La grève générale, une lutte pour le pouvoir

La question d’une riposte du mouvement ouvrier face au gouvernement Macron et aux capitalistes se pose de façon urgente. Les grèves sur des revendications salariales se multiplient dans les entreprises et les établissements publics.

La France a connu de gros mouvements de grève ces dernières années, mais qui n’ont pas permis de faire reculer le gouvernement. Même s’ils étaient massifs, ces mouvements n’étaient pas ni des grèves de masse, ni des grèves générales.

En 1936 ou en 1968, la grève générale a représenté en France, au XXème siècle, le sommet de la lutte des classes qui est allée au-delà de la simple satisfaction des revendications immédiates, en ébranlant le pouvoir des capitalistes, de leur État et de leur gouvernement, avant d’être trahie. C’est pourquoi la question de la grève générale ne peut être qu’un slogan de manifestation, mais bien une démarche de construction consciente d’un rapport de force politique entre la classe des travailleurs et les capitalistes.

Article paru dans l’Egalité n°213, par Yann Venier

La question du pouvoir

La grève générale, véritable démonstration de force de la classe ouvrière, remet en cause les conditions de l’exploitation et de l’oppression, en bloquant l’économie (on a vu ce que la grève des raffineurs avait été capable de faire).

Elle est donc éminemment politique et ne peut être séparée de l’objectif de renverser le pouvoir politique des capitalistes : le gouvernement et le chef de l’État. D’ailleurs, en Mai 68, outre les revendications économiques et sociales portées par la grève, le mot d’ordre central du mouvement était « 10 ans [de pouvoir de De Gaulle], ça suffit ! ».

Actuellement, qui peut sincèrement croire que Macron, ou n’importe quel clone au service du capitalisme, et son gouvernement, pourraient mener une autre politique que celle qu’il mène ? Imposer un véritable programme pour les travailleurs et les travailleuses, pour les privé-es d’emploi et les précaires, pour les retraité-es et pour la jeunesse nécessitera de dégager Macron et sa clique.

La grève générale pose donc la question du pouvoir, c’est-à-dire quelle classe sociale fait tourner l’économie et a le pouvoir dans la société. Un gouvernement des travailleurs et des travailleuses issu de la lutte et de ses organisations est, alors, à l’ordre du jour. Limiter la grève aux revendications immédiates, c’est limiter la possibilité que se développe la grève générale. C’est ce qui fait la différence entre grève de masses et grève générale.

L’organisation démocratique des travailleurs

Les grèves de masses en se dotant d’outils qui renforcent le mouvement permettent d’organiser salarié-e-s grévistes syndiqué-e-s ou non. Ce sont des assemblées générales de grévistes dans les lieux de travail qui discutent de la grève, sa reconduction, des revendications, et des modalités d’action, etc.

Assemblées générales, comités de lutte ou de grève fonctionnant sur les principes de la démocratie ouvrière, associant les forces organisées (partis et syndicats) permettent d’unifier le mouvement et d’élaborer collectivement une stratégie pour faire gagner la lutte en impliquant le plus grand nombre. De fait, elle préfigure l’organisation démocratique de la société débarrassée du capitalisme, car à terme, si la grève de masse continue de se développer, les organes de démocratie ouvrière devront aussi prendre en charge les questions de distributions des marchandises, du ravitaillement, de toutes les questions d’ordre, de santé, d’éducation, de sécurité…

La démocratie ouvrière en œuvre aux usines Citroën de Paris lors de la grève de mai 1968.

Une poussée révolutionnaire

De fait, la grève générale traduit une poussée révolutionnaire dans la société et dans la classe. Face à un pouvoir économique et politique discrédité, la grève générale associe à la fois un haut degré d’organisation de la classe ouvrière, une confiance retrouvée dans la capacité de l’action collective à changer les choses et un ras-le-bol d’une situation devenue insupportable.

Elle peut ouvrir une période pré-révolutionnaire durant laquelle la classe ouvrière commence à prendre conscience de sa force collective. Non seulement cela paralyse la bourgeoisie car son caractère inutile pour le fonctionnement de la société est mis en évidence, mais la conscience de la classe ouvrière s’émancipe au fil de l’expérience, à la fois de l’idéologie dominante et des modes d’exploitation et de domination des capitalistes.

De la poussée révolutionnaire à la révolution

La grève générale est l’expression d’une poussée révolutionnaire pour changer la société. Elle ne suffit pas pour renverser le capitalisme. Si la grève générale ne se décrète pas, la situation sociale et politique doit être scrutée pour la faire avancer dans le sens des intérêts des travailleurs. De même, le programme pour réellement dégager les capitalistes doit être discuté et diffusé largement. C’est pour cela que la classe ouvrière a besoin d’un parti révolutionnaire de masse doté d’un programme socialiste ; qui organise les travailleur-ses et jeunes les plus déterminé-es, prêt à poser la question d’un pouvoir des travailleurs pour remplacer celui des capitalistes et ainsi avancer dans la voie révolutionnaire du socialisme.