Jack Lang propose « un Maastricht de l’éducation »

Dans la droite ligne de son prédécesseur, Claude Allègre, Jack Lang signe l’arrêt de mort de l’Université publique. En instaurant plus d’autonomie pédagogique et financière des universités, le ministre ouvre grand la porte aux entreprises privées, qui demandent à l’Université de lui fournir des étudiants formés exclusivement pour les besoins de l’entreprise.

Article paru dans l’Egalité n°87

La CPU (conférence des Présidents d’Université) « suggère que la négociation du contrat relève ensuite d’une approche globalisée et consolidée, avec… un volet identitaire, permettant à l’établissement de mener une véritable politique de gestion des ressources humaines et financières dans un cadre pluriannuel ». Les universités vont donc pouvoir gérer le personnel de façon plus « rentable » et orienter la recherche en fonction des besoins de ses financeurs. Une des conséquences graves de cette autonomie accrue sera la fin de la validité permanente et nationale des diplômes, qui sont la seule garantie pour les étudiants de recevoir une rémunération en rapport avec leurs compétences, par le biais des conventions collectives. Cela signifie que l’habilitation des diplômes se fera université par université. Une fois que votre diplôme est dépassé, il vous faudra en préparer un autre, sans savoir si cette formation se fera en parallèle de votre travail ou si vous devrez chercher un autre emploi à la fin de celle-ci. Enfin, cela permettra aux patrons de virer les travailleurs considérés comme « has been » et d’embaucher des jeunes à un salaire inférieur.

Le deuxième volet de cette réforme est le système ECTS (système européen de transfert de crédit, qui vient s’ajouter au 3/5/8 et à la licence professionnelle d’Allègre. Les diplômes seront calculés par un système de points et les modules couvriront aussi les stages en entreprise et le travail personnel. Bien sûr, aucune garantie sur le pourcentage alloué aux enseignements fondamentaux, puisque ce qui prime c’est que les formations universitaires correspondent aux exigences des patrons. Ce système est aussi une attaque contre l’aide sociale, car les étudiants inscrits en cours d’année ne pourront bénéficier d’une bourse du gouvernement, ils devront donc travailler en plus de leurs études. Enfin, le ministère prévoit de développer le télé-enseignement, ce qui permettra à l’état d’économiser sur les postes de prof, les salles, le personnel IATOSS, et surtout d’éparpiller les étudiants, ce qui rendra plus difficile toute lutte.

Aujourd’hui, les syndicats de profs et d’étudiants approuvent plus ou moins la réforme, et le MEDEF et la CFDT s’en félicitent ! Il est urgent que les étudiants et syndicalistes de lutte se regroupent pour préparer la riposte dès la rentrée. La lutte contre les plans Allègre-Lang interpelle le syndicalisme étudiant, en déliquescence et qui n’a pas été capable de mobiliser ces dernières années… Par un phénomène combiné d’attaques contre l’ enseignement supérieur depuis 10-15 ans, par une faillite de directions syndicales acceptant toujours, peu ou prou, des réformes libérales, le syndicalisme étudiant, minoritaire, s’est marginalisé sauf lors des élections universitaires.

Aujourd’hui, sur fond de réunification-absorption de l’UNEF par l’UNEF-ID, les directions syndicales font un baroud d’honneur au syndicalisme de lutte hérité de l’après seconde guerre mondiale. Elles sabrent toute velléité de mobilisation naissante dans les facs en acceptant les réformes des gouvernements de gauche comme de droite ; après celle de Jospin-Lang, celle de Bayrou, celle d’Allègre, la boucle semble bouclée avec le retour de Lang aux affaires.

Quel que soit le syndicat, mais récemment un peu plus dans dans l’UNEF que dans l’UNEF-id, des syndicalistes plus ou moins isolés contestent cette démarche mais sans pouvoir s’unifier ! Aujourd’hui, de nombreuses petites structures ou équipes syndicales de lutte existent et perdurent. C’est selon nous, sur celles-ci qu’il faut s’appuyer pour redémarrer un travail syndical. En attendant, cet effondrement syndical fait largement le jeu de Jospin et Lang. Ceci ouvre la voie à l’achèvement des réformes ouvertes précédemment. Il nous semble essentiel de le dire car la mémoire étudiante, du fait de la courte durée de présence dans une fac, est courte ! Toute réforme a toujours l’air d’être pire que la précédente, c’est en partie vrai aujourd’hui, mais elle en est surtout la triste continuité…

Pour mobiliser contre l’ECTS et la réforme Lang, il faudrait, selon nous, plus que du matériel d’information. Les militants de la GR n’ont aucune illusion dans la possibilité de la direction de l’UNEF-ID, comme celle de feu l’UNEF, de mobiliser contre cette réforme. Nous ne pouvons compter que sur nos propres luttes, pour rétorquer face à la casse du service public d’éducation. Bien entendu, il faut s’appuyer sur toute journée de mobilisation qui se présente, sans sectarisme. Un contenu clair contre les réformes doit être donné. On ne peut pas se mobiliser pour l’augmentation du budget, qui n’est pourtant pas un luxe, sans poser la question « de l’argent, oui, mais pour financer quel type d’université, celle du profit ou une fac ouverte à tous, de qualité ? » Les militants étudiants de la Gauche révolutionnaire souhaitent poursuivre ce débat avec tous. Notre effort de reconstruction d’une organisation ouverte, anticapitaliste, et révolutionnaire rend notre investissement syndical assez faible mais il reste une de nos identités fortes.

Par Leïla Messaoudi et Virginie Prégny