Le 15 Février des millions de manifestants sont descendus dans les rues pour exprimer leur refus du massacre programmé du peuple irakien. Il y a eu des manifestations contre la guerre en Irak sur tous les continents, dans plus de 600 villes et dans presque tous les pays (même en Antarctique !).
Article paru dans l’Egalité n°100
Une telle mobilisation internationale constitue un moment unique dans l’histoire et marquera certainement la fin d’une période dominée par le triomphe du capitalisme et de l’impérialisme, dans les années 90. Cette deuxième période est celle d’une résurgence des conflits et des crises économiques, qui a provoqué un mouvement sans précédent de millions de personnes qui n’ont pas l’intention d’accepter la guerre coloniale initiée par les USA contre l’Irak. Les manifestations de masse du 15 Février sont aussi une nouvelle phase dans les résistances et les luttes contre la mondialisation capitaliste et les politiques libérales.
Il est quasiment impossible de donner une estimation exacte du nombre de manifestants, (jusqu’à 30 millions selon certains journaux). Les manifestations les plus importantes ont eu lieu dans les pays dont les gouvernements soutiennent la politique US. Les manifestations internationales, de Seattle en 99 à Florence en 2002, ont aidé à donner un caractère international à la manif du 15/02/03, car elles avaient démontré l’importance d’une lutte internationale contre la mondialisation capitaliste. Des manifs qui ont ébranlé les certitudes des capitalistes.
Beaucoup des manifestants étaient des gens qui n’ont pas l’habitude de manifester et qui n’avaient jamais été impliqués dans aucun mouvement politique. Si les manifestants venaient manifester surtout contre la guerre en Irak, certains faisaient le lien entre la politique guerrière en cours et les politiques sociales des gouvernements (privatisations, baisse des budgets des services publics, licenciements, répression…). La taille de la mobilisation du 15/02 montre que de plus en plus de gens refusent de voir leur avenir dicté par la loi du profit, c’est aussi pour cela qu’il y avait beaucoup de jeunes.
Cet aspect de la mobilisation n’a pas échappé aux dirigeants capitalistes ; même s’ils ne remettent pas en cause leur volonté de faire la guerre coûte que coûte, ils ont été forcé de se justifier et de ralentir la course à la guerre. Blair, Berlusconi et Aznar risquent leur place, car ils ne sont pas seulement confrontés au mouvement anti-guerre, ils doivent aussi faire face à d’importants mouvements sociaux contre leur politique intérieure. Si Bush et ses alliés vont présenter une deuxième résolution à l’ONU, c’est d’une part pour se donner un air démocratique et ainsi avoir plus de soutien au sein des classes dirigeantes mais aussi de la population. D’autre part, ils espèrent ainsi éviter les conséquences d’une déclaration de guerre unilatérale, qui pourrait les faire chuter.
Chirac, Schröder et Poutine : prix Nobel de la paix ?
L’opposition de la France, l’Allemagne et de la Russie ne sont qu’une façade. Ils ne sont pas contre la guerre, et ils l’ont dit à maintes reprises. Ce qui se joue à l’intérieur de l’Union Européenne et au niveau international, ce n’est pas une concurrence idéologique mais bien une concurrence économique et de positionnement stratégique. Ce n’est pas un hasard si les pays opposés à la guerre sont les principaux investisseurs en Irak.
Ce n’est pas non plus un hasard si les multinationales pétrolières françaises et russes, Total et Loukoil, négocient des contrats d’exploitation qui représentent ¼ de la production potentielle d’Irak. Ce n’est pas par pacifisme, esprit démocratique ou inquiétude pour le sort des irakiens qu’ils s’opposent aux USA, mais parce qu’ils savent que si les multinationales américaines et britanniques s’installent en Irak, il ne leur restera que des miettes. Ce qui se passe en ce moment est un des aspect du capitalisme et de l’impérialisme. Dans des périodes de crise économique les capitalistes se retrouvent en concurrence les uns par rapport aux autres. Mais il ne faut pas se faire d’illusions, quand ils seront confrontés à un mouvement de masse qui menacera le système ils sauront à nouveau s’entendre. C’est pourquoi nous ne devons pas faire confiance à des Chirac, Schröder ou Poutine, ils ne défendent pas les intérêts des travailleurs et des jeunes ni en Irak, ni chez eux.
Par Virginie Prégny