeoisie et le patronat d’un port industriel comme Le Havre a construit sa fortune sur cette impitoyable exploitation des dockers et des travailleurs portuaires.
Les équipes syndicales étaient venues d’un peu partout : des 5 départements normands, de la région parisienne, des entreprises du privé comme des services publics, principalement CGT mais également SUD-Solidaire et quelques-uns de la FSU et de FO. Il fallait montrer que face à ces intimidations, c’est notre solidarité dans la lutte qui compte et qui nous fera gagner ! D’ailleurs, de nombreuses travailleuses de la SPB étaient présentes pour apporter elles aussi leur soutien à ces responsables de l’Union Locale CGT du Havre, poursuivis pour avoir montré à un huissier qu’il ne déroge pas à la loi et doit se présenter pour exercer son sale métier d’indic et de laquais du patronat.
Une première victoire
Le Procureur était donc venu plaider lui-même. Néanmoins, le juge a prononcé la relaxe. Pour l’autre affaire, celle de la plaque, le juge a prononcé une dispense de peine pour « recel et vol de plaque » et infligé une amende symbolique de 100 euros. Certes, une plaque de député PS peut devenir un objet rare aux prochaines élections mais le trafic risque de ne pas être très lucratif… ! Qualifier cela en vol et recel consiste en fait vouloir transformer un geste politique en acte criminel ; ce geste politique qui était de ne pas considérer que la députée du Havre, Troallic, élue dans une circonscription ouvrière, ait une quelconque légitimité de voter la casse des retraites. Appel va donc être fait de ce jugement.
Hollande avait promis une loi d’amnistie pour les syndicalistes et militants menant des actions collectives lors de son élection en 2012. Cela ne lui coûtait pas grand chose car il y a peu de cas. Mais comme l’UMP et le patronat (et le FN) étaient vent debout, criant au scandale et à l’autorisation des pires « crimes » que pourraient commettre les travailleurs en lutte, Hollande a tout de suite retiré cette proposition de loi, en bon serviteur des capitalistes.
Mais cette victoire judiciaire au Havre, renforcée par la solidarité qu’elle a montré au Havre et dans de nombreuses villes et entreprises, a permis de réaffirmer qu’on n’a pas à baisser la tête ou à accepter leurs règles, qui ont pour objectif de nous empêcher de lutter, et qu’ensemble et unis dans la lutte, c’est eux qui devront reculer.
Alex Rouillard